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Des accidents nucléaires partout

Japon : Tsuruga : L’archipel craint un mini-Tchernobyl




12 juillet 1999


Fuite de 51 tonnes d’eau primaire sur le réacteur n° 2 de la centrale. La détection de la source de la fuite a été tardive suite à un mauvais positionnement des caméras de contrôle.


Un accident nucléaire d’une relative importance vient de se produire dans une centrale japonaise. Survenu après une série d’incidents sans gravité, il ne peut qu’accroître l’inquiétude de la population.

KYOTO

Nul n’est vraiment maître de la situation : telle est la leçon que l’on peut tirer de l’accident nucléaire survenu [le 12 juillet dernier] sur le réacteur n° 2 de la centrale de Tsuruga [située au nord-est de Kyoto, au bord de la mer du Japon], où une fuite radioactive de 51 tonnes d’eau de refroidissement s’est produite dans le circuit primaire. [Par endroits, la radioactivité a atteint 46 000 becquerels, soit 15 000 fois plus que l’activité tolérée.] L’eau de refroidissement ayant pour fonction d’évacuer la chaleur du cœur du réacteur, une fuite peut engendrer un accident extrêmement grave. L’absence de rejets radioactifs à l’extérieur de la centrale ne doit pas nous autoriser à négliger ce genre de défaillance.

Le problème est d’autant plus sérieux qu’il a fallu plus d’une demi-journée pour déterminer l’origine de la fuite et stopper l’écoulement. Si la localisation a pris tant de temps, c’est, semble-t-il, à cause de l’angle mort des caméras de surveillance. Or, à partir du moment où une pièce susceptible de causer un accident reste hors du champ des caméras, on peut douter de l’efficacité de l’ensemble du système de sécurité de la centrale. Même si le retard pris pour localiser la fuite a été attribué à un angle mort, l’affaire n’est pas réglée pour autant.

Il s’est avéré que la cause de l’accident était une fissure de 8 cm de long et de 0,2 mm de large dans l’une des conduites du circuit. Le fait que celle-ci soit enduite d’un isolant a également contribué à retarder la localisation. En décembre 1992, une fuite d’eau de refroidissement s’était déjà produite dans la même centrale à cause d’une fissure similaire, et l’accident avait été classé au niveau 0 sur l’échelle internationale d’évaluation de gravité. Si, à l’époque, on avait vérifié toutes les conduites, peut-être aurait-on pu éviter le dernier accident. En considérant la première fuite comme un incident mineur et en omettant d’en tirer les leçons, les autorités ont provoqué un accident plus grave, de niveau 1.

Une fois par an, on arrête les centrales pour procéder à des contrôles. Mais, dans le cas de la conduite fissurée, on avait estimé qu’un contrôle tous les dix ans était suffisant, si bien qu’elle n’avait pas été vérifiée depuis 1992. Au niveau du contrôle, il existe également des “angles morts”.

Depuis quelque temps, les compagnies d’électricité et le ministère du Commerce extérieur et de l’Industrie [MITI] étudient la possibilité d’écourter les contrôles périodiques pour que les centrales restent plus longtemps en service.

Une telle politique est prématurée quand on sait combien il y a d’”angles morts” dans le système. Mieux vaudrait revoir entièrement la conception des contrôles.

Les centrales étant parcourues par tout un réseau de conduites, il est essentiel de procéder à une enquête approfondie pour déterminer si la fissure en question est due à un vice de fabrication ou à un défaut structurel commun à d’autres centrales du même type. La responsabilité qui incombe à cet égard à la Commission sur la sécurité nucléaire est bien entendu primordiale. Mais l’agence des Ressources naturelles et de l’Energie [ARNE, dépendant du MITI], qui assure la surveillance sur le terrain, ne doit pas, elle non plus, rechigner à rendre publiques ses informations.

Indépendamment du dernier accident, la situation dans les centrales japonaises est devenue très préoccupante. Selon les statistiques de l’ARNE, le nombre d’incidents recensés depuis le début de l’année est en nette progression par rapport aux années précédentes. Selon cet organisme, les erreurs humaines élémentaires sont particulièrement nombreuses. Le relâchement de l’attention engendré par les activités routinières peut inopinément créer des angles morts.

Le gouvernement déclare aujourd’hui miser sur l’énergie nucléaire pour lutter contre le réchauffement de la planète. Il est même question de prolonger la durée de vie d’une centrale, initialement fixée à trente ans. Toutefois, tant que le système fonctionnera de cette façon, toute initiative pour accroître la dépendance du pays vis-à-vis du nucléaire ne pourra qu’amplifier l’inquiétude de la nation.

L’important, pour garantir la sécurité, non seulement en matière de nucléaire, mais dans tous les domaines ouverts par les récentes avancées technologiques en général, est de ne pas sous-estimer les défaillances et les incidents mineurs, mais d’en tirer les leçons pour pouvoir apporter des améliorations.

Asahi Shimbun

Courrier International


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