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Sortir du nucléaire n°57



Printemps 2013

Alternatives

La méthanation : stocker l’électricité d’origine renouvelable

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°57 - Printemps 2013

 Energies renouvelables


La forte pénétration des énergies de flux, éolien et photovoltaïque, oblige l’Allemagne à se doter rapidement d’importants moyens de stockage de l’électricité. Pour réussir sa ransition énergétique, le pays mise sur la méthanation : la transformation de l’électricité en méthane de synthèse.



Impossible de faire cesser le vent ou d’occulter le soleil. L’électricité des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques est une énergie "fatale" et les gestionnaires de réseau gardent donc la possibilité de déconnecter les installations en cas d’excédent de production pour éviter le black-out. En Allemagne, 127 GWh éoliens ont ainsi été perdus en 2010, l’équivalent de la consommation de 32 000 ménages. En effet, l’éolien et le photovoltaïque représentent déjà 54 GW1 installés pour une demande nationale oscillant entre 40 et 80 GW. Les périodes de production excédentaires vont rapidement devenir de plus en plus fréquentes au rythme où se développent les énergies renouvelables2. Mais surtout la production renouvelable "intermittente" ne coïncide pas toujours avec la consommation. Le stockage de cette électricité permettrait donc de différer la production électrique jusqu’aux heures de forte demande. Malheureusement, toutes les capacités de stockage du pays, peu doté en stations de pompage-turbinage, représentent 0,05 TWh, équivalant à moins d’une heure de consommation nationale. Or, une étude de l’institut Fraunhofer de février 2011 évalue le besoin de stockage à 40 TWh dès 2020 et jusqu’à 170 TWh en 2050. C’est dire si le sujet devient pressant outre-Rhin.

Transition par l’hydrogène

"La seule option de stockage à l’échelle nécessaire dont nous disposions au niveau national est le couplage des réseaux de gaz et d’électricité", conclut l’institut Fraunhofer. Il suffirait en effet de transformer cette électricité en méthane de synthèse pour pouvoir l’injecter sans difficulté dans le réseau de gaz naturel. Celui-ci dispose d’une capacité de stockage de 217 TWh, bien plus qu’il n’en faut. Cela permettrait de stocker l’électricité des jours voire des mois, le rêve de tout électricien. Sans compter que ce méthane aura exactement les mêmes usages que le gaz naturel : chauffage, génération d’électricité et carburant (GNV). Le passage de l’électricité au méthane s’effectue en deux temps. Il s’agit d’abord de produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau puis de faire réagir cet hydrogène avec du dioxyde de carbone dans un réacteur catalytique. Cette réaction3, qui produit du méthane et de l’eau, est déjà utilisée de longue date dans l’industrie chimique mais elle n’avait pas encore été utilisée dans ce contexte. Ce qui exige encore quelques développements.

L’Allemagne manquant de temps, l’hydrogène "renouvelable" peut cependant être directement injecté dans le réseau de gaz. La législation allemande permet d’y mélanger jusqu’à 5% d’hydrogène, ce qui représente tout de même jusqu’à 3 TWh. L’Alliance pour l’hydrogène éolien (Performing Energy, Bündnis für Windwasserstoff) regroupe quatorze partenaires, centres de recherches, ONG et entreprises telles que Vattenfall, Linde, Enertrag, Siemens, Total, etc. Le consortium teste différents types d’électrolyse, étudie le stockage souterrain (cavernes de sel). Dans ce cadre, Enertrag a inauguré en octobre 2011 une centrale hybride qui livre de l’hydrogène à la fois sur le réseau (voir encadré) et au nouvel aéroport de Berlin pour servir de carburant aux véhicules électriques (piles à combustible). L’électricien E.ON construit de son côté une installation pilote devant entrer en service en 2013. Essais en cours

L’intérêt pour la méthanation a amené l’Agence fédérale de l’énergie (Dena) à mettre sur pied début 2011 une "Plateforme stratégique Power-to-gas". Celle-ci regroupe trois des quatre grands électriciens du pays, EnBW, E.ON et RWE, mais aussi Gazprom, GDF Suez, Siemens, Volkswagen, Viessmann, entre autres. Son but est d’inciter à la multiplication des pilotes industriels, de développer les modèles économiques adaptés et de formuler les recommandations aux politiques.

Première à s’être positionnée sur le sujet, la jeune société SolarFuel mène de front quatre projets de démonstration. En 2009, elle construit avec le Centre de recherche sur l’énergie solaire et l’hydrogène (ZSW) de Stuttgart une petite unité de 25 kW. "Cette installation tient dans un container, explique Stephan Rieke, responsable commercial de Solar-Fuel. On a pu la déplacer afin de la tester avec différentes qualités de CO2 : extrait de l’air ambiant, CO2 pur provenant d’une centrale biogaz, mais aussi utilisation directe du biogaz lui-même [mélange de CO2 et de méthane, ndlr]. Elle n’avait pour but que de démontrer que le processus fonctionnait." Depuis, SolarFuel a entrepris la construction d’un prototype dix fois plus puissant (250 kW) avec le ZSW, l’institut Fraunhofer et le développeur de projets renouvelables Juwi. Il sera achevé en 2012 et recourt à une technologie déjà sur le marché pour l’électrolyseur, de type alcalin. Le réacteur de méthanation est en revanche conçu par les chercheurs, car le catalyseur doit fonctionner avec du dioxyde de carbone au lieu du monoxyde de carbone utilisé dans l’industrie. "L’électrolyse et la méthanation ne sont pas des procédés nouveaux, en revanche le couplage des deux a besoin d’être développé."

Par exemple, quand dans l’industrie la méthanation s’effectue sur un mode continu, elle doit ici fonctionner de manière discontinue, selon l’électricité disponible. Or, la réaction s’effectue à 350°C et le catalyseur a besoin d’être maintenu à température. Mais comme elle dégage aussi beaucoup de chaleur, l’innovation consiste à isoler le réacteur pour lui conférer une grande inertie thermique en période de creux tout en parvenant à évacuer la chaleur excédentaire en période d’activité. Chaleur qui peut à son tour être valorisée dans les unités de biogaz auxquelles les installations de méthanation sont accolées. Les méthaniseurs (plus de 7000 en Allemagne) fournissent en effet le CO2 nécessaire au processus.

Montée en puissance

"Chaque nouveau pilote nous permet de tester des électrolyseurs de différentes fabrications et d’optimiser l’ensemble du processus, poursuit Stephan Rieke. Le plus grand défi est de parvenir à faire baisser les coûts de production. Aujourd’hui, tous les composants proviennent de série limitée, voire sont manufacturés, mais une fois passés au stade commercial nous visons un prix d’environ 1000 € par kW." La société annonce en effet vouloir lancer la commercialisation d’unités allant jusqu’à 20 MW dès 2015.

Les deux autres pilotes devant être achevés en 2013 sont des jalons importants vers cet objectif : 1 MW en Bavière en partenariat avec des régies municipales (Thüga, Erdgas Schwaben, Gasag) et 6,3 MW pour Audi, dans le nord du pays. Le constructeur automobile, qui investit aussi dans les parcs éoliens offshore de la mer du Nord, entend en effet proposer un véhicule, une Audi A3 TCNG, roulant au méthane de synthèse "éolien", rebaptisé "e-Gas" pour l’occasion. L’unité de méthanation doit injecter dans le réseau de gaz 1,4 millions de m3 de méthane par an, de quoi faire rouler une flotte de 1 500 voitures, parcourant chacune 15 000 km par an. Ce carburant fera du véhicule l’un des plus propres qui soit avec un niveau d’émissions de 30 g/km. L’installation devrait consommer 330 m3 de CO2 et 1,5 m3 d’eau par heure. Son rendement devrait se situer à 54 %, mais SolarFuel espère parvenir à plus de 60 % d’ici 2015. En valorisant la chaleur dégagée dans les centrales biogaz ou réseaux de chaleur, le rendement global devrait être encore supérieur. Ces différents partenaires préfigurent des clients potentiels pour cette technologie : constructeurs automobile, fournisseurs d’énergie, développeurs éolien, etc. La rentabilité d’une installation dépendra de la stratégie de l’opérateur, le but étant de la faire fonctionner le plus longtemps possible. "À partir de 2000 heures de fonctionnement par an, on entre dans une économie intéressante. C’est pourquoi il ne suffira pas d’exploiter l’électricité éolienne excédentaire, c’est encore trop peu. Il faudra aussi se positionner sur le marché de l’électricité pour profiter des périodes de prix bas. Notre objectif est de pouvoir vendre un méthane à un prix comparable à celui du biogaz, environ 9 c€/kWh." Greenpeace Energy a calculé que le coût actuel de l’hydrogène "éolien", sans l’étape supplémentaire de méthanation, s’établissait à 30 c€/kWh. La marche est par conséquent encore haute, mais l’on évoque déjà la mise en place d’un tarif d’achat pour lancer cette nouvelle énergie renouvelable.

Vincent Boulanger Source : Énergie Plus, mai 2012, n°485

Du gaz éolien déjà en vente : Depuis le 1er octobre 2011, Greenpeace Energy, fournisseur d’électricité verte basé à Hambourg, propose une nouvelle offre baptisée "proWindgas". Celle-ci consiste à vendre du gaz naturel dont le prix comprend une part de 0,4 c€/kWh destinée à promouvoir le développement du "Windgas", le gaz éolien. L’offre a déjà séduit plus de 6000 clients. Greenpeace Energy a ainsi conclu un premier accord en janvier dernier avec Enertrag pour la fourniture d’hydrogène à raison de 400 MWh en 2012 et de 1,2 GWh en 2013. Cet hydrogène est produit par une centrale hybride située à Prenzlau, près de Berlin, combinant un parc éolien, une unité de biogaz et un électrolyseur de 500 kW. Produit par l’électricité excédentaire, cet hydrogène est ensuite injecté dans le réseau de gaz. Greenpeace Energy, qui possède huit parcs éoliens et trois centrales solaires, pour un total de 54 MW, entend construire un deuxième électrolyseur en 2013.

La méthanation en France : Note du Réseau : là où l’Allemagne s’achemine vers une utilisation de la méthanation dans le cadre d’une transition vers un système énergétique renouvelable, en France les recherches sur cette technologie sont menées par les grands groupes énergétiques, qui sont aussi les principaux acteurs du nucléaire... Ils envisagent donc d’utiliser la méthanation aussi pour "verdir" les centrales ! Il en va de même pour la cogénération d’électricité et de chaleur, technique fondamentale pour économiser l’énergie, que certains proposent d’appliquer à nos réacteurs vieillissants. Tout cela s’inscrit dans la stratégie de l’industrie nucléaire : faire croire que le nucléaire serait complémentaire des énergies renouvelables, alors que la réalité (économique, infrastructurelle, etc.) est inverse. Le nucléaire entrave le développement des renouvelables, et là encore la comparaison France / Allemagne est éloquente.

"La méthanation se marie très bien avec les productions d’électricité à faible coût marginal, intermittentes telles que l’éolien ou le solaire mais aussi avec celles peu flexibles comme le nucléaire", estime Jean-Paul Reich, directeur scientifique du département Recherche Innovation de GDF Suez. Toutes les nuits, EDF doit en effet diminuer la puissance nucléaire d’environ 4 GW. Si un débouché était trouvé à cette électricité, les réacteurs fonctionneraient de manière plus régulière, engendrant des économies de coûts de maintenance. En outre, l’objectif officiel de la France est de se doter de 25 GW éoliens d’ici 2020. La méthanation est un sujet encore neuf en France mais les projets de recherche voient le jour, qui impliquent GDF Suez, Solvay-Rhodia, Areva, le CEA, Air Liquide, etc. Les Français étant moins pris par le temps que les Allemands, la recherche s’oriente vers des procédés plus innovants susceptibles d’afficher des rendements de 75 % pour la production de méthane de synthèse. C’est notamment le cas du projet de pilote pré-industriel ElectroHgena où "on injecte de l’eau et du CO2 dans un électrolyseur à 550°C et il en sort directement du méthane, en une seule passe." ElectroHgena est piloté par Areva et s’inscrit dans l’appel à manifestations d’intérêt (AMI) "Valorisation du CO2" [...].

Impossible de faire cesser le vent ou d’occulter le soleil. L’électricité des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques est une énergie "fatale" et les gestionnaires de réseau gardent donc la possibilité de déconnecter les installations en cas d’excédent de production pour éviter le black-out. En Allemagne, 127 GWh éoliens ont ainsi été perdus en 2010, l’équivalent de la consommation de 32 000 ménages. En effet, l’éolien et le photovoltaïque représentent déjà 54 GW1 installés pour une demande nationale oscillant entre 40 et 80 GW. Les périodes de production excédentaires vont rapidement devenir de plus en plus fréquentes au rythme où se développent les énergies renouvelables2. Mais surtout la production renouvelable "intermittente" ne coïncide pas toujours avec la consommation. Le stockage de cette électricité permettrait donc de différer la production électrique jusqu’aux heures de forte demande. Malheureusement, toutes les capacités de stockage du pays, peu doté en stations de pompage-turbinage, représentent 0,05 TWh, équivalant à moins d’une heure de consommation nationale. Or, une étude de l’institut Fraunhofer de février 2011 évalue le besoin de stockage à 40 TWh dès 2020 et jusqu’à 170 TWh en 2050. C’est dire si le sujet devient pressant outre-Rhin.

Transition par l’hydrogène

"La seule option de stockage à l’échelle nécessaire dont nous disposions au niveau national est le couplage des réseaux de gaz et d’électricité", conclut l’institut Fraunhofer. Il suffirait en effet de transformer cette électricité en méthane de synthèse pour pouvoir l’injecter sans difficulté dans le réseau de gaz naturel. Celui-ci dispose d’une capacité de stockage de 217 TWh, bien plus qu’il n’en faut. Cela permettrait de stocker l’électricité des jours voire des mois, le rêve de tout électricien. Sans compter que ce méthane aura exactement les mêmes usages que le gaz naturel : chauffage, génération d’électricité et carburant (GNV). Le passage de l’électricité au méthane s’effectue en deux temps. Il s’agit d’abord de produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau puis de faire réagir cet hydrogène avec du dioxyde de carbone dans un réacteur catalytique. Cette réaction3, qui produit du méthane et de l’eau, est déjà utilisée de longue date dans l’industrie chimique mais elle n’avait pas encore été utilisée dans ce contexte. Ce qui exige encore quelques développements.

L’Allemagne manquant de temps, l’hydrogène "renouvelable" peut cependant être directement injecté dans le réseau de gaz. La législation allemande permet d’y mélanger jusqu’à 5% d’hydrogène, ce qui représente tout de même jusqu’à 3 TWh. L’Alliance pour l’hydrogène éolien (Performing Energy, Bündnis für Windwasserstoff) regroupe quatorze partenaires, centres de recherches, ONG et entreprises telles que Vattenfall, Linde, Enertrag, Siemens, Total, etc. Le consortium teste différents types d’électrolyse, étudie le stockage souterrain (cavernes de sel). Dans ce cadre, Enertrag a inauguré en octobre 2011 une centrale hybride qui livre de l’hydrogène à la fois sur le réseau (voir encadré) et au nouvel aéroport de Berlin pour servir de carburant aux véhicules électriques (piles à combustible). L’électricien E.ON construit de son côté une installation pilote devant entrer en service en 2013. Essais en cours

L’intérêt pour la méthanation a amené l’Agence fédérale de l’énergie (Dena) à mettre sur pied début 2011 une "Plateforme stratégique Power-to-gas". Celle-ci regroupe trois des quatre grands électriciens du pays, EnBW, E.ON et RWE, mais aussi Gazprom, GDF Suez, Siemens, Volkswagen, Viessmann, entre autres. Son but est d’inciter à la multiplication des pilotes industriels, de développer les modèles économiques adaptés et de formuler les recommandations aux politiques.

Première à s’être positionnée sur le sujet, la jeune société SolarFuel mène de front quatre projets de démonstration. En 2009, elle construit avec le Centre de recherche sur l’énergie solaire et l’hydrogène (ZSW) de Stuttgart une petite unité de 25 kW. "Cette installation tient dans un container, explique Stephan Rieke, responsable commercial de Solar-Fuel. On a pu la déplacer afin de la tester avec différentes qualités de CO2 : extrait de l’air ambiant, CO2 pur provenant d’une centrale biogaz, mais aussi utilisation directe du biogaz lui-même [mélange de CO2 et de méthane, ndlr]. Elle n’avait pour but que de démontrer que le processus fonctionnait." Depuis, SolarFuel a entrepris la construction d’un prototype dix fois plus puissant (250 kW) avec le ZSW, l’institut Fraunhofer et le développeur de projets renouvelables Juwi. Il sera achevé en 2012 et recourt à une technologie déjà sur le marché pour l’électrolyseur, de type alcalin. Le réacteur de méthanation est en revanche conçu par les chercheurs, car le catalyseur doit fonctionner avec du dioxyde de carbone au lieu du monoxyde de carbone utilisé dans l’industrie. "L’électrolyse et la méthanation ne sont pas des procédés nouveaux, en revanche le couplage des deux a besoin d’être développé."

Par exemple, quand dans l’industrie la méthanation s’effectue sur un mode continu, elle doit ici fonctionner de manière discontinue, selon l’électricité disponible. Or, la réaction s’effectue à 350°C et le catalyseur a besoin d’être maintenu à température. Mais comme elle dégage aussi beaucoup de chaleur, l’innovation consiste à isoler le réacteur pour lui conférer une grande inertie thermique en période de creux tout en parvenant à évacuer la chaleur excédentaire en période d’activité. Chaleur qui peut à son tour être valorisée dans les unités de biogaz auxquelles les installations de méthanation sont accolées. Les méthaniseurs (plus de 7000 en Allemagne) fournissent en effet le CO2 nécessaire au processus.

Montée en puissance

"Chaque nouveau pilote nous permet de tester des électrolyseurs de différentes fabrications et d’optimiser l’ensemble du processus, poursuit Stephan Rieke. Le plus grand défi est de parvenir à faire baisser les coûts de production. Aujourd’hui, tous les composants proviennent de série limitée, voire sont manufacturés, mais une fois passés au stade commercial nous visons un prix d’environ 1000 € par kW." La société annonce en effet vouloir lancer la commercialisation d’unités allant jusqu’à 20 MW dès 2015.

Les deux autres pilotes devant être achevés en 2013 sont des jalons importants vers cet objectif : 1 MW en Bavière en partenariat avec des régies municipales (Thüga, Erdgas Schwaben, Gasag) et 6,3 MW pour Audi, dans le nord du pays. Le constructeur automobile, qui investit aussi dans les parcs éoliens offshore de la mer du Nord, entend en effet proposer un véhicule, une Audi A3 TCNG, roulant au méthane de synthèse "éolien", rebaptisé "e-Gas" pour l’occasion. L’unité de méthanation doit injecter dans le réseau de gaz 1,4 millions de m3 de méthane par an, de quoi faire rouler une flotte de 1 500 voitures, parcourant chacune 15 000 km par an. Ce carburant fera du véhicule l’un des plus propres qui soit avec un niveau d’émissions de 30 g/km. L’installation devrait consommer 330 m3 de CO2 et 1,5 m3 d’eau par heure. Son rendement devrait se situer à 54 %, mais SolarFuel espère parvenir à plus de 60 % d’ici 2015. En valorisant la chaleur dégagée dans les centrales biogaz ou réseaux de chaleur, le rendement global devrait être encore supérieur. Ces différents partenaires préfigurent des clients potentiels pour cette technologie : constructeurs automobile, fournisseurs d’énergie, développeurs éolien, etc. La rentabilité d’une installation dépendra de la stratégie de l’opérateur, le but étant de la faire fonctionner le plus longtemps possible. "À partir de 2000 heures de fonctionnement par an, on entre dans une économie intéressante. C’est pourquoi il ne suffira pas d’exploiter l’électricité éolienne excédentaire, c’est encore trop peu. Il faudra aussi se positionner sur le marché de l’électricité pour profiter des périodes de prix bas. Notre objectif est de pouvoir vendre un méthane à un prix comparable à celui du biogaz, environ 9 c€/kWh." Greenpeace Energy a calculé que le coût actuel de l’hydrogène "éolien", sans l’étape supplémentaire de méthanation, s’établissait à 30 c€/kWh. La marche est par conséquent encore haute, mais l’on évoque déjà la mise en place d’un tarif d’achat pour lancer cette nouvelle énergie renouvelable.

Vincent Boulanger Source : Énergie Plus, mai 2012, n°485

Du gaz éolien déjà en vente : Depuis le 1er octobre 2011, Greenpeace Energy, fournisseur d’électricité verte basé à Hambourg, propose une nouvelle offre baptisée "proWindgas". Celle-ci consiste à vendre du gaz naturel dont le prix comprend une part de 0,4 c€/kWh destinée à promouvoir le développement du "Windgas", le gaz éolien. L’offre a déjà séduit plus de 6000 clients. Greenpeace Energy a ainsi conclu un premier accord en janvier dernier avec Enertrag pour la fourniture d’hydrogène à raison de 400 MWh en 2012 et de 1,2 GWh en 2013. Cet hydrogène est produit par une centrale hybride située à Prenzlau, près de Berlin, combinant un parc éolien, une unité de biogaz et un électrolyseur de 500 kW. Produit par l’électricité excédentaire, cet hydrogène est ensuite injecté dans le réseau de gaz. Greenpeace Energy, qui possède huit parcs éoliens et trois centrales solaires, pour un total de 54 MW, entend construire un deuxième électrolyseur en 2013.

La méthanation en France : Note du Réseau : là où l’Allemagne s’achemine vers une utilisation de la méthanation dans le cadre d’une transition vers un système énergétique renouvelable, en France les recherches sur cette technologie sont menées par les grands groupes énergétiques, qui sont aussi les principaux acteurs du nucléaire... Ils envisagent donc d’utiliser la méthanation aussi pour "verdir" les centrales ! Il en va de même pour la cogénération d’électricité et de chaleur, technique fondamentale pour économiser l’énergie, que certains proposent d’appliquer à nos réacteurs vieillissants. Tout cela s’inscrit dans la stratégie de l’industrie nucléaire : faire croire que le nucléaire serait complémentaire des énergies renouvelables, alors que la réalité (économique, infrastructurelle, etc.) est inverse. Le nucléaire entrave le développement des renouvelables, et là encore la comparaison France / Allemagne est éloquente.

"La méthanation se marie très bien avec les productions d’électricité à faible coût marginal, intermittentes telles que l’éolien ou le solaire mais aussi avec celles peu flexibles comme le nucléaire", estime Jean-Paul Reich, directeur scientifique du département Recherche Innovation de GDF Suez. Toutes les nuits, EDF doit en effet diminuer la puissance nucléaire d’environ 4 GW. Si un débouché était trouvé à cette électricité, les réacteurs fonctionneraient de manière plus régulière, engendrant des économies de coûts de maintenance. En outre, l’objectif officiel de la France est de se doter de 25 GW éoliens d’ici 2020. La méthanation est un sujet encore neuf en France mais les projets de recherche voient le jour, qui impliquent GDF Suez, Solvay-Rhodia, Areva, le CEA, Air Liquide, etc. Les Français étant moins pris par le temps que les Allemands, la recherche s’oriente vers des procédés plus innovants susceptibles d’afficher des rendements de 75 % pour la production de méthane de synthèse. C’est notamment le cas du projet de pilote pré-industriel ElectroHgena où "on injecte de l’eau et du CO2 dans un électrolyseur à 550°C et il en sort directement du méthane, en une seule passe." ElectroHgena est piloté par Areva et s’inscrit dans l’appel à manifestations d’intérêt (AMI) "Valorisation du CO2" [...].



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