26 juillet 2022
La fuite aurait commencée le 9 juillet 2022. Le communiqué d’EDF ne précise pas sa cause. Dégradation matérielle ? Mauvaise configuration ? Intervention de maintenance ratée ? Quoiqu’il en soit, ce n’est que le 14 juillet que l’exploitant de la centrale de Dampierre (Centre - Val de Loire) l’a découverte. Pourtant, le circuit touché (circuit d’injection de sécurité, dit RIS) est le circuit de secours par excellence : celui qui permet de refroidir le combustible et de stopper la réaction nucléaire en cas de problème avec le circuit de refroidissement principal : le circuit primaire [1] .
Le circuit d’injection de sécurité est tellement important qu’en cas de problème avec celui-ci, le réacteur doit être arrêté dans l’heure. C’est d’ailleurs ce que EDF a fait lorsque la fuite sur la soupape du circuit RIS du réacteur 3 de Dampierre a été découverte. Mais la fuite durait déjà depuis près d’une semaine. Ne l’ayant pas détectée, il était impossible pour l’industriel de respecter les règles d’exploitation du réacteur. La question qui se pose - outre la cause de la fuite - est pourquoi la fuite n’a pas été découverte dès son apparition. Comment se fait-il que les rondes quotidiennes, faites pour vérifier le bon fonctionnement des équipements et surveiller les installations, n’aient pas permis d’identifier la perte d’étanchéité d’une soupape ? D’autant que le circuit concerné est fondamental pour la sûreté. EDF met-il les moyens suffisants dans la surveillance de ses équipements ?
Les faits, significatifs [1] pour la sûreté [2] , ont été déclarés par EDF à L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le 22 juillet, soit plus d’une semaine après la découverte de la fuite. C’est le 5ème incident du genre déclaré par la centrale nucléaire de Dampierre en moins de 5 semaines (voir à droite de cet article pour une revue des dernières déclarations). Raccordement électrique qui empêche les groupes électrogènes à moteur diesels, sources électrique d’ultime secours de 2 réacteurs, de fonctionner durant 10 jours sans qu’EDF ne s’en rende compte, mauvaises configurations électriques qui mettent hors-service plusieurs équipements sur 2 réacteurs différents, système de contrôle de l’alimentation électrique de plusieurs circuits de secours débranché depuis plus d’un an, oubli de régler les seuils d’alarme des capteurs qui surveillent la réaction nucléaire lors du redémarrage du réacteur 4... À chaque fois, derrière le non respect des spécifications techniques qui déclinent les règles à suivre, se niche un manque de qualité d’exécution d’opérations sur les équipements et de rigueur dans les contrôles et les vérifications des installations. Des manquements qui, d’après les temporalités de certains incidents, sont ancrés sur le site nucléaire depuis longtemps.
Les incidents déclarés récemment par EDF ont des causes profondes qui vont bien au delà de ce que l’exploitant donne à voir dans ses communiqués. Les déclarations d’évènements significatifs et leur succession sont des symptômes, des manifestations opérationnelles d’un problème structurel ancré profondément au sein de la centrale nucléaire de Dampierre. Avec à la clé, des prises de risques accrue et une mise à mal des dispositifs en place pour éviter ou limiter les conséquences d’un accident.
L.B.
Non-respect des spécifications techniques d’exploitation
Publié le 26/07/2022
Le pilotage d’un réacteur s’inscrit dans un cadre de prescriptions, parmi lesquelles les spécifications techniques d’exploitation (STE), qui regroupent l’ensemble des règles à respecter pour la conduite des installations.
Le 14 juillet 2022, l’unité de production n°3 est connectée au réseau électrique national. Des techniciens du service Conduite réalisent leurs rondes quotidiennes pour vérifier le bon fonctionnement des matériels et assurer une surveillance de l’installation.
A 20h, l’un d’eux identifie un défaut d’étanchéité sur une soupape de l’un des trois sous-circuits du système d’injection de sécurité RIS [3].. Une parfaite étanchéité de ce circuit étant requise par les règles d’exploitation, il est alors considéré comme indisponible par le chef d’exploitation. Comme requis par les STE, l’équipe de pilotage met le réacteur à l’arrêt en moins d’une heure, à 20h50.
A posteriori, une analyse approfondie fait apparaître que l’inétanchéité de la soupape est apparue le 9 juillet.
Cette détection tardive n’a pas eu d’impact réel sur la sûreté de l’installation. Toutefois, en raison du non-respect a posteriori des spécifications techniques d’exploitation, la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly a déclaré cet événement le 22 juillet 2022 à l’Autorité de sûreté nucléaire comme un événement significatif de sûreté de niveau 1 (anomalie) sur l’échelle INES, qui en compte 7.
Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 3
Publié le 05/08/2022
Centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 22 juillet 2022, l’exploitant de la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif pour la sûreté relatif à la détection tardive de l’indisponibilité du système d’injection de sécurité haute pression (RIS HP) du réacteur 3.
Le système d’injection de sécurité (RIS) permet, en cas d’accident causant une brèche au niveau du circuit primaire du réacteur, d’introduire de l’eau borée sous pression dans celui-ci afin d’étouffer la réaction nucléaire et d’assurer le refroidissement du cœur. Ce système de sauvegarde permet l’injection de sécurité à haute pression (RIS HP) et à basse pression (RIS BP), en fonction de la pression dans le circuit primaire du réacteur.
Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles prescrivent notamment un délai de repli du réacteur dans un état plus sûr en cas d’indisponibilité du système RIS HP.
Le 14 juillet 2022, un agent de terrain a constaté la présence, sur un organe de robinetterie du système RIS HP, d’une quantité de bore importante, ce qui traduit une inétanchéité de celui-ci. Le système RIS HP a alors été considéré comme indisponible et le repli du réacteur a été réalisé dans le délai prévu par les RGE.
Cependant, après investigations, il a été mis en évidence que cet organe de robinetterie était inétanche depuis plusieurs jours, ce qui n’a pas été détecté par les agents de terrain malgré les rondes quotidiennes effectuées dans le local concerné.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Néanmoins, en raison de la détection tardive par l’exploitant de l’indisponibilité du système RIS HP et bien que le système RIS BP ait quant à lui toujours été disponible, cet événement, qui a affecté les fonctions de sûreté liées au confinement et au refroidissement du réacteur, a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
Les travaux de remise en conformité de l’organe de robinetterie et le nettoyage du local concerné ont été réalisés le 20 juillet 2022.
[1] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire
[2] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif
[3] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire
[4] Le système d’injection de sécurité (RIS) est un système de secours conçu pour assurer le refroidissement du réacteur. Il permet d’injecter dans le circuit primaire de l’eau contenant du bore à forte pression, évitant la reprise de la réaction en chaîne. Il existe 3 sous-circuits indépendants et redondants d’injection RIS : RIS haute pression (HP), RIS basse pression (BP) et les accumulateurs RIS