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Sortir du nucléaire n°47



Automne 2010

Analyse

La loi NOME ou le partage de la dette nucléaire

Les dispositions de la loi NOME consacrent une disposition injuste, qui entérine la technologie nucléaire et propose d’en faire payer la dette aux générations futures.

Politique énergétique Nucléaire et économie

Le 15 juin 2010, les députés votent la loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité), en vertu de laquelle, et en conformité avec les directives européennes, EDF devra céder un quart de son électricité à ses concurrents à un prix fixé.

Or, le contenu de la loi NOME verrouille l’avenir de la politique énergétique française, en entérinant le règne de la technologie nucléaire. Ainsi, elle acte la prolongation de la durée de vie des réacteurs jusqu’à 2025 et le renouvellement du parc nucléaire français, et ce, même s’il paraît difficilement envisageable que la prolongation de la vie des centrales au-delà de trente ans soit supportable financièrement pour EDF. Sans compter le coût de l’enrichissement du combustible, du retraitement… C’est d’ailleurs l’une des principales raisons de l’exigence d’EDF d’augmenter ses tarifs de quelque 20 à 25 %... Mais il est plus scandaleux encore de constater que le contribuable, qui finance déjà ce service public, finance également les exportations d’électricité (12 %), et, avec la loi NOME participera à l’enrichissement de compagnies privées.

Le Réseau "Sortir du nucléaire" conteste le bien-fondé de ces orientations, lourdes de conséquences économiques et environnementales. Car la loi NOME n’accorde aucune place aux seules évolutions à même de fonder une politique énergétique d’avenir : on n’y trouve rien pour inciter à la sobriété énergétique, au développement des énergies renouvelables et décentralisées, ni sur une tarification progressive de l’énergie. La tarification solidaire et progressive (plus on consomme, plus le prix augmente), concept porté par de multiples mouvements sociaux, permettrait d’inciter les ménages à économiser l’électricité. Une idée d’autant plus pertinente lorsque l’on sait que la consommation d’électricité augmente avec le revenu des ménages et que la dégressivité (plus on consomme, plus le prix diminue) des tarifs électriques, pratiquée dans le cadre actuel et accentuée suite à la libéralisation du secteur, pénalise, elle, de facto, les ménages à bas revenus.

Les débats autour de la loi NOME, si houleux qu’ils soient, témoignent finalement d’une navrante unanimité : à droite comme à gauche perdure le mythe insensé d’une énergie nucléaire bon marché, qui aurait contribué à la prospérité de la France et constituerait un héritage à préserver.

Le prix de revente probable du MWh, fixé à 42 euros, est d’un optimisme que les faits contredisent, à commencer par les surcoûts actuels et à venir du réacteur EPR ; selon l’AIEA (Agence internationale pour l’énergie atomique) elle-même, le prix du MWh EPR pourrait atteindre 69 euros (1). Sans parler des dépenses faramineuses (des centaines de millions d’euros) qui seraient nécessaires pour prolonger la durée de vie d’un parc nucléaire de plus en plus vétuste (2).

Les modes de calcul et les données initiales utilisées par l’Etat sont totalement opaques. De nombreux coûts sont cachés. Certaines dépenses à venir sont dramatiquement minimisées, comme celles du démantèlement des installations nucléaires (3) et de la gestion des déchets radioactifs. Le prix futur de l’électricité est ainsi défini sur des bases fausses, conformément aux seuls intérêts de l’industrie nucléaire.

Le débat autour du partage de la "rente nucléaire" est basé sur un postulat erroné : plutôt qu’une rente, c’est une dette sur plusieurs générations que le programme nucléaire français a engendrée. En effet l’équation est simple : le coût du démantèlement est estimé entre 60 et 100 milliards d’euros, alors que les provisions – utilisées par ailleurs – prévues par EDF ne représentent au mieux que 15 milliards d’euros. Le reste sera donc supporté par les générations futures (aucune centrale française n’a encore été démantelée) qui devront payer pour se débarrasser de ces structures non-productives.

Jean-Marie Brom
Ancien administrateur du Réseau “Sortir du nucléaire
Tribune parue le 23 juin 2010 dans L’Expansion

1 : “Costs of Generating Electricity”, International Energy Agency and Nuclear Energy Agency, édition 2010.

2 : La prolongation de la durée de vie des réacteurs passera nécessairement par le long et coûteux remplacement de nombreux éléments.

Le Point, 18 mai 2010, "La vétusté des réacteurs nuit à la puissance nucléaire française".

3 : Fin 2004, la Cour des Comptes estimait déjà à 65 milliards d’euros
les coûts du démantèlement des installations nucléaires françaises.

Le 15 juin 2010, les députés votent la loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité), en vertu de laquelle, et en conformité avec les directives européennes, EDF devra céder un quart de son électricité à ses concurrents à un prix fixé.

Or, le contenu de la loi NOME verrouille l’avenir de la politique énergétique française, en entérinant le règne de la technologie nucléaire. Ainsi, elle acte la prolongation de la durée de vie des réacteurs jusqu’à 2025 et le renouvellement du parc nucléaire français, et ce, même s’il paraît difficilement envisageable que la prolongation de la vie des centrales au-delà de trente ans soit supportable financièrement pour EDF. Sans compter le coût de l’enrichissement du combustible, du retraitement… C’est d’ailleurs l’une des principales raisons de l’exigence d’EDF d’augmenter ses tarifs de quelque 20 à 25 %... Mais il est plus scandaleux encore de constater que le contribuable, qui finance déjà ce service public, finance également les exportations d’électricité (12 %), et, avec la loi NOME participera à l’enrichissement de compagnies privées.

Le Réseau "Sortir du nucléaire" conteste le bien-fondé de ces orientations, lourdes de conséquences économiques et environnementales. Car la loi NOME n’accorde aucune place aux seules évolutions à même de fonder une politique énergétique d’avenir : on n’y trouve rien pour inciter à la sobriété énergétique, au développement des énergies renouvelables et décentralisées, ni sur une tarification progressive de l’énergie. La tarification solidaire et progressive (plus on consomme, plus le prix augmente), concept porté par de multiples mouvements sociaux, permettrait d’inciter les ménages à économiser l’électricité. Une idée d’autant plus pertinente lorsque l’on sait que la consommation d’électricité augmente avec le revenu des ménages et que la dégressivité (plus on consomme, plus le prix diminue) des tarifs électriques, pratiquée dans le cadre actuel et accentuée suite à la libéralisation du secteur, pénalise, elle, de facto, les ménages à bas revenus.

Les débats autour de la loi NOME, si houleux qu’ils soient, témoignent finalement d’une navrante unanimité : à droite comme à gauche perdure le mythe insensé d’une énergie nucléaire bon marché, qui aurait contribué à la prospérité de la France et constituerait un héritage à préserver.

Le prix de revente probable du MWh, fixé à 42 euros, est d’un optimisme que les faits contredisent, à commencer par les surcoûts actuels et à venir du réacteur EPR ; selon l’AIEA (Agence internationale pour l’énergie atomique) elle-même, le prix du MWh EPR pourrait atteindre 69 euros (1). Sans parler des dépenses faramineuses (des centaines de millions d’euros) qui seraient nécessaires pour prolonger la durée de vie d’un parc nucléaire de plus en plus vétuste (2).

Les modes de calcul et les données initiales utilisées par l’Etat sont totalement opaques. De nombreux coûts sont cachés. Certaines dépenses à venir sont dramatiquement minimisées, comme celles du démantèlement des installations nucléaires (3) et de la gestion des déchets radioactifs. Le prix futur de l’électricité est ainsi défini sur des bases fausses, conformément aux seuls intérêts de l’industrie nucléaire.

Le débat autour du partage de la "rente nucléaire" est basé sur un postulat erroné : plutôt qu’une rente, c’est une dette sur plusieurs générations que le programme nucléaire français a engendrée. En effet l’équation est simple : le coût du démantèlement est estimé entre 60 et 100 milliards d’euros, alors que les provisions – utilisées par ailleurs – prévues par EDF ne représentent au mieux que 15 milliards d’euros. Le reste sera donc supporté par les générations futures (aucune centrale française n’a encore été démantelée) qui devront payer pour se débarrasser de ces structures non-productives.

Jean-Marie Brom
Ancien administrateur du Réseau “Sortir du nucléaire
Tribune parue le 23 juin 2010 dans L’Expansion

1 : “Costs of Generating Electricity”, International Energy Agency and Nuclear Energy Agency, édition 2010.

2 : La prolongation de la durée de vie des réacteurs passera nécessairement par le long et coûteux remplacement de nombreux éléments.

Le Point, 18 mai 2010, "La vétusté des réacteurs nuit à la puissance nucléaire française".

3 : Fin 2004, la Cour des Comptes estimait déjà à 65 milliards d’euros
les coûts du démantèlement des installations nucléaires françaises.



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