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Le gouvernement recule sur la réduction de la part du nucléaire

Publié le 23 novembre 2017



En reportant l’échéance de 2025 pour réduire la part du nucléaire, Nicolas Hulot a abdiqué avant même d’avoir mené bataille. Sous couvert de protéger le climat, ce renoncement dangereux et irréaliste du gouvernement illustre l’absence de volonté de s’imposer face à EDF. Analyse des enjeux.



Après des annonces ambitieuses, le gouvernement recule

Le 7 novembre dernier, coup de tonnerre à la sortie du conseil des ministres : Nicolas Hulot annonce qu’il sera « difficile » de tenir l’objectif de réduction à 50% de la part de l’électricité d’origine nucléaire d’ici 2025 et que, par conséquent, le gouvernement y renonce.

Cette échéance, votée en 2015 dans la loi de transition énergétique, figurait pourtant dans le programme de campagne d’Emmanuel Macron. Sa mise en œuvre aurait pu impliquer la fermeture d’ici 2025 d’une quinzaine, voire d’une vingtaine de réacteurs. En juillet, Nicolas Hulot lui-même s’était livré à un chiffrage des réacteurs à fermer (jusqu’à 17, puis jusqu’à 25), laissant entrevoir des actions concrètes…

Motivé par un soit-disant « réalisme », ce renoncement s’appuie sur une lecture hâtive sur des éléments de scénarios énergétiques publiés par RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité. Selon Nicolas Hulot et Emmanuel Macron, concilier une baisse du nucléaire et les objectifs climatiques serait impossible à tenir. Pourtant, une lecture plus attentive de ces scénarios aurait montré que ces objectifs restaient atteignables pour peu qu’on mette l’accent sur les économies d’énergie et qu’on réduise les exportations d’électricité.

Un dangereux renoncement

Un tel recul est dangereux au vu de la vétusté du parc nucléaire ; il supposerait également d’engloutir des milliards supplémentaires dans le « grand carénage », ce vaste programme de travaux destiné à mettre aux normes les centrales et prolonger leur durée de fonctionnement. Loin de prévenir les risques, ces travaux de rafistolage risquent de les accroître, au vu de l’incapacité organisationnelle et financière d’EDF à mener à bien des opérations aussi lourdes.

Par ailleurs, le maintien de ces réacteurs sur le réseau électrique constitue un verrou à la mise en place d’une véritable transition énergétique, basée sur les économies d’énergie et un développement massif des énergies renouvelables, seule à même de réduire vraiment nos émissions de gaz à effet de serre.

Un recul lié à un manque d’ambition… et à un décalage de calendrier ?

Plus que par un soi-disant « réalisme », ce recul pourrait en réalité s’expliquer par la faible volonté du gouvernement de s’opposer à EDF. En effet, le gouvernement comptait se reposer sur l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour définir les centrales à fermer, et notamment sur la publication de son avis générique sur la poursuite de fonctionnement des réacteurs au delà de quarante ans. Cet avis important doit établir les critères généraux quant aux conditions d’exploitation des plus vieux réacteurs : ceux qui ne les rempliront pas devront fermer. Or, prévu initialement pour 2018, il ne sera en vigueur qu’en 2021.

Une des premières conséquences sera que les premières quatrièmes visites décennales (VD4) des centrales de plus de 40 ans se feront avant même la publication de ces préconisations. En effet, d’ici 2021, neuf réacteurs subiront cet examen. Le risque est grand qu’EDF profite de ce décalage et que des autorisations de poursuite de fonctionnement ne soient délivrées à la va-vite.

Mais surtout, le report de cet avis risque de réduire encore la portée de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2018-2023, censée définir l’évolution du parc nucléaire. Comme celle-ci est censée être bouclée fin 2018, l’absence d’indications de l’ASN sur les critères d’arrêt des réacteurs rend toute décision de fermeture optionnelle. Or 19 réacteurs atteindront les 40 ans de fonctionnement d’ici 2021. Ce report fait donc courir des risques d’accident supplémentaires et montre que, malgré les déclarations de Nicolas Hulot – qui maintient que « dans l’année qui vient, nous allons regarder le nombre de réacteurs qu’il faudra fermer » - rien ne garantit une décision sur les centrales à fermer avant la fin du quinquennat en cours. Faute de reprendre enfin la main et de s’imposer face à EDF, le gouvernement risque au contraire de décider... de ne rien décider.

Alors, qu’est-ce qui pourrait déclencher des fermetures de centrales ?

Tout l’enjeu se situe dans ce renvoi de balle entre les différents acteurs.Il risque donc de décider... de ne rien décider. Pourtant, l’ASN elle même rappelle qu’elle n’est responsable que de la sûreté et pas de la politique énergétique. Elle souligne elle-même que c’est à l’État de se poser les questions de la sécurité d’approvisionnement. Le rôle de l’ASN n’est en effet pas de définir la politique énergétique française, mais de contrôler la sûreté des installations nucléaires.

Par ailleurs, on peut légitimement s’interroger sur la capacité d’interposition de l’ASN face à EDF, dans la mesure où elle a déjà gravement transigé sur ses principes pour la cuve de l’EPR de Flamanville : dans quelle mesure est-elle prête exiger la fermeture de réacteurs ?

Mais la situation n’est pas bloquée pour autant. Au final, trois éléments pourraient pousser aux fermetures de centrales :

 Premièrement, la découverte de problèmes de sûreté graves ou d’anomalies génériques sur des réacteurs. D’où la nécessité évidente pour le Réseau “Sortir du nucléaire“ de continuer à mener notre travail juridique consciencieux face aux exploitants afin de dénoncer des manquements graves et des problèmes de sûreté. L’exemple de la centrale de Belleville est une bonne illustration de l’importance de ce travail juridique et du suivi local des installations.

 Ensuite, la situation financière catastrophique d’EDF pourrait rationnellement mener à renoncer aux travaux les plus coûteux et pousser à la fermeture de centrales plutôt qu’à leur onéreux rafistolage. Comment EDF pourrait assumer des dizaines de milliards d’euros de travaux (entre 100 et 250 milliards au total pour le grand rafistolage) sur ses installations alors que l’entreprise frise la faillite ? L’État, qui a déjà renfloué EDF, aurait ici un levier d’action pour refuser la fermeture de réacteurs.

 Et enfin, la volonté de Nicolas Hulot et du gouvernement dans son ensemble d’entrer dans un rapport de force avec EDF. Cela semble peu probable au vu des renoncement annoncés récemment, mais pourrait devenir incontournable si certains réacteurs en venaient à poser des problèmes diplomatiques lourds entre la France et certains voisins (Allemagne, Luxembourg, Belgique, Suisse).

À nous de semer nos cailloux au bon moment pour gripper la machine et pousser enfin à la sortie du nucléaire.

Pour conclure, Yves Marignac, directeur de l’agence Wise Paris et porte-parole de Négawatt, résume bien le moment que nous vivons : « Quoi qu’il arrive, ce n’est pas possible qu’il ne se passe rien sous ce quinquennat. Soit on assiste à un choc politique, soit il se produit un crash, sur le plan de la sûreté ou sur le plan économique. »

Après des annonces ambitieuses, le gouvernement recule

Le 7 novembre dernier, coup de tonnerre à la sortie du conseil des ministres : Nicolas Hulot annonce qu’il sera « difficile » de tenir l’objectif de réduction à 50% de la part de l’électricité d’origine nucléaire d’ici 2025 et que, par conséquent, le gouvernement y renonce.

Cette échéance, votée en 2015 dans la loi de transition énergétique, figurait pourtant dans le programme de campagne d’Emmanuel Macron. Sa mise en œuvre aurait pu impliquer la fermeture d’ici 2025 d’une quinzaine, voire d’une vingtaine de réacteurs. En juillet, Nicolas Hulot lui-même s’était livré à un chiffrage des réacteurs à fermer (jusqu’à 17, puis jusqu’à 25), laissant entrevoir des actions concrètes…

Motivé par un soit-disant « réalisme », ce renoncement s’appuie sur une lecture hâtive sur des éléments de scénarios énergétiques publiés par RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité. Selon Nicolas Hulot et Emmanuel Macron, concilier une baisse du nucléaire et les objectifs climatiques serait impossible à tenir. Pourtant, une lecture plus attentive de ces scénarios aurait montré que ces objectifs restaient atteignables pour peu qu’on mette l’accent sur les économies d’énergie et qu’on réduise les exportations d’électricité.

Un dangereux renoncement

Un tel recul est dangereux au vu de la vétusté du parc nucléaire ; il supposerait également d’engloutir des milliards supplémentaires dans le « grand carénage », ce vaste programme de travaux destiné à mettre aux normes les centrales et prolonger leur durée de fonctionnement. Loin de prévenir les risques, ces travaux de rafistolage risquent de les accroître, au vu de l’incapacité organisationnelle et financière d’EDF à mener à bien des opérations aussi lourdes.

Par ailleurs, le maintien de ces réacteurs sur le réseau électrique constitue un verrou à la mise en place d’une véritable transition énergétique, basée sur les économies d’énergie et un développement massif des énergies renouvelables, seule à même de réduire vraiment nos émissions de gaz à effet de serre.

Un recul lié à un manque d’ambition… et à un décalage de calendrier ?

Plus que par un soi-disant « réalisme », ce recul pourrait en réalité s’expliquer par la faible volonté du gouvernement de s’opposer à EDF. En effet, le gouvernement comptait se reposer sur l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour définir les centrales à fermer, et notamment sur la publication de son avis générique sur la poursuite de fonctionnement des réacteurs au delà de quarante ans. Cet avis important doit établir les critères généraux quant aux conditions d’exploitation des plus vieux réacteurs : ceux qui ne les rempliront pas devront fermer. Or, prévu initialement pour 2018, il ne sera en vigueur qu’en 2021.

Une des premières conséquences sera que les premières quatrièmes visites décennales (VD4) des centrales de plus de 40 ans se feront avant même la publication de ces préconisations. En effet, d’ici 2021, neuf réacteurs subiront cet examen. Le risque est grand qu’EDF profite de ce décalage et que des autorisations de poursuite de fonctionnement ne soient délivrées à la va-vite.

Mais surtout, le report de cet avis risque de réduire encore la portée de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2018-2023, censée définir l’évolution du parc nucléaire. Comme celle-ci est censée être bouclée fin 2018, l’absence d’indications de l’ASN sur les critères d’arrêt des réacteurs rend toute décision de fermeture optionnelle. Or 19 réacteurs atteindront les 40 ans de fonctionnement d’ici 2021. Ce report fait donc courir des risques d’accident supplémentaires et montre que, malgré les déclarations de Nicolas Hulot – qui maintient que « dans l’année qui vient, nous allons regarder le nombre de réacteurs qu’il faudra fermer » - rien ne garantit une décision sur les centrales à fermer avant la fin du quinquennat en cours. Faute de reprendre enfin la main et de s’imposer face à EDF, le gouvernement risque au contraire de décider... de ne rien décider.

Alors, qu’est-ce qui pourrait déclencher des fermetures de centrales ?

Tout l’enjeu se situe dans ce renvoi de balle entre les différents acteurs.Il risque donc de décider... de ne rien décider. Pourtant, l’ASN elle même rappelle qu’elle n’est responsable que de la sûreté et pas de la politique énergétique. Elle souligne elle-même que c’est à l’État de se poser les questions de la sécurité d’approvisionnement. Le rôle de l’ASN n’est en effet pas de définir la politique énergétique française, mais de contrôler la sûreté des installations nucléaires.

Par ailleurs, on peut légitimement s’interroger sur la capacité d’interposition de l’ASN face à EDF, dans la mesure où elle a déjà gravement transigé sur ses principes pour la cuve de l’EPR de Flamanville : dans quelle mesure est-elle prête exiger la fermeture de réacteurs ?

Mais la situation n’est pas bloquée pour autant. Au final, trois éléments pourraient pousser aux fermetures de centrales :

 Premièrement, la découverte de problèmes de sûreté graves ou d’anomalies génériques sur des réacteurs. D’où la nécessité évidente pour le Réseau “Sortir du nucléaire“ de continuer à mener notre travail juridique consciencieux face aux exploitants afin de dénoncer des manquements graves et des problèmes de sûreté. L’exemple de la centrale de Belleville est une bonne illustration de l’importance de ce travail juridique et du suivi local des installations.

 Ensuite, la situation financière catastrophique d’EDF pourrait rationnellement mener à renoncer aux travaux les plus coûteux et pousser à la fermeture de centrales plutôt qu’à leur onéreux rafistolage. Comment EDF pourrait assumer des dizaines de milliards d’euros de travaux (entre 100 et 250 milliards au total pour le grand rafistolage) sur ses installations alors que l’entreprise frise la faillite ? L’État, qui a déjà renfloué EDF, aurait ici un levier d’action pour refuser la fermeture de réacteurs.

 Et enfin, la volonté de Nicolas Hulot et du gouvernement dans son ensemble d’entrer dans un rapport de force avec EDF. Cela semble peu probable au vu des renoncement annoncés récemment, mais pourrait devenir incontournable si certains réacteurs en venaient à poser des problèmes diplomatiques lourds entre la France et certains voisins (Allemagne, Luxembourg, Belgique, Suisse).

À nous de semer nos cailloux au bon moment pour gripper la machine et pousser enfin à la sortie du nucléaire.

Pour conclure, Yves Marignac, directeur de l’agence Wise Paris et porte-parole de Négawatt, résume bien le moment que nous vivons : « Quoi qu’il arrive, ce n’est pas possible qu’il ne se passe rien sous ce quinquennat. Soit on assiste à un choc politique, soit il se produit un crash, sur le plan de la sûreté ou sur le plan économique. »



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