Ce mardi 24 juin 2025, l’Assemblée nationale a finalement repoussé la proposition de loi Gremillet. Il est vrai que ce texte est un monstre pronucléaire et anti-renouvelables largement rédigé et voté par l’extrême droite, qu’on en juge avec, par exemple :
▸ la réouverture des réacteurs de Fessenheim,
▸ un moratoire sur les énergies renouvelables,
▸ une interdiction orwellienne de l’expression "énergies renouvelables" et l’exclusion du solaire et de l’éolien des "énergies décarbonées".
Pour autant, même sans les éléments outranciers apportés par l’extrême droite, les éléments apportés par la macronie et eux aussi largement soutenus par l’extrême droite n’en sont pas moins outranciers et absurdes et risquent de se représenter à travers la deuxième lecture au Sénat le 8 juillet 2025 ou à travers un décret gouvernemental de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Ce sont par exemple les éléments qui avaient été réintroduits par un amendement du député macroniste Antoine Armand qui avait été plébiscité par l’extrême droite :
▸ 14 réacteurs EPR2, 6 à engager en 2026 et 8 autres en 2030,
▸ le maintien de l’extraction du plutonium du combustible usé à l’usine Orano de La Hague, y compris au delà de 2040,
▸ l’engagement d’un démonstrateur de réacteur de type Superphénix en 2030.
Le projet de 6 EPR2, qui était au cœur des discussions, a vu son coût prévisionnel – hors financement - passer de 51.7 Md€2020 à 67.4 Md€2020 (79.9 Md€2023) soit une augmentation de 30% [1]. Le ministre chargé de l’Énergie, Marc Ferracci, avait concédé le 19 février 2025 un coût de "moins de 100 Md€" [2].
Une "évaluation finale" qui était promise pour fin 2024 est encore attendue d’EDF pour décembre 2025, elle ne sera vraisemblablement pas à la baisse.
En attendant, trois débats publics se sont déroulés concernant ces projets d’EPR2 à Penly, à Gravelines et au Bugey. La Commission nationale du débat public n’a donc jamais pu avoir accès à une information claire concernant le coût et le financement de ces projets malgré ses multiples demandes dans ce sens. La Cour des comptes se trouve dans la même situation de refus : "Dans son rapport de 2020 sur la filière EPR, la Cour recommandait à EDF de « calculer la rentabilité prévisionnelle du réacteur de Flamanville 3 et de l’EPR2 et en assurer le suivi » (recommandation n° 6). EDF a refusé de manière délibérée et persistante de communiquer à la Cour des informations sur la rentabilité et le coût de production prévisionnels, ce qui amène à considérer cette recommandation comme non mise en œuvre" [3].
Dès avant la révélation par Les Échos en mars 2024 de la hausse de 15.7 Md€2020 du coût prévisionnel des 6 EPR2 en projet, on pouvait trouver une critique pertinente par Ghislain Dubois du rapport de RTE "Futurs énergétiques 2050" [4]. De plus, la hausse de 15.7 Md€2020 du coût prévisionnel des 6 EPR2 en projet annule le faible avantage de 9 Md€ que comportait la variante avec 6 EPR2 du scénario S3 de "Transition(s) 2050" de l’ADEME [5] par rapport à sa variante comportant à la place 24 GW d’éolien offshore flottant supplémentaire.
Une étude publiée récemment par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) indique un avantage en termes d’emplois aux scénarios sans nouveau nucléaire par rapport aux scénarios comportant du nouveau nucléaire [6].
De nouveaux investissements à La Hague pour y poursuivre l’extraction du plutonium du combustible usé : cette filière résulte d’un marchandage historique qui n’a aucune justification technique, économique ou écologique. En 1970, le CEA renonçait à sa filière de réacteurs nucléaires UNGG en contrepartie de quoi EDF s’engageait à faire extraire le plutonium de son combustible usé à La Hague (par le CEA, puis Cogéma, puis Areva, aujourd’hui Orano) afin d’en faire du MOx et in fine d’alimenter une nouvelle filière de surgénérateurs dont Superphénix devait être le premier exemplaire mais n’a été qu’un fiasco dont la page a à juste titre été tournée voici près de 30 ans. Cette filière du plutonium n’a rien d’un "recyclage" et la promesse de "fermeture du cycle" du combustible nucléaire est un mythe ! C’est au contraire très polluant, notamment pour l’Atlantique Nord-Est et fait l’objet d’une interdiction par le traité Ospar qui devait s’appliquer en 2020, échéance que la France a fait reporter à 2050 : les installations d’Orano La Hague ne devraient pas être renouvelées afin de respecter le traité Ospar. Le Royaume-Uni l’a fait en fermant Sellafield, pourquoi pas la France ?
Il convient de noter que le démonstrateur de réacteur à neutrons rapides pourrait se matérialiser sous forme de SMR : EDF a jeté l’éponge de son projet Nuward entre les deux tours des législatives 2024 ! Quel symbole de fragilité d’une politique nucléaire qui se base seulement sur le discours (de campagne) de Belfort du président Macron du 10 février 2022 et ses Conseils de politique nucléaire. Les projets portés par des start-up paraissent encore moins crédibles d’autant que certains - les AMR - se revendiquent de la quatrième génération de réacteurs nucléaires, qui a lamentablement échoué avec Superphénix et Astrid, et qui nécessiterait de créer la filière combustible spécifique qui va avec.
Industriellement, l’électronucléaire est une impasse :
▸ l’EPR d’Olkiluoto a causé la faillite d’Areva,
▸ les concurrents Westinghouse et Kepco ne sont guère en meilleure forme,
▸ le pire est à venir pour EDF avec Hinkley Point C dont les deux EPR sont en passe de devenir les réacteurs nucléaires les plus chers du monde [7].
Pour des raisons de déploiement rapide et de moindre coût, y compris en prenant en compte le coût des réseaux, du stockage et des flexibilités, les énergies renouvelables sont les meilleures énergies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et, notamment, respecter la trajectoire de l’accord de Paris.
La proposition de loi Gremillet, tout comme la PPE envisagée, n’entendent pas respecter les objectifs européens de la France qui sont pourtant de précieux garde-fous contre les énergies non renouvelables et non efficaces :
▸ la directive (UE) 2023/2413 relative à la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, dite « Directive RED III » [8] assigne à la France un objectif pour 2030 de 44% d’énergies renouvelables dans la consommation brute d’énergie finale, or l’article 5 de la proposition de loi Gremillet, tout comme la PPE qui était en projet, exprime pour cette échéance un objectif de 58% d’énergie "décarbonée" qui ne garantit pas le respect de l’objectif européen,
▸ la directive 2023/1791/EU relative à l’efficacité énergétique (DEE [9]) fixe des objectifs de baisse de consommation d’énergie finale que la proposition de loi Gremillet, tout comme la PPE qui était en projet, n’entendent pas atteindre. De plus l’article 3 de la directive DEE consacre aussi le principe de primauté de l’efficacité énergétique qui devrait condamner les investissements dans la production électronucléaire, particulièrement inefficace avec seulement 33% d’efficacité énergétique.
Dans le monde, seuls les régimes autoritaires persistent dans le nucléaire : la Chine sur son sol et surtout la Russie sur son sol et à l’export. Les rapports successifs World nuclear industry status report (WNISR) le montrent bien d’année en année [10].
En France, le nucléaire est devenu un marqueur de l’extrême droite.
Choisir le nucléaire, c’est ne pas s’attaquer efficacement aux émissions de gaz à effet de serre et dilapider des ressources dans une énergie autrement polluante.
Pour rappel, le nucléaire c’est :
▸ une énergie non renouvelable basée sur l’extraction de l’uranium dans des pays étrangers dont certains sont dans la sphère d’influence de la Russie,
▸ des déchets radioactifs qui ne trouveront jamais de véritable solution,
▸ des effluents radioactifs et chimiques rejetés de façon délibérée, à longueur d’année dans l’eau et dans l’air,
▸ un risque d’accident nucléaire que la France fait peser sur l’ensemble de l’Europe de l’Ouest.
La position du gouvernement sur l’énergie se veut centrale mais elle ne l’est pas : la seule option raisonnable et qui est d’ailleurs le standard mondial des nouveaux investissements électriques, c’est le 100% renouvelables pour à la fois sortir des fossiles et sortir du nucléaire.
Image de couverture : Façade Palais Bourbon, CC by ZeusUpsistos, photomontage Réseau "Sortir du nucléaire"
Ce mardi 24 juin 2025, l’Assemblée nationale a finalement repoussé la proposition de loi Gremillet. Il est vrai que ce texte est un monstre pronucléaire et anti-renouvelables largement rédigé et voté par l’extrême droite, qu’on en juge avec, par exemple :
▸ la réouverture des réacteurs de Fessenheim,
▸ un moratoire sur les énergies renouvelables,
▸ une interdiction orwellienne de l’expression "énergies renouvelables" et l’exclusion du solaire et de l’éolien des "énergies décarbonées".
Pour autant, même sans les éléments outranciers apportés par l’extrême droite, les éléments apportés par la macronie et eux aussi largement soutenus par l’extrême droite n’en sont pas moins outranciers et absurdes et risquent de se représenter à travers la deuxième lecture au Sénat le 8 juillet 2025 ou à travers un décret gouvernemental de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Ce sont par exemple les éléments qui avaient été réintroduits par un amendement du député macroniste Antoine Armand qui avait été plébiscité par l’extrême droite :
▸ 14 réacteurs EPR2, 6 à engager en 2026 et 8 autres en 2030,
▸ le maintien de l’extraction du plutonium du combustible usé à l’usine Orano de La Hague, y compris au delà de 2040,
▸ l’engagement d’un démonstrateur de réacteur de type Superphénix en 2030.
Le projet de 6 EPR2, qui était au cœur des discussions, a vu son coût prévisionnel – hors financement - passer de 51.7 Md€2020 à 67.4 Md€2020 (79.9 Md€2023) soit une augmentation de 30% [1]. Le ministre chargé de l’Énergie, Marc Ferracci, avait concédé le 19 février 2025 un coût de "moins de 100 Md€" [2].
Une "évaluation finale" qui était promise pour fin 2024 est encore attendue d’EDF pour décembre 2025, elle ne sera vraisemblablement pas à la baisse.
En attendant, trois débats publics se sont déroulés concernant ces projets d’EPR2 à Penly, à Gravelines et au Bugey. La Commission nationale du débat public n’a donc jamais pu avoir accès à une information claire concernant le coût et le financement de ces projets malgré ses multiples demandes dans ce sens. La Cour des comptes se trouve dans la même situation de refus : "Dans son rapport de 2020 sur la filière EPR, la Cour recommandait à EDF de « calculer la rentabilité prévisionnelle du réacteur de Flamanville 3 et de l’EPR2 et en assurer le suivi » (recommandation n° 6). EDF a refusé de manière délibérée et persistante de communiquer à la Cour des informations sur la rentabilité et le coût de production prévisionnels, ce qui amène à considérer cette recommandation comme non mise en œuvre" [3].
Dès avant la révélation par Les Échos en mars 2024 de la hausse de 15.7 Md€2020 du coût prévisionnel des 6 EPR2 en projet, on pouvait trouver une critique pertinente par Ghislain Dubois du rapport de RTE "Futurs énergétiques 2050" [4]. De plus, la hausse de 15.7 Md€2020 du coût prévisionnel des 6 EPR2 en projet annule le faible avantage de 9 Md€ que comportait la variante avec 6 EPR2 du scénario S3 de "Transition(s) 2050" de l’ADEME [5] par rapport à sa variante comportant à la place 24 GW d’éolien offshore flottant supplémentaire.
Une étude publiée récemment par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) indique un avantage en termes d’emplois aux scénarios sans nouveau nucléaire par rapport aux scénarios comportant du nouveau nucléaire [6].
De nouveaux investissements à La Hague pour y poursuivre l’extraction du plutonium du combustible usé : cette filière résulte d’un marchandage historique qui n’a aucune justification technique, économique ou écologique. En 1970, le CEA renonçait à sa filière de réacteurs nucléaires UNGG en contrepartie de quoi EDF s’engageait à faire extraire le plutonium de son combustible usé à La Hague (par le CEA, puis Cogéma, puis Areva, aujourd’hui Orano) afin d’en faire du MOx et in fine d’alimenter une nouvelle filière de surgénérateurs dont Superphénix devait être le premier exemplaire mais n’a été qu’un fiasco dont la page a à juste titre été tournée voici près de 30 ans. Cette filière du plutonium n’a rien d’un "recyclage" et la promesse de "fermeture du cycle" du combustible nucléaire est un mythe ! C’est au contraire très polluant, notamment pour l’Atlantique Nord-Est et fait l’objet d’une interdiction par le traité Ospar qui devait s’appliquer en 2020, échéance que la France a fait reporter à 2050 : les installations d’Orano La Hague ne devraient pas être renouvelées afin de respecter le traité Ospar. Le Royaume-Uni l’a fait en fermant Sellafield, pourquoi pas la France ?
Il convient de noter que le démonstrateur de réacteur à neutrons rapides pourrait se matérialiser sous forme de SMR : EDF a jeté l’éponge de son projet Nuward entre les deux tours des législatives 2024 ! Quel symbole de fragilité d’une politique nucléaire qui se base seulement sur le discours (de campagne) de Belfort du président Macron du 10 février 2022 et ses Conseils de politique nucléaire. Les projets portés par des start-up paraissent encore moins crédibles d’autant que certains - les AMR - se revendiquent de la quatrième génération de réacteurs nucléaires, qui a lamentablement échoué avec Superphénix et Astrid, et qui nécessiterait de créer la filière combustible spécifique qui va avec.
Industriellement, l’électronucléaire est une impasse :
▸ l’EPR d’Olkiluoto a causé la faillite d’Areva,
▸ les concurrents Westinghouse et Kepco ne sont guère en meilleure forme,
▸ le pire est à venir pour EDF avec Hinkley Point C dont les deux EPR sont en passe de devenir les réacteurs nucléaires les plus chers du monde [7].
Pour des raisons de déploiement rapide et de moindre coût, y compris en prenant en compte le coût des réseaux, du stockage et des flexibilités, les énergies renouvelables sont les meilleures énergies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et, notamment, respecter la trajectoire de l’accord de Paris.
La proposition de loi Gremillet, tout comme la PPE envisagée, n’entendent pas respecter les objectifs européens de la France qui sont pourtant de précieux garde-fous contre les énergies non renouvelables et non efficaces :
▸ la directive (UE) 2023/2413 relative à la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, dite « Directive RED III » [8] assigne à la France un objectif pour 2030 de 44% d’énergies renouvelables dans la consommation brute d’énergie finale, or l’article 5 de la proposition de loi Gremillet, tout comme la PPE qui était en projet, exprime pour cette échéance un objectif de 58% d’énergie "décarbonée" qui ne garantit pas le respect de l’objectif européen,
▸ la directive 2023/1791/EU relative à l’efficacité énergétique (DEE [9]) fixe des objectifs de baisse de consommation d’énergie finale que la proposition de loi Gremillet, tout comme la PPE qui était en projet, n’entendent pas atteindre. De plus l’article 3 de la directive DEE consacre aussi le principe de primauté de l’efficacité énergétique qui devrait condamner les investissements dans la production électronucléaire, particulièrement inefficace avec seulement 33% d’efficacité énergétique.
Dans le monde, seuls les régimes autoritaires persistent dans le nucléaire : la Chine sur son sol et surtout la Russie sur son sol et à l’export. Les rapports successifs World nuclear industry status report (WNISR) le montrent bien d’année en année [10].
En France, le nucléaire est devenu un marqueur de l’extrême droite.
Choisir le nucléaire, c’est ne pas s’attaquer efficacement aux émissions de gaz à effet de serre et dilapider des ressources dans une énergie autrement polluante.
Pour rappel, le nucléaire c’est :
▸ une énergie non renouvelable basée sur l’extraction de l’uranium dans des pays étrangers dont certains sont dans la sphère d’influence de la Russie,
▸ des déchets radioactifs qui ne trouveront jamais de véritable solution,
▸ des effluents radioactifs et chimiques rejetés de façon délibérée, à longueur d’année dans l’eau et dans l’air,
▸ un risque d’accident nucléaire que la France fait peser sur l’ensemble de l’Europe de l’Ouest.
La position du gouvernement sur l’énergie se veut centrale mais elle ne l’est pas : la seule option raisonnable et qui est d’ailleurs le standard mondial des nouveaux investissements électriques, c’est le 100% renouvelables pour à la fois sortir des fossiles et sortir du nucléaire.