20 septembre 2021
L’EPR de Flamanville (Normandie) n’est pas encore autorisé à fonctionner, mais il génère déjà des évènements ayant un impact significatif sur l’environnement. Le réacteur nucléaire a dépassé, mi septembre 2021, la quantité de fuites de liquides de refroidissement autorisée pour toute l’année et a déjà rejeté des centaines de kilos de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
C’est la seconde déclaration du genre en quelques semaines. Début août 2021, l’exploitant de l’EPR de Flamanville déclarait avoir dépassé cette limite... en 2019. Comme quoi, un réacteur nucléaire n’a pas besoin de fonctionner pour polluer.
Les liquides de refroidissement sont très utilisés dans l’industrie atomique, pour la climatisation et le refroidissement des équipements. Les matériaux, comme le personnel, ne peuvent supporter les températures extrêmement chaudes qui règnent dans certaines parties des installations, notamment en zone nucléaire. Ces liquides frigorigènes sont composés de molécules carbonées, le plus souvent fluorées. Lorsqu’ils sont au contact de l’air à une pression atmosphérique normale, ils se transforment en gaz qui contribuent au réchauffement climatique. Chaque fuite de liquide de refroidissement revient donc à rejeter dans l’atmosphère des gaz dont le pouvoir réchauffant est bien plus puissant que celui du CO2. Leurs effets sont différents selon le type de fluide utilisé [1] , mais à l’aune d’une vingtaine d’année, 1 kg de fluide frigorigène qui fuite dans l’atmosphère équivaut, en terme d’effet de serre, à rejeter entre 1 000 et 12 000 kg de CO2 [2] .
Les fuites de liquides de refroidissement ne sont pas rares sur les centrales nucléaires d’EDF et le phénomène est bien connu des autorités. Celles-ci ont accordé à chaque centrale le droit de laisser fuiter 100 kilos de ces liquides par an. Ce qui revient donc à autoriser que chaque centrale nucléaire rejette chaque année une centaine de kilos de gaz à effet de serre qui valent plusieurs milliers de kilos de CO2. Et cette limite est régulièrement dépassée, que les centrales produisent de l’électricité ou pas. Chinon, Paluel, Flamanville à deux reprises pour l’année 2021 - qui n’est pas encore terminée - et l’EPR donc. La centrale du Bugey aussi en 2020, et celle de Belleville qui a rejeté près du triple du maximum autorisé. Sans oublier l’EPR en 2019... Pour ce que l’on sait, car l’exploitant ne communique pas systématiquement au public ces dépassements. Quant à l’Autorité de sûreté nucléaire, elle ne le fait jamais (puisque ces évènements significatifs pour l’environnement ne mettent pas en jeu la radioactivité).
Cette nouvelle déclaration d’évènement significatif [3] pour l’environnement montre une nouvelle fois que non, l’industrie nucléaire ne sauvera pas le climat.
L.B.
Déclaration d’un Evénement significatif environnement (ESE) suite au dépassement d’un seuil de rejet de fluide frigorigène
Evénement environnement
Publié le 20/09/2021
Dans une installation industrielle, les fluides frigorigènes sont utilisés dans les systèmes de production de froid. Ils permettent le refroidissement et la climatisation de différents matériels. Les opérations de maintenance réalisées régulièrement sur ces systèmes permettent de contrôler les fluides frigorigènes et d’en détecter les émissions.
Le 15 septembre 2021, les équipes ont procédé à la vidange d’un système de production d’eau glacé situé dans le bâtiment des auxiliaires nucléaires de la centrale de Flamanville 3, dans le cadre d’une opération de maintenance du matériel. Le pesage du fluide frigorigène a mis en évidence une perte de 73,5kg de fluide par rapport à la quantité initialement contenue. Les équipes sont immédiatement intervenues pour en identifier l’origine, et remettre en conformité les installations.
Cet événement n’a eu aucune conséquence sur la sûreté des installations ni sur la santé des salariés.
Toutefois, ajouté au cumul de fluide frigorigène émis au titre de l’année 2021, cela constitue un dépassement de la limite réglementaire établie à 100kg par an (172,4kg au 15/09/2021).
Cet événement a été déclaré par la direction de la centrale de Flamanville 3 comme événement significatif pour l’environnement le 17 septembre 2021 à l’Autorité de sûreté nucléaire.
[1] Pour en savoir plus, voir l’article de Bernard Laponche "Certains gaz à effet de serre des centrales nucléaires - Fluides frigorigènes et hexafluorure de soufre" publié le 20 octobre 2020 sur le site de l’association d’expertise indépendante Global Chance
[2] Une fuite d’un kilogramme de réfrigérant de synthèse dans l’atmosphère produit un effet de serre équivalent à celui généré par l’émission de 1 000 à plus de 12 000 kg de CO2 :
▸ Un kilogramme de R134a rejeté dans l’atmosphère produit un effet de serre équivalent à celui généré par l’émission de 1 300 kg de CO2.
▸ Un kilogramme de R404A rejeté dans l’atmosphère produit un effet de serre équivalent à celui généré par l’émission de 3 943 kg de CO2.
▸ Un kilogramme de R23 rejeté dans l’atmosphère produit un effet de serre équivalent à celui généré par l’émission de 12 400 kg de CO2.
▸ Un kilogramme de R508B rejeté dans l’atmosphère produit un effet de serre équivalent à celui généré par l’émission de 12 300 kg de CO2.
[3] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif