Alternatives
La solution technique universelle ou comment rénover le bâti français
Simple à lire, et bien détaillé, le rapport d’Olivier Sidler propose une solution unique, simple à mettre en œuvre, peu coûteuse et capable de relever l’immense défi de la rénovation en France, permettant d’atteindre le facteur 4 en 2050 (diminution par 4 des émissions de gaz à effet de serre). Voici les grandes lignes de la Solution Technique Universelle (STU).
Les objectifs
Le programme s’est fixé pour objectif d’atteindre 50 kWh/m2/an en consommation de chauffage, en moyenne, sur tous les bâtiments français anciens d’ici 2050. C’est techniquement faisable, les Allemands l’ont fait les premiers et le font aujourd’hui de façon courante.
Le parc
S’il faut rénover 17,5 millions de logements datant d’avant 1975, d’ici à l’an 2050, cela signifie qu’il faut en rénover 417 000 par an. Ce sont des petites unités (73% correspond à des bâtiments de moins de 10 logements et 53 % à des logements individuels) donc des chantiers de taille réduite qui seront traités par des artisans et non par des grosses entreprises.
Isoler par l’extérieur ou l’intérieur ?
Pour que les conditions d’application ne soient pas bloquantes, le programme considère que l’isolation sera effectuée par l’intérieur, pour sauvegarder l’architecture. Cette technique impose cependant que le logement soit vide, donc rénové au moment de sa vente. Ainsi pour rénover d’ici 2050 l’ensemble du parc de logements anciens à 50 kWh/m2/an, il faut obligatoirement rénover TOUS les logements anciens (d’avant 1975) mis en vente chaque année d’ici 2050, c’est-à-dire 469 000 logements par an.
50 kWh/m2/an et rien d’autre
Les demi-mesures (à l’image de ce qui se fait aujourd’hui) “tueront” le gisement d’économies d’énergie et de réduction de gaz à effet de serre. Il faut rénover tout de suite à 50 kWh/m2/an, une seconde rénovation coûtera aussi cher que la première (c’est la main-d’œuvre qui est chère) et la main-d’œuvre est insuffisante en France (le bâtiment peine à embaucher).
La nécessité d’une réglementation
Un grand programme de rénovation ne pourra porter ses fruits qu’à la condition unique d’être assis sur un processus réglementaire qui permettra de maintenir un rythme de pénétration et un niveau de performance. Cette réglementation doit exprimer les consommations de chauffage en énergie primaire et non en énergie finale. L’énergie primaire permet de tenir compte de toutes les pertes lors des transformations énergétiques, et sa prise en compte va inciter tous les acteurs à améliorer l’efficacité énergétique dans le futur.
La possibilité d’une technique unique
La nature des parois initiales d’un bâtiment n’a pas un impact sensible sur la performance thermique finale après rénovation. Par exemple, entre un mur en pierre de 60 cm et un mur en béton de 20 cm, l’écart de consommation finale après rénovation (et adjonction d’une résistance équivalente à 15 cm de laine minérale) d’une maison individuelle varie entre 1 et 1,5 kWh/m2hab/an. Ainsi, il n’y a rigoureusement aucun intérêt à faire un diagnostic préalable sur un bâtiment existant. La prescription n’en dépend pas et le résultat sera invariable en fonction de cette prescription. Pour connaître la consommation initiale d’un bâtiment, il suffit de relever les index des compteurs !
La nécessité d’une méthode simple et unique
Le type de rénovation à entreprendre fera majoritairement appel à de petites entreprises et aux artisans. La bonne approche sera forcément très simplifiée, afin de s’adapter à la réalité du terrain. D’où l’idée d’imposer les mêmes prestations à tous les logements lors de la rénovation. C’est à l’échelle du pays que l’objectif doit être globalement atteint, sans préoccupation du résultat individuel. Certains logements auront des performances bien meilleures que d’autres, mais qu’importe. Le coût des travaux, ramenés au m2, serait sensiblement le même pour tous quel que soit le climat. Compte tenu de la hausse importante du prix de l’énergie, tous les travaux seront rentables rapidement, quelle que soit la consommation initiale du bâtiment.
La solution technique universelle (STU)
(voir encadré ci-dessous)
On passerait d’une obligation de résultats (ce qu’est actuellement le calcul RT2005) à une obligation de moyens (il suffit de mettre en œuvre les 5 dispositions préconisées).
Le contrôle sur chantier doit devenir une opération très fréquente afin de s’assurer de la réalité du programme de rénovation.
- Des produits phares
La solution technique universelle n’impose pas des solutions ou des matériaux, mais seulement des résistances thermiques. Chaque fabricant aura donc un produit phare pour chaque type de paroi. Ces produits seront fabriqués massivement, donc bon marché et disponibles partout.
L’identification de ces produits phares chez le marchand de matériaux pourra être très simple, grâce à des marquages visuels de couleur : l’isolation des murs serait par exemple identifiée par un point rouge, celle des toitures par un point vert, etc. Pour toutes les petites opérations (notamment les 53 % de maisons individuelles), il ne sera plus nécessaire de passer par un maître d’œuvre, les artisans pourront intervenir directement.
- Des formations simples
La formation des artisans et des petites entreprises sera très aisée, puisque quel que soit le lieu de France où ils exerceront leur métier, la technique et les solutions seront les mêmes.
- Les banques
Pour les banquiers, qui vont très vite proposer des prêts à faible taux destinés à financer spécifiquement les travaux de rénovation, la STU évite d’envoyer un spécialiste refaire le devis pour s’assurer de la viabilité économique du projet.
- Les aides publiques
L’aide ne serait octroyée à un particulier qui entreprend des travaux en cours d’occupation QUE si les matériels et les matériaux mis en œuvre font partie de ceux figurant dans la solution technique universelle (il s’agit de ce qu’on appelle la rénovation par élément performant).
- Un système juste
La STU crée une sorte de mutualisation de l’effort. Si on impose seulement une performance intrinsèque, il est probable que les habitants des régions froides seront “défavorisés” (épaisseurs d’isolant beaucoup plus importantes que dans le reste du pays). La réduction de la surface habitable fera l’objet de violentes critiques de la part des usagers, à juste titre. Aussi, elle sera la même pour tous, et chacun devra dépenser la même chose.
Financement
Il paraît raisonnable de considérer qu’à l’automne 2007, pour la seule partie de la rénovation thermique, le coût des travaux de la STU est de l’ordre de 180 à 200 euros TTC/m2 habitable.
Si le financement de ces travaux est fait par emprunts sur 20 ans, l’équilibre de trésorerie est atteint dès la première année avec un taux d’emprunt de 3,5 % et des économies d’énergie correspondant à la valeur moyenne attendue. Si le coût de l’énergie augmente, l’opération sera toujours très bénéfique en trésorerie pour l’utilisateur.
Emploi
Si l’on prend en compte la création d’emplois directe (les entreprises du BTP) et indirecte (l’industrie), le programme de rénovation va créer 100 000 emplois autour du secteur résidentiel et 20 000 autour du secteur tertiaire. Ce sont des emplois pérennes, délocalisés, non délocalisables, qui ne demandent pas une qualification trop complexe, même si les travaux à entreprendre vont exiger un minimum de formation complémentaire.
Le programme de rénovation pourrait motiver ceux parmi les jeunes qui cherchent à faire un métier pour “protéger l’environnement” et qui n’arrivent pas à trouver des structures qui correspondent à cette aspiration.
Finances publiques
Avec 300 milliards de travaux sur 45 ans, et 100 000 emplois à la clé, le programme de rénovation est le plus gros projet industriel français actuel, celui qui va créer le plus d’emplois. Il mérite donc toute l’attention de l’Etat et de l’ensemble des partenaires économiques. Un plan national de rénovation comme celui qui est proposé ici ne devrait rien coûter à l’Etat puisque le dispositif est autonome financièrement dès lors que le prix de l’énergie ne descend pas sous son niveau actuel et que le taux des prêts ne dépasse pas 4,5%. Il faudra s’inscrire dès le départ dans une stratégie de qualité et de contrôle des prix pour que les coûts de rénovation thermique ne dépassent pas 200 euros/m2 .
L’Etat doit donner un signal clair
Banquiers, artisans, entrepreneurs se préparent. Ce qui manque à ce projet, c’est un chef d’orchestre. Il devra fixer la date à laquelle, en France, tous les logements anciens mis en vente devront faire l’objet d’une rénovation thermique. Ce pourrait être dans 5 ans, donc par exemple le 1er janvier 2013. A cette date, tous les professionnels devront être prêts. Mais dans ce délai de cinq ans l’Etat devra assurer à tout prix une autre mission : celle de préparer l’opinion publique française afin qu’elle accepte une réglementation sur la rénovation des logements.
Simplifier les procédures
Il faut que très vite les entreprises et les artisans se structurent pour offrir aux particuliers un guichet unique :
- un seul interlocuteur technique,
- une garantie de compétence de leur interlocuteur,
- un prêt bancaire apporté par cet interlocuteur unique.
Il faut que la profession elle-même mette en place les moyens d’un autocontrôle et d’un assainissement des pratiques, même si chacun reconnaît les difficultés multiples que représente cette tâche.
Conclusion : la formation, la clé
Aujourd’hui, l’Allemagne rénove thermiquement (à 50-60 kWh/m2/an pour le chauffage seul) chaque année 1% de son parc de bâtiments existants. Mais dans son contrat de coalition de novembre 2005, le gouvernement fédéral s’est fixé l’objectif très ambitieux de rénover énergétiquement chaque année 5 % du parc immobilier construit avant 1978. Cela signifie qu’en vingt ans, le problème de la rénovation du parc bâti sera réglé en Allemagne...
Il n’y a aucune impossibilité technique aujourd’hui pour rénover des bâtiments en vue d’une très basse consommation d’énergie. L’exécution de ces travaux n’est pas conditionnée à une quelconque rupture technologique. C’est également vrai des bâtiments à énergie positive. Certes, les progrès technologiques rendront plus aisé dans le futur l’accès à la performance, et permettront la banalisation des bâtiments à énergie positive. Mais rien n’interdit aujourd’hui de commencer concrètement à réaliser des rénovations à basse consommation d’énergie. Ensuite, la technologie n’est pas tout.
Il faut qu’elle soit prescrite, et il faut qu’elle soit mise en œuvre. Le grand enjeu de demain est la formation.
Pourquoi ne pas acheter le savoir-faire de ceux qui depuis 15 ans ont beaucoup expérimenté et acquis une grande expérience en la matière ? Les Allemands, les Autrichiens, les Suisses peuvent aujourd’hui nous faire gagner du temps, parce qu’ils ont une vraie connaissance. Reste à créer un outil qui puisse former tous les artisans.
Article publié dans Habitat Naturel n°18
www.habitatnaturel.fr