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Des accidents nucléaires partout

France : Georges Besse II, Orano Tricastin : Des pots en trop dans les locaux




3 décembre 2020


Dans l’usine Georges Besse II exploitée par Orano sur son site du Tricastin (Drôme), l’uranium utilisé pour le combustible des centrales nucléaires d’EDF est enrichi [1]. Des matières uranifères y sont donc manipulées et entreposées, imposant un suivi régulier et précis des quantités entreposées pour parer tout risque de criticité. Mais fin novembre 2020, Orano a découvert qu’il y avait un problème avec ce suivi : plusieurs pots contenant de la matière uranifère ont été découverts dans les locaux alors que les registres ne mentionnaient pas leur présence.


Le risque lorsque une quantité trop importante de matière fissile est rassemblée au même endroit est qu’il y ait démarrage d’une réaction nucléaire en chaîne spontanément, c’est le risque de criticité. Un risque omniprésent dans les usines du combustible, qui exige le respect strict des consignes édictées pour le limiter. Si Orano insiste sur le fait que la quantité de matière uranifère présente dans les locaux restait bien inférieure au maximum autorisé, il n’en reste pas moins que les consignes de suivi et d’entreposage n’ont pas été respectées. Dans aucun des trois locaux concernés.

Les règles sont claires : pas plus de cinq pots par local, et le nombre de pots est affiché sur la porte. Pourtant six pots sont retrouvés dans un local alors que l’affichage indiquait 5, deux pots sont retrouvés dans un autre alors que l’affichage indiquait zéro, et six pots sont découverts dans le troisième local alors que l’affichage en indiquait trois. Au total, ce sont six pots de matières uranifères entreposées dans ces locaux sans suivi, sans traçage, sans être comptabilisés. Ce qui a été considéré comme significatif pour la sûreté. Au delà "d’un écart dans des locaux d’entreposage" comme le nomme Orano, cet incident pointe un laisser-aller dans le respect des consignes et une culture des enjeux associés au risque de criticité a minima à consolider. Des problèmes qui ont souvent pour origine des causes plus profondes, comme un manque de moyens alloués au personnel et à leurs formations.

Ce que dit Orano :

Identification d’un écart dans des locaux d’entreposage

03/12/2020

Le 30 novembre, lors d’un contrôle interne après une opération de maintenance sur l’usine Georges Besse II, l’exploitant a constaté un défaut d’affichage dans un local d’entreposage de matériels et la présence de 6 fûts d’aspirateur au lieu de 5 comme le prévoit le référentiel.

Ces fûts d’aspirateur contiennent des matières uranifères en faible quantité, récupérées suite à des opérations de maintenance.

A la suite de ce constat, à titre préventif, une vérification des 2 autres locaux d’entreposage du même type a été réalisée. Un écart similaire a été constaté sans dépassement de la limite de masse autorisée dans le local.

La quantité totale de matières contenues dans ces fûts est plus de 20 fois inférieure à la limite globale autorisée dans le local et ne présentait pas de risque pour la sûreté. Toutefois, au regard du non-respect d’une consigne interne d’exploitation, l’exploitant a proposé à l’Autorité de sûreté de classer cet écart sans conséquence sur le personnel, l’environnement et les populations, au niveau 1 de l’échelle internationale des évènements nucléaires (INES) graduée jusqu’à 7.

https://www.orano.group/fr/actus/nos-actualites-locales/actualites-tricastin/2020/decembre/identification-d%E2%80%99un-ecart-dans-des-locaux-d%E2%80%99entreposage


Ce que dit l’ASN :

Non-respect d’une règle relative à la maîtrise du risque de criticité

Publié le 04/12/2020

Usine Georges Besse II de séparation des isotopes de l’uranium par centrifugation - Transformation de substances radioactives - SET

La société Orano Cycle a déclaré le 2 décembre 2020 à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif relatif au non-respect d’une règle relative à la maîtrise du risque de criticité [2] dans son usine d’enrichissement de l’uranium Georges Besse II.

Dans cette usine, lors de certaines opérations de maintenance, des aspirateurs dédiés sont utilisés pour récupérer de la matière uranifère dans des pots décanteurs. Ces pots décanteurs sont ensuite entreposés dans un des trois locaux d’entreposage temporaire de déchets. Ces pots décanteurs peuvent contenir de la matière enrichie, qui, en quantité suffisante, peut conduire à un risque de criticité. En application des règles générales d’exploitation, l’exploitant a défini dans une consigne des règles comportant notamment une limitation d’entreposage par local à 5 pots décanteurs et un suivi régulier de la masse de matière uranifère au moyen d’un tableau affiché sur la porte de chaque local.

Dans le cadre d’une vérification après une opération de maintenance, l’exploitant a constaté, le 30 novembre 2020, la présence de 6 pots décanteurs dans le local d’entreposage de l’unité Sud, alors que le tableau de suivi indiquait la présence de 3 pots décanteurs. L’exploitant a alors vérifié les deux autres locaux concernés par ces consignes. Dans l’unité RECII, 6 pots étaient également présents, alors que le tableau de suivi indiquait la présence de 5 pots décanteurs. Dans l’unité Nord, 2 pots décanteurs étaient présents alors que le tableau de suivi n’en mentionnait aucun.

Les masses de matières uranifères réellement présentes dans les postes de décantation étant très inférieures aux limites de sûreté, cet écart n’a entraîné aucune conséquence sur l’installation, le personnel ou l’environnement.

Compte-tenu du non-respect d’une règle relative à la maitrise de la criticité, l’incident a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des évènements nucléaires graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

l’Asn veillera à ce que, sur la base de l’analyse des causes de cet événement, l’exploitant renforce ses dispositions pour s’assurer du respect de ses règles de criticité dans ses entreposages.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Non-respect-d-une-regle-relative-a-la-maitrise-du-risque-de-criticite


[1L’usine Georges Besse II, exploitée par la Société d’enrichissement du Tricastin (SET) jusqu’en 2018, filiale à 100% du groupe Orano, constitue la nouvelle installation d’enrichissement du site depuis l’arrêt d’Eurodif. Elle enrichit l’uranium en isotope 235 par ultracentrifugation. Ce procédé consiste à faire tourner à très haute vitesse un bol cylindrique contenant de l’hexafluorure d’uranium gazeux (UF6). Sous l’effet de la force centrifuge, les molécules les plus lourdes (contenant l’isotope 238 de l’uranium) se concentrent à la périphérie, tandis que les plus légères (contenant l’isotope 235) sont récupérées au centre. https://www.asn.fr/L-ASN/L-ASN-en-region/Auvergne-Rhone-Alpes/Installations-nucleaires/Usine-Georges-Besse-II-de-separation-des-isotopes-de-l-uranium-par-centrifugation

[2Le risque de criticité est défini comme le risque de démarrage d’une réaction nucléaire en chaine lorsqu’une masse de matière fissile trop importante est rassemblée au même endroit. Pour prévenir ce risque, les règles générales d’exploitation de l’installation prévoient, notamment, la limitation de la masse de matière présente à chaque étape de fabrication et le contrôle de la géométrie de la matière fissile.


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Installation(s) concernée(s)

Orano

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8


Tricastin

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