9 novembre 2021
C’est par une alarme en salle des commandes le 29 octobre 2021 que les équipes d’EDF se seront rendu compte de leur erreur et de ses conséquences : trop d’eau a été injectée dans le circuit primaire lors du redémarrage du réacteur nucléaire n° 2 de Nogent (Grand Est), ce qui a fait baisser la concentration en bore dans le circuit. Ce paramètre est pourtant censé être scrupuleusement surveillé puisque c’est un des 2 moyens de contrôler et de stopper la réaction nucléaire en cours dans la cuve du réacteur.
Pour contrôler la réaction nucléaire qu’EDF lance dans les cuves de ses réacteurs, il n’existe que 2 moyens. Les grappes de commandes (plus ou moins insérées dans la cuve du réacteur [1]) et la concentration de bore dans le circuit primaire [2] . Le bore, présent dans l’eau du circuit primaire sous forme d’acide borique dissous, permet de modérer, par sa capacité à absorber les neutrons, la réaction en chaîne.
Difficile de comprendre comment l’exploitant nucléaire a pu perdre la maîtrise de ce paramètre. D’ailleurs, le communiqué d’EDF annonçant l’incident significatif pour la sûreté donne peu de détails et encore moins d’explications.
Tout ce qu’on sait, c’est qu’une opération de nettoyage a été faite sur un équipement qui permet de déminéraliser l’eau du circuit primaire. Lors de sa remise en service, un second équipement similaire a lui aussi été mis en route. Par erreur a priori. Mais EDF ne s’en est pas rendu compte. Cette arrivée d’eau déminéralisée dans le circuit primaire a fait chuter la concentration en bore. Il a été trop dilué. Dès lors, l’exploitant ne pouvait plus utiliser ce moyen pour contrôler la réaction nucléaire. Embêtant, encore plus lors d’un redémarrage qui est une phase délicate, nécessitant un contrôle précis de la réaction nucléaire.
EDF génère donc lui-même des risques d’accident nucléaire par des erreurs de maintenance et par méconnaissance du fonctionnement de ses propres équipements. Les faits ont été déclarés 5 jours plus tard à l’Autorité de sûreté nucléaire et communiqués au grand public le 9 novembre. Sans surprise étant donné les enjeux, ils ont été classés comme significatifs [3] pour la sûreté [4] . Il en va quand même de la perte de contrôle du moyen qui permet de moduler la réaction nucléaire en plein redémarrage d’un réacteur. Encore heureux que les alarmes se soient déclenchées et que le boremètre [5] n’ait pas été l’objet d’une erreur de maintenance qui serait elle aussi passée inaperçue.
L.B.
Non respect des spécifications techniques d’exploitation sur l’unité de production n°2
Dans le cadre des opérations de redémarrage de l’unité de production n°2, une activité de nettoyage d’un des deux déminéraliseurs du circuit de régulation chimique et volumétrique (RCV) du circuit primaire est programmée le 29/10/2011. Cette activité est encadrée par des règles spécifiques afin de garantir la concentration en bore du circuit primaire dans la phase de redémarrage du réacteur. Les équipes de la centrale lancent l’opération de nettoyage du déminéraliseur et le remettent en service à la fin de l’intervention. Une alarme se déclenche en salle de commande indiquant une concentration en bore en baisse.
L’analyse réalisée montre que, lors de la mise en service du 1er déminéraliseur, le 2ème a été également mis en service entraînant un apport d’eau non autorisé dans le circuit primaire.
Cet événement n’a pas eu de conséquence réelle sur la sûreté des installations, la concentration en bore étant toujours restée supérieure à la limite fixée par les spécifications techniques d’exploitation.
Il a été déclaré le 04/11/2021 à l’Autorité de sûreté nucléaire comme Evénement Significatif Sûreté de niveau 1 en raison du non-respect des spécifications techniques d’exploitation.
Non-respect des spécifications techniques d’exploitation du réacteur 2
Publié le 19/11/2021
Centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 4 novembre2021, l’exploitant de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif au non-respect des spécifications techniques d’exploitation concernant la maîtrise de la réactivité du réacteur 2.
Le bore est un élément chimique ayant la propriété d’absorber les neutrons produits par la réaction nucléaire. Il est mélangé à l’eau du circuit primaire et permet ainsi de contrôler, et le cas échéant d’arrêter, la réaction nucléaire. Dès lors que du combustible nucléaire se trouve dans la cuve du réacteur, la concentration en bore du circuit primaire fait donc l’objet d’une surveillance afin de s’assurer du respect des critères fixés par les spécifications techniques d’exploitation. Ces mêmes spécifications prévoient par ailleurs que les appoints en eau au circuit primaire se fassent uniquement avec une eau suffisamment borée, afin de prévenir le risque de dilution du bore dans le circuit primaire.
Le 29 octobre 2021, lors de la préparation de l’ajout de réactifs dans le circuit primaire du réacteur 2, une mauvaise mise en configuration des circuits a conduit à l’injection d’eau insuffisamment borée pendant 2h15. Cette action a entraîné une baisse de la concentration en bore du circuit primaire, qui est cependant restée conforme aux spécifications requises.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, il a affecté la fonction de sûreté liée à la maîtrise de la réactivité. En raison du non-respect des spécifications techniques d’exploitation, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
Après avoir isolé l’appoint en eau insuffisamment borée, l’exploitant a injecté du bore dans le circuit primaire afin de restaurer une concentration en bore disposant d’une marge suffisante par rapport à la concentration minimale prescrite.
[1] Pour contrôler la réaction nucléaire dans le cœur du réacteur, l’exploitant dispose de deux moyens principaux : - ajuster la concentration de bore dans l’eau du circuit primaire, le bore ayant la propriété d’absorber les neutrons produits par la réaction nucléaire, - introduire les grappes de commande dans le cœur ou les en retirer, ces grappes de commande contiennent des matériaux absorbant les neutrons. II convient, en marche normale du réacteur, de maintenir certaines grappes à un niveau suffisant, fixé par les spécifications techniques, d’une part pour que leur chute puisse étouffer efficacement la réaction nucléaire en cas d’arrêt d’urgence, d’autre part pour assurer une bonne répartition du flux de neutrons.https://www.asn.fr/Lexique/G/Grappes-de-commande
[2] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entrainer le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire
[3] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif
[4] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire
[5] Un boremètre est un dispositif permettant de mesurer le taux de bore du circuit primaire d’un réacteur. https://www.asn.fr/Lexique/B/Bore