Que se passerait-il si la France abandonnait le nucléaire civil, qui représente aujourd’hui près de 80% de sa production électrique, au profit d’énergies plus propres ?
Le cas a été étudié par l’institut de recherche américain, Institute for Energy and Environmental Research (IEER), qui joue un rôle de consultant sur les énergies alternatives auprès du conseil des gouverneurs des Etats américains. Il a publié un rapport en mai 2006, Low-Carbon Diet without Nukes in France (Faibles émissions de dioxyde de carbone sans nucléaire).
Etude américaine sur la France
Malgré son option majoritairement nucléaire, énergie dite propre, la France voit ses émissions de gaz à effet de serre augmenter à cause des transports polluants, l’étude démontre qu’avec des technologies déjà existantes et une nouvelle politique énergétique, le pays pourrait se passer du nucléaire d’ici trois ou quatre décennies et en même temps réduire les émissions de dioxyde de carbone de 40 pour cent.
Pour les partisans du nucléaire, la France est souvent présentée comme lexemple à suivre puisquelle produit presque 80 pour cent de son électricité à partir du nucléaire, lequel produit une quantité négligeable de gaz à effet de serre. Le rapport de lInstitute for Energy and Environmental Research (IEER) est le premier à présenter les technologies et la politique énergétique qui permettent de respecter les mêmes choix de mode de vie et les mêmes options économiques quune politique énergétique basée sur la poursuite dune forte production nucléaire et de fortes émissions de carbone, mais sans énergie nucléaire et avec une réduction substantielle des émissions de dioxyde de carbone.
Lindustrie nucléaire met en avant lénergie nucléaire comme une des solutions pour lutter contre le réchauffement de la planète déclare Annie Makhijani, coauteur du rapport et responsable scientifique à lIEER. Mais lénergie nucléaire est, à long terme, à lorigine de graves problèmes par les risques liés à la prolifération, par les accidents nucléaires graves et par la vulnérabilité vis-à-vis du terrorisme. Cest un compromis qui nest pas souhaitable. Lanalyse de lIEER montre quil est possible, même en France, denvisager un avenir avec de faibles émissions de dioxyde de carbone, sans recourir à lénergie nucléaire.
En France, lénergie nucléaire fournit 75 à 80 pour cent de lélectricité. En conséquence les émissions de carbone par unité de Produit national brut (PNB) sont parmi les plus basses des pays européens. Ainsi, à lhorizon 2008-12, selon le Protocole de Kyoto, la France devra seulement stabiliser ses émissions de gaz à effet de serre à leur niveau de 1990 alors que les autres pays européens sont tenus de réduire les leurs de 8 pour cent.
Le nucléaire n’empêche pas l’effet de serre
Pourtant, lénergie nucléaire na pas pu empêcher laugmentation des émissions de gaz à effet de serre. L’étude montre quen dépit de la quasi élimination du fioul dans le secteur électrique français, à partir de 1973 et de la réduction du charbon, les émissions de gaz à effet de serre demeurent élevées et continuent de croître. Ceci tient au fait que les émissions de gaz à effet de serre sont dues au secteur des transports ainsi quà lutilisation du fioul et du gaz naturel dans les secteurs résidentiel, commercial et industriel.
Selon le rapport, la difficulté nest pas liée à une pénurie de sources dénergie sans carbone mais réside dans le fait que les ressources sont affectées dune façon disproportionnée à lénergie nucléaire au détriment des autres énergies. Des études officielles, sur lutilisation du plutonium comme combustible dans 20 réacteurs français, indiquent que ce secteur de lénergie nucléaire est annuellement subventionné à hauteur denviron 1 milliard deuros. Pourtant, jusquà ces dernières années linvestissement total dans léolien navait même pas atteint le subventionnement accordé chaque année au plutonium.
En labsence dimportants progrès dans lefficacité énergétique du secteur des transports et dans le chauffage résidentiel et commercial, il ne sera pas possible de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre en France déclare le Dr Arjun Makhijani, président de lIEER et coauteur du rapport. Les technologies sont parvenues à un stade commercial ou pré-commercial. Malheureusement, la fascination des pouvoirs publics pour lénergie nucléaire, qui se traduit, entre autres, par des subventions massives en faveur de la production du combustible au plutonium, réserve un rôle secondaire aux autres aspects de la politique énergétique.
Faire appel aux technologies de pointe
LIEER présente deux scénarios sappuyant sur des projections économiques officielles de forte consommation dénergie pour montrer que lélimination progressive de lénergie nucléaire se ferait sur une période de 30 à 40 ans avec, parallèlement, une mise en place de mécanismes de réduction importante des émissions de dioxyde de carbone. Les scénarios se tournent vers des technologies déjà commerciales et des technologies avancées pour atteindre 20 et 40 pour cent de réductions de CO2 avec une élimination progressive de lénergie nucléaire. LIEER admet quil faudra éliminer lénergie nucléaire progressivement plutôt quabruptement, non seulement parce que celle-ci représente une large part de la production délectricité mais aussi parce que labandon prématuré des centrales existantes risquerait de détourner des ressources économiques qui pourraient être investies dans une amélioration de lefficacité énergétique et les énergies renouvelables, notamment léolien.
Il est inévitable que pour aboutir au même pourcentage de réduction des émissions de dioxyde de carbone quaux Etats-Unis, la France devra faire plus largement appel aux technologies de pointe, déclare le Dr Arjun Makhijani, lauteur, en 2001, dune étude similaire sur le secteur énergétique des Etats-Unis. Mais le pays qui investit dans cet avenir se trouvera en position de leadership technique et économique pour la réduction des gaz à effet de serre.
La France a malheureusement choisi dêtre le leader de la technologie nucléaire, remarque Annie Makhijani. Mais la France et le reste du monde ignorent les signes avant-coureurs, notamment la déclaration du leader du parti travailliste japonais, Ichiro Ozawa, selon lequel le secteur civil de lénergie nucléaire pourrait produire du plutonium pour les armes nucléaires.
Important changement de politique énergétique
La compagnie française AREVA, en majorité détenue par lEtat français fournit des services de retraitement des combustibles irradiés aux électriciens japonais. Le Japon possède un important stock de plutonium séparé, dont une partie est entreposée en France et lautre au Japon.
Le rapport note quun avenir sans émissions de carbone et sans énergie nucléaire pour la France, pour le milieu du 21ème siècle, fera appel à dimportants changements technologiques et de politique énergétique, notamment :
- des réglementations imposant une consommation dessence de 2,4 litres/100 kilomètres aux voitures neuves dès 2020 et des améliorations de la consommation dessence des voitures de livraisons et des camions.
- des améliorations des systèmes de chaleur et de refroidissement dans les secteurs résidentiel et commercial qui utilisent des technologies existantes comme la cogénération et les pompes à chaleur géothermiques.
- des achats de la part du gouvernement de technologies de pointe en vue de stimuler linnovation au lieu de crédits dimpôts pour les technologies existantes.
- labandon du retraitement et larrêt des centrales nucléaires au fur et à mesure quelles atteignent la fin de leur durée de vie (40-45 ans après leur mise en service).
- une politique nationale pour mettre léolien, le gaz naturel et le pompage hydroélectrique et, dans le scénario faisant appel à des technologies très avancées, des cellules photovoltaïques solaires, au centre du secteur électrique.
Contact :
INSTITUTE FOR ENERGY AND ENVIRONMENTAL RESEARCH (IEER) Arjun Makhijani ou Annie Makhijani
Tél : (301) 270-5500
Fax : (301) 270-3029
e-mail : ieer@ieer.org
Le rapport intégral est téléchargeable sur le site web de lIEER : https://www.ieer.org/reports/energy/france/
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