25 février 2020
Début décembre 2019, l’exploitant de la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme) se rend compte que les circuits de refroidissement des 4 réacteurs du site n’auraient pas tenus en cas de séisme. En cause : l’épaisseur insuffisante des tuyauteries des circuits d’eau brute secourue (SEC). La raison : rouille et manque d’entretien ou défaut de conformité d’origine ? EDF ne le dit pas. Pas plus d’explication sur la temporalité de la découverte : faite par EDF en novembre 2019, mais annoncée au public à la toute fin de la 4ème visite décennale du réacteur 1, ce programme de plusieurs mois de vérifications et de remises en conformité, qui devait s’arrêter en novembre mais a été prolongée. Et après le séisme du 11 novembre 2019 qui a fait trembler toute la vallée du Rhône. L’Autorité de sûreté nucléaire classe provisoirement l’évènement significatif pour la sûreté au niveau 1 de l’échelle INES, en attendant qu’EDF fournisse plus d’éléments sur les conséquences potentielles de cette perte de refroidissement des 4 réacteurs nucléaires.
Encore une fois, le public est informé après-coup de la situation. Celle-ci était pourtant non négligeable, puisque ce sont les 2 voies des circuits d’eau brute secourue (circuit SEC) de tous les réacteurs du site qui sont concernées. La redondance des systèmes comme garantie de sûreté, argument souvent mis en avant par EDF, est balayée d’une main : peu importe qu’il existe 2 voies différentes et indépendantes pour remplir une même fonction si les 2 sont affectées des mêmes défauts. Ce qui était le cas des circuits d’eau brute secourue des 4 réacteurs nucléaires : les tuyauteries n’avaient pas une épaisseur suffisante. Depuis combien de temps, ça, on ne sait pas.
Le circuit d’eau brute secourue permet de refroidir un autre circuit, appelé circuit de refroidissement intermédiaire, qui assure le refroidissement des matériels importants pour la sûreté d’un réacteur. C’est un circuit dit « de sauvegarde » constitué de deux lignes redondantes, comportant chacune deux pompes et deux échangeurs. Il fonctionne en permanence, même lorsque le réacteur est à l’arrêt, afin d’assurer, entre autres, le refroidissement de la piscine de stockage du combustible. Ce circuit permet l’évacuation, via le circuit de refroidissement intermédiaire, de la puissance résiduelle du combustible dans certaines situations post-accidentelles (accident de perte de réfrigérant primaire, rupture de tuyauterie vapeur) et lors de la mise et du maintien en arrêt à froid du réacteur. Le circuit SEC contribue également, en fonctionnement normal et en cas de mise à l’arrêt du réacteur, au refroidissement d’un certain nombre d’autres équipements tels que les pompes primaires ou la piscine de stockage du combustible [1].
Ce sont donc tous les équipements importants pour la sûreté des 4 réacteurs du site nucléaire du Tricastin qui n’auraient plus été refroidis en cas de tremblement de terre, y compris les piscines d’entreposage de combustible et les pompes qui font circuler l’eau du circuit primaire, le moyen principal de refroidir le cœur du réacteur. Ce qui n’a pas empêché EDF de classer l’évènement significatif pour la sûreté au plus bas niveau de l’échelle de gravité INES [2]. C’est parce que ce niveau de gravité vient d’être revu à la hausse que le public est informé, près de 3 mois après la découverte des faits.
L’exploitant nucléaire assure avoir remis en état ses installations. Mais n’explique pas comment en être arrivé là. Une déclaration qui fait étrangement écho à la récente découverte de non-tenue au séisme de plusieurs systèmes du contrôle-commande du réacteur 1 de la centrale du Tricastin. Et qui vient prendre la suite de la liste déjà très longue des équipements des centrales nucléaires françaises qui auraient cédé et n’auraient pas fonctionné en cas de tremblement de terre.
L.B.
Non tenue potentielle au séisme de certains raccords de tuyauteries du circuit d’eau brute de refroidissement de la centrale du Tricastin
Publié le 25/02/2020
Le 5 décembre 2019, à la suite de la réalisation de contrôles sur des tuyauteries du circuit d’eau brute de refroidissement (SEC), la tenue au séisme de forte intensité de certains raccords de tuyauterie ne peut être justifiée. Les deux voies [3] SEC des 4 unités de production sont concernées.
Des travaux de remise en conformité ont été réalisés pour garantir la tenue au séisme des deux voies SEC des unités de production. Ces travaux sont terminés depuis le 3 janvier 2020. Cet événement n’a pas eu d’impact sur la sûreté de l’installation, en cas de séisme de forte intensité, d’autres moyens de refroidissement auraient été disponibles.
La tenue au séisme des deux voies du circuit de refroidissement n’ayant pas pu être justifiée dans des délais très courts, la direction de la centrale du Tricastin a déclaré le 20 février 2020, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif sûreté de niveau 1 sur l’échelle INES qui en compte 7. Cet événement avait été déclaré au niveau 0 de l’échelle INES par l’unité technique opérationnelle (UTO unité d’ingénierie) le 20 décembre 2019. Les 4 unités de production de la centrale du Tricastin étant concernées, la direction du site a décidé de le déclarer localement.
Défauts de résistance au séisme du circuit d’alimentation en eau brute (SEC) des quatre réacteurs
Publié le 03/04/2020
Centrale nucléaire du Tricastin - Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 20 février 2020, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté concernant un défaut de résistance au séisme de tuyauteries du circuit d’alimentation en eau brute (SEC) des quatre réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin.
Le circuit SEC participe au refroidissement en fonctionnement normal comme en situation accidentelle de l’ensemble des circuits et matériels importants pour la sûreté de l’installation. Le circuit SEC est constitué de deux voies redondantes. Par conception, en cas de défaillance d’une voie, l’autre permet d’assurer les mêmes fonctions.
A la suite de la mise en évidence de sous-épaisseurs sur des tuyauteries du circuit SEC des réacteurs de la centrale nucléaire de Saint-Laurent, dans le Loir-et-Cher, les vérifications conduites par EDF ont montré en novembre 2019 que des tuyauteries des circuits SEC des quatre réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin présentaient une épaisseur insuffisante pour garantir leur résistance en cas de séisme. En cas de séisme, les circuits SEC auraient ainsi pu ne pas être en mesure d’assurer leur fonction de refroidissement des réacteurs.
EDF a remplacé l’ensemble des portions de tuyauteries concernées sur les quatre réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin en décembre 2019, sans attendre la fin des calculs détaillés de vérification de la résistance au séisme des tuyauteries. A l’issue de ces derniers, EDF a déclaré l’événement significatif à l’ASN.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les personnes et l’environnement. Toutefois, en raison des conséquences potentielles de la perte des voies redondantes du circuit SEC des quatre réacteurs en cas de séisme d’intensité SMHV, l’ASN classe cet événement au niveau 1 de l’échelle INES. Ce classement est provisoire, l’ASN poursuivant l’analyse des éléments transmis par EDF sur les conséquences potentielles de cet événement.
[2] INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES
[3] Les circuits des centrales nucléaires sont conçus en redondance (deux voies sont séparées : voie A et voie B). Lorsqu’un circuit est indisponible, un autre permet d’assurer des fonctions similaires.