14 mars 2022
Durant 6 jours, le réacteur 6 de la centrale de Gravelines (Hauts-de-France) a fonctionné avec un circuit essentiel en partie fermé, par erreur, sans qu’EDF ne s’en rende compte. C’est le troisième incident du genre déclaré par la centrale en 3 jours, sur 3 réacteurs différents.
Le circuit RCV [1]
est un circuit qui permet de contrôler et d’ajuster la température, la pression et le volume d’eau dans le circuit qui refroidit le combustible nucléaire, le circuit primaire. Il en va donc de s’assurer qu’il y a le volume adéquat d’eau dans les tuyaux pour refroidir le cœur d’un réacteur nucléaire, condition sine qua non pour éviter un accident.
Le circuit RCV permet aussi de contrôler et d’ajuster la composition chimique du circuit primaire, notamment sa concentration en bore. Cette substance ayant la capacité d’absorber les neutrons, elle est un des seuls moyens disponibles pour contrôler la puissance de la réaction nucléaire et l’arrêter. Il en va donc de la maîtrise de cette puissance et de ce qu’il se passe dans la cuve d’un réacteur nucléaire, condition sine qua non pour éviter un accident.
De part ces 2 fonctions essentielles, le circuit RCV doit être pleinement fonctionnel dès que la réaction nucléaire est lancée. Il est donc requis lorsque le réacteur produit de l’électricité, mais également lors des arrêts et des redémarrages.
C’est justement alors que le réacteur 6 de Gravelines redémarrait que l’incident est survenu. EDF n’a pas remarqué qu’une partie de ce circuit RCV était condamnée à cause d’une vanne fermée par erreur. De ce fait, il n’était pas possible de vidanger un trop plein dans le circuit primaire en cas de besoin. L’erreur est restée inaperçue durant 6 jours. Six jours durant lesquels la réaction nucléaire était lancée et montait en puissance. Non seulement le circuit était mal configuré, ce qui implique qu’EDF n’a pas vérifier avant de lancer la réaction nucléaire que tout était au vert, mais qui plus est, il a fallu près d’une semaine à l’industriel pour voir le problème. Ce qui implique que les vérifications en fonctionnement n’ont pas été faites rapidement. Pour cette mauvaise configuration et pour le manque de surveillance de son installation, l’incident a été déclaré à L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et a été classé comme étant significatif [2] pour la sûreté [3].
C’est le 3ème du genre déclaré par la centrale de Gravelines en seulement 3 jours. Tous ont augmenté le risque d’accident, tous générés par des erreurs commises par EDF qui n’ont pas été détectées, et ils sont survenus sur 3 réacteurs différents parmi les 6 que comporte le site.
Le 8 mars, EDF déclarait avoir lancé le redémarrage du réacteur 1 alors que le circuit qui permet d’injecter de l’eau dans le circuit primaire en cas de fuite ou de problème était resté fermé. EDF n’a pas appuyé sur un commutateur pour remettre en service le circuit qui avait été inhibé lors d’un essai de matériel auparavant. Le réacteur a fonctionné plusieurs jours avant qu’EDF ne réalise son erreur. Là encore, erreur de configuration, manque de vérification préalables au redémarrage et manque de surveillance des équipements en fonctionnement.
Le 10 mars, EDF déclarait avoir laissé un robinet fermé sur le circuit RCV du réacteur 2 après une intervention faite 10 mois plus tôt, en mai 2021. Une pompe du circuit ne pouvait pas être refroidit, mettant en péril son bon fonctionnement. Là encore, erreur de configuration, qui est restée inaperçue par défaut de vérifications suffisantes et exhaustives des équipements. Là encore il s’agissait pourtant d’un circuit essentiel, participant au refroidissement d’un réacteur en fonctionnement. Les erreurs de configuration des circuits et les contrôles non exhaustifs des équipements semblent de mise à Gravelines, même quand il est question des fonctions essentielles telle que le refroidissement.
L.B.
Déclaration d’un événement significatif de niveau 1, relatif à la détection tardive de l’indisponibilité d’une ligne de décharge sur l’unité de production n°6
Publié le 14/03/2022
Le 3 mars 2022, l’unité de production n°6 est à l’arrêt programmé pour rechargement, en phase de redémarrage.
Dans le cadre des opérations de redémarrage, le réacteur passe par une succession de domaines d’exploitation qui correspondent à des évolutions de pression et de température du circuit primaire. Dans le cadre de ces changements de domaines, les équipes du site réalisent une mise en configuration de différents circuits par fermetures et ouvertures de vannes. Le 9 mars 2022, lors d’un changement de configuration de circuit, les équipes constatent un débit non conforme sur la ligne de décharge du circuit de contrôle chimique et volumétrique (RCV). Celle-ci est considérée comme indisponible. La ligne décharge RCV participe au maintien des paramètres de pression et température du circuit primaire.
Les équipes réalisent un contrôle en local de la configuration du circuit de décharge RCV. Le technicien constate que la vanne d’isolement manuelle de la ligne est en position fermée. La vanne est aussitôt rouverte à 11h30 et la ligne de décharge RCV est à nouveau disponible.
Après analyse, il s’avère que la vanne avait été laissée en position fermée après une manœuvre d’exploitation effectuée en février 2022.
L’indisponibilité de la ligne de décharge est comptabilisée depuis le 3 mars 2022, date de passage dans le domaine d’exploitation pour laquelle elle est requise, jusqu’au 9 mars 11h30, date où la ligne de décharge est à nouveau disponible.
Cet événement n’a eu aucune conséquence réelle sur la sûreté des installations. En raison de la détection tardive de l’indisponibilité d’un système requis par les règles générales d’exploitation, la direction de la centrale de Gravelines a déclaré le 11 mars 2022 à l’Autorité de sûreté nucléaire un évènement significatif de sûreté au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7.
Détection tardive d’une indisponibilité d’un équipement du système de contrôle volumétrique et chimique du réacteur 6
Publié le 17/03/2022
Centrale nucléaire de Gravelines Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 11 mars 2022, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif à la détection tardive de l’indisponibilité d’un équipement du système de contrôle volumétrique et chimique.
Le système de contrôle volumétrique et chimique a notamment pour fonction de maintenir dans le circuit primaire principal la quantité et la qualité de l’eau nécessaire au refroidissement du réacteur. La régulation du volume d’eau présent dans le circuit primaire s’effectue principalement par l’intermédiaire d’un circuit d’injection (charge) et de vidange (décharge). Lorsque la ligne de décharge normale est inutilisable, le fluide primaire en excès peut être évacué par l’intermédiaire d’un autre circuit. Cet autre circuit est également utilisé dans certaines procédures de conduite en situation incidentelle.
Le 9 mars 2022, alors le réacteur était en phase de redémarrage après un arrêt programmé, EDF a constaté l’impossibilité d’établir un débit sur la ligne de décharge. Après vérification il s’est avéré qu’une vanne de décharge du système de contrôle volumétrique et chimique du circuit primaire principal était restée fermée par erreur, ce qui a rendu une partie de ce système indisponible. La phase de montée en pression et température du circuit primaire principal du réacteur avait débuté le 3 mars 2022, la ligne de décharge du système de contrôle volumétrique et chimique aurait dû être disponible depuis cette date. Un autre circuit de ce système permettant une décharge partielle était toutefois disponible sur cette période.
Le circuit de décharge du système de contrôle volumétrique et chimique est resté indisponible pendant plus de 149 heures, alors que les règles générales d’exploitation exigent qu’une telle indisponibilité demeure inférieure à 72 heures lors de la phase de redémarrage concernée.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, l’événement a affecté la fonction de sûreté liée au refroidissement du réacteur. En raison de l’indisponibilité de l’équipement concerné, associée à sa détection tardive, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
Dès la découverte de cette erreur, EDF a manœuvré la vanne pour restaurer la disponibilité de la décharge du circuit de contrôle volumétrique et chimique.
[1] RCV : Système de contrôle Chimique et Volumétrique du circuit primaire principal . Le système de contrôle volumétrique et chimique a notamment pour fonction de maintenir dans le circuit primaire la quantité d’eau nécessaire au refroidissement du cœur. https://www.asn.fr/Lexique/R/RCV
[2] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif
[3] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire