Faire un don

Sortir du nucléaire n°87



Automne 2020

Rénovation énergétique : le point sur les dernières annonces

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°87 - Automne 2020

 Maîtrise de l’énergie  Habitat écologique


Ces derniers mois la rénovation énergétique a été placée sous les projecteurs (loi Énergie-Climat, Convention citoyenne pour le climat et plan de relance). Nous avons rencontré Danyel Dubreuil, coordinateur de l’initiative Rénovons pour en parler.

© AdobeStock


Bonjour Danyel. Quelles sont les grandes orientations de la politique actuelle en la matière ?

L’actualité a été chargée. Tout d’abord, l’obligation de rénover les passoires énergétiques en 2028 et le gel des loyers pour les passoires non rénovées dès 2023 ont été inscrits dans la loi Énergie-Climat (LEC) votée en octobre 2019.

Ensuite les 150 membres de la Convention citoyenne avaient le défi de faire des propositions qui permettent de baisser les émissions de GES de 40% et de réduire les consommations au niveau attendu en 2030. Vu la part non négligeable du bâtiment dans ces domaines, ils ont beaucoup travaillé sur la rénovation. Ils ont conclu à la nécessité d’obligations fortes dans des délais assez rapprochés (première obligation de rénovation dès 2024), de moyens financiers importants et fléchés vers les rénovations complètes, en intégrant la nécessité d’un reste à charge zéro pour les ménages très modestes. Ils ont aussi définit le terme rénovation énergétique, on sort du flou entretenu (voir article revue n°82, page 31)) : c’est une rénovation complète et performante qui atteint le niveau BBC rénovation en une fois ou par étapes. Tout était vraiment très bien dans leurs propositions.

Ensuite, il y a eu la crise sanitaire liée au Covid-19, qui a rappelé l’importance d’un logement sain. Les populations déjà fragilisées, habitant dans de mauvaises conditions, ont été surreprésentées dans les malades.

Et enfin, il y a ce plan de relance qui souhaite croire en l’adage “quand le bâtiment va tout va“ qui a pour seul objectif de redynamiser l’économie du bâtiment en offrant un surcroît d’investissement.

Alors est-ce que l’on peut dire qu’on progresse ?

Oui mais cela reste des textes, c’est fragile. Le risque de détournement des mots est grand. Dernier exemple en date : la définition d’un logement “décent“. Quand on en arrive à la formule “on ne pourra plus louer un logement non décent en 2023“, le gouvernement lance une consultation sur la définition et ils inventent un niveau de performance énergétique qui n’est même pas dans l’échelle de classement existante !

La performance énergétique intègre la définition de la décence d’un logement, mais à un niveau tellement bas qu’elle ne concernera que 120 000 logements à l’échelle du territoire alors qu’il y a plus de 6 millions de passoires énergétiques. C’est cosmétique.

De la même manière, le plan de relance se concentre sur la relance de l’activité par le soutien aux entreprises ou par la relance de la demande (incitation faite aux propriétaires bailleurs, et aux ménages ayant les plus hauts revenus). On ne sait pas ce qui va être proposé dans les détails et une fois présentées il sera trop tard pour discuter ces offres qui vont ajouter 1 milliard par an à Ma Prime Renov’, sans que l’on sache vraiment si ce sera efficace socialement et climatiquement.

© AdobeStock

Est-ce qu’il y a des points qui vous inquiètent ?

Toutes les organisations engagées dans l’initiative Rénovons souhaitent deux choses :

Une augmentation de la prise en charge des travaux pour les ménages modestes en permettant par exemple de combiner Ma Prim Renov’ rénovation globale avec le Coup de pouce d’économie d’énergie pour rénovation complète. On peut supposer que plus de ménages aient alors le courage de se lancer dans de grosses opérations.

Un conditionnement des aides pour les ménages qui ont les plus hauts revenus, en exigeant que les propriétaires bailleurs n’augmentent pas les loyers et conservent les familles ou encore que les plus hauts revenus s’engagent à atteindre les standards attendus pour 2050. Il y a un vrai risque à ce que les bailleurs mettent les locataires dehors et les hauts revenus n’ont pas besoin de ces aides mais savent les utiliser. On risque que l’enveloppe soit cannibalisée. On a déjà vu cela avec le CITE 1 (80 % de l’enveloppe a été consommée par les 30 % des ménages aux plus hauts revenus).

Quels sont les leviers pour que cela n’arrive pas ?

Cette année, ces aides ne vont pas être discutées à l’Assemblée nationale. Avant c’était un crédit d’impôt dans le projet de loi de finances, maintenant c’est une ligne de budget à l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat. Il y a un resserrement de la décision sur les cabinets ministériels, les administrations et les agences de l’État.

Il faut que notre coalition d’associations et d’organisations de la Fondation Abbé Pierre, à Schneider Electric en passant par le Réseau Action Climat, la CFDT ou le WWF 2 exerce une pression maximale sur les cabinets ministériels.

La présence d’entreprises et de syndicats, c’est de l’affichage ou c’est utile ?

Ce sont des entreprises pour qui l’efficacité énergétique, la performance des matériaux est importante. Si on a une politique mieux disante sur le plan de la qualité cela servira leurs intérêts commerciaux, c’est pour cela qu’elles sont avec nous.

Du côté des syndicats, c’est l’évolution des centres d’intérêt de leurs membres qui les motivent. On a un projet qui mêle travail, tissu productif et questions énergie et climat. Évidemment ce n’est pas le cœur de leur travail mais ce sont eux qui ont accès au Président, au Premier ministre et ils sont impliqués dans la démarche…

Et puis pour les deux c’est quand même intéressant d’être dans la promotion de la formation à ces métiers, mais aussi sur des matériaux bio-sourcés par exemple.

Est-ce que le sujet de la rénovation a aussi progressé dans la population ?

C’est difficile à dire. Les citoyens, lorsque bien informés, arrivent à la même conclusion que nous. Le problème est que face à l’incertitude de la crise économique liée à la crise sanitaire ils décalent les investissements par précaution.

Les citoyens ont plus conscience des changements nécessaires car les montants des factures ne cessent d’augmenter. Sur ce plan, on peut s’attendre à une augmentation importante des coupures, et à une augmentation de la précarité énergétique, ces deux phénomènes étaient repartis à la hausse avant la crise et le pire est largement devant nous. Se prémunir de la précarité énergétique va devenir une évidence. Mais nous ne sommes pas très aidés ! Les conseils à la population c’est l’isolation à 1 euro et de mettre un pull. Il y a une forme de déresponsabilisation collective et des mauvaises solutions à rentabilité politique à court terme et à moindre coût qui sont proposés. Il reste encore beaucoup de chemin à faire pour que les gens puissent faire le tri entre ce qui est une bonne ou une mauvaise information. Ce qui est normal vu la foire d’empoigne de ce secteur !

Quelles sont les prochaines étapes ?

Les batailles qui nous attendent sont celles sur la fixation d’un niveau raisonnable de consommation énergétique pour un logement mis en location, la définition de ce qu’est une passoire énergétique. Comme on a bien travaillé, ce terme est passé dans la loi mais il faut définir ce qu’il revêt. Cela aboutira à un nouveau calcul du nombre de passoires énergétiques… et il faudra veiller à ce que cela n’aboutisse pas à ne retenir comme passoires énergétiques que les logements qui consomment plus de quatre fois la norme parce que c’est problématique bien avant ce stade.

Propos recueillis par Anne-Lise Devaux

Bonjour Danyel. Quelles sont les grandes orientations de la politique actuelle en la matière ?

L’actualité a été chargée. Tout d’abord, l’obligation de rénover les passoires énergétiques en 2028 et le gel des loyers pour les passoires non rénovées dès 2023 ont été inscrits dans la loi Énergie-Climat (LEC) votée en octobre 2019.

Ensuite les 150 membres de la Convention citoyenne avaient le défi de faire des propositions qui permettent de baisser les émissions de GES de 40% et de réduire les consommations au niveau attendu en 2030. Vu la part non négligeable du bâtiment dans ces domaines, ils ont beaucoup travaillé sur la rénovation. Ils ont conclu à la nécessité d’obligations fortes dans des délais assez rapprochés (première obligation de rénovation dès 2024), de moyens financiers importants et fléchés vers les rénovations complètes, en intégrant la nécessité d’un reste à charge zéro pour les ménages très modestes. Ils ont aussi définit le terme rénovation énergétique, on sort du flou entretenu (voir article revue n°82, page 31)) : c’est une rénovation complète et performante qui atteint le niveau BBC rénovation en une fois ou par étapes. Tout était vraiment très bien dans leurs propositions.

Ensuite, il y a eu la crise sanitaire liée au Covid-19, qui a rappelé l’importance d’un logement sain. Les populations déjà fragilisées, habitant dans de mauvaises conditions, ont été surreprésentées dans les malades.

Et enfin, il y a ce plan de relance qui souhaite croire en l’adage “quand le bâtiment va tout va“ qui a pour seul objectif de redynamiser l’économie du bâtiment en offrant un surcroît d’investissement.

Alors est-ce que l’on peut dire qu’on progresse ?

Oui mais cela reste des textes, c’est fragile. Le risque de détournement des mots est grand. Dernier exemple en date : la définition d’un logement “décent“. Quand on en arrive à la formule “on ne pourra plus louer un logement non décent en 2023“, le gouvernement lance une consultation sur la définition et ils inventent un niveau de performance énergétique qui n’est même pas dans l’échelle de classement existante !

La performance énergétique intègre la définition de la décence d’un logement, mais à un niveau tellement bas qu’elle ne concernera que 120 000 logements à l’échelle du territoire alors qu’il y a plus de 6 millions de passoires énergétiques. C’est cosmétique.

De la même manière, le plan de relance se concentre sur la relance de l’activité par le soutien aux entreprises ou par la relance de la demande (incitation faite aux propriétaires bailleurs, et aux ménages ayant les plus hauts revenus). On ne sait pas ce qui va être proposé dans les détails et une fois présentées il sera trop tard pour discuter ces offres qui vont ajouter 1 milliard par an à Ma Prime Renov’, sans que l’on sache vraiment si ce sera efficace socialement et climatiquement.

© AdobeStock

Est-ce qu’il y a des points qui vous inquiètent ?

Toutes les organisations engagées dans l’initiative Rénovons souhaitent deux choses :

Une augmentation de la prise en charge des travaux pour les ménages modestes en permettant par exemple de combiner Ma Prim Renov’ rénovation globale avec le Coup de pouce d’économie d’énergie pour rénovation complète. On peut supposer que plus de ménages aient alors le courage de se lancer dans de grosses opérations.

Un conditionnement des aides pour les ménages qui ont les plus hauts revenus, en exigeant que les propriétaires bailleurs n’augmentent pas les loyers et conservent les familles ou encore que les plus hauts revenus s’engagent à atteindre les standards attendus pour 2050. Il y a un vrai risque à ce que les bailleurs mettent les locataires dehors et les hauts revenus n’ont pas besoin de ces aides mais savent les utiliser. On risque que l’enveloppe soit cannibalisée. On a déjà vu cela avec le CITE 1 (80 % de l’enveloppe a été consommée par les 30 % des ménages aux plus hauts revenus).

Quels sont les leviers pour que cela n’arrive pas ?

Cette année, ces aides ne vont pas être discutées à l’Assemblée nationale. Avant c’était un crédit d’impôt dans le projet de loi de finances, maintenant c’est une ligne de budget à l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat. Il y a un resserrement de la décision sur les cabinets ministériels, les administrations et les agences de l’État.

Il faut que notre coalition d’associations et d’organisations de la Fondation Abbé Pierre, à Schneider Electric en passant par le Réseau Action Climat, la CFDT ou le WWF 2 exerce une pression maximale sur les cabinets ministériels.

La présence d’entreprises et de syndicats, c’est de l’affichage ou c’est utile ?

Ce sont des entreprises pour qui l’efficacité énergétique, la performance des matériaux est importante. Si on a une politique mieux disante sur le plan de la qualité cela servira leurs intérêts commerciaux, c’est pour cela qu’elles sont avec nous.

Du côté des syndicats, c’est l’évolution des centres d’intérêt de leurs membres qui les motivent. On a un projet qui mêle travail, tissu productif et questions énergie et climat. Évidemment ce n’est pas le cœur de leur travail mais ce sont eux qui ont accès au Président, au Premier ministre et ils sont impliqués dans la démarche…

Et puis pour les deux c’est quand même intéressant d’être dans la promotion de la formation à ces métiers, mais aussi sur des matériaux bio-sourcés par exemple.

Est-ce que le sujet de la rénovation a aussi progressé dans la population ?

C’est difficile à dire. Les citoyens, lorsque bien informés, arrivent à la même conclusion que nous. Le problème est que face à l’incertitude de la crise économique liée à la crise sanitaire ils décalent les investissements par précaution.

Les citoyens ont plus conscience des changements nécessaires car les montants des factures ne cessent d’augmenter. Sur ce plan, on peut s’attendre à une augmentation importante des coupures, et à une augmentation de la précarité énergétique, ces deux phénomènes étaient repartis à la hausse avant la crise et le pire est largement devant nous. Se prémunir de la précarité énergétique va devenir une évidence. Mais nous ne sommes pas très aidés ! Les conseils à la population c’est l’isolation à 1 euro et de mettre un pull. Il y a une forme de déresponsabilisation collective et des mauvaises solutions à rentabilité politique à court terme et à moindre coût qui sont proposés. Il reste encore beaucoup de chemin à faire pour que les gens puissent faire le tri entre ce qui est une bonne ou une mauvaise information. Ce qui est normal vu la foire d’empoigne de ce secteur !

Quelles sont les prochaines étapes ?

Les batailles qui nous attendent sont celles sur la fixation d’un niveau raisonnable de consommation énergétique pour un logement mis en location, la définition de ce qu’est une passoire énergétique. Comme on a bien travaillé, ce terme est passé dans la loi mais il faut définir ce qu’il revêt. Cela aboutira à un nouveau calcul du nombre de passoires énergétiques… et il faudra veiller à ce que cela n’aboutisse pas à ne retenir comme passoires énergétiques que les logements qui consomment plus de quatre fois la norme parce que c’est problématique bien avant ce stade.

Propos recueillis par Anne-Lise Devaux



Soyez au coeur de l'information !

Tous les 3 mois, retrouvez 36 pages (en couleur) de brèves, interviews, articles, BD, alternatives concrètes, actions originales, luttes antinucléaires à l’étranger, décryptages, etc.

Je m'abonne à la revue du Réseau