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Des accidents nucléaires partout

France : Dampierre : Des éléments faux transmis aux autorités

EDF redémarre le réacteur 2 sans avoir tout réparé




6 mars 2023


Il s’agissait de la 4ème visite décennale du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Dampierre (Centre - Val de Loire), un grand programme de vérification de la conformité des équipements et de remises en état. Le réacteur est resté arrêté plusieurs mois, d’avril 2022 à janvier 2023. EDF a affirmé avoir réparé tout ce qui devait l’être, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a donc donné son aval pour redémarrer le réacteur en début d’année. Oui mais voilà, EDF s’est trompé. Une inspection de l’ASN a mis à jour que plusieurs équipements n’étaient pas correctement arrimés et n’auraient pas résisté en cas de choc.


Selon leur importance pour maintenir le réacteur nucléaire dans un état "sûr", les équipements ne sont pas traités pareil. Certains sont si importants (parce qu’ils assurent le refroidissement) que leur fonctionnement doit être garanti, même en cas de choc, d’inondation etc. C’est le cas du circuit de refroidissement de la piscine de combustible par exemple (PTR) [1] , du circuit qui contrôle le volume et la composition chimique du circuit primaire [2] (RCV) [3] ou encore du circuit de refroidissement intermédiaire (RRI)  [4] . Les robinets, pompes, tuyauteries etc de ces circuits doivent être solidement arrimés pour ne pas se disloquer en cas de secousse sismique. Sinon, les circuits voleraient en morceaux et il serait alors impossible de continuer à refroidir le réacteur. C’est pourquoi, ces éléments devaient être réparés avant le redémarrage, ou tout du moins EDF devaient apporter la preuve qu’ils auraient tenu le choc en l’état. D’autres équipements, eux aussi mal ancrés mais moins cruciaux, pouvaient bénéficier d’un délai supplémentaire de 6 mois pour être remis en état.

D’après l’Autorité de sûreté nucléaire, ces remises en état dans le bâtiment réacteur étaient conséquentes, un nombre important d’éléments n’étaient pas conformes. L’ASN attendait donc les remises en conformité de ces équipements importants avant d’autoriser le redémarrage du réacteur. EDF lui a affirmé avoir traité tous les anomalies qui devaient l’être. L’ASN a donc donné l’autorisation de relancer la production électrique de ce réacteur. Mais une inspection sur place courant janvier a démontré le contraire : les éléments importants des circuit PTR, RCV et RRI n’étaient pas remis en état. En d’autres termes, EDF a menti, par omission peut-être, par manque de compétence certainement. L’Autorisation obtenue l’a été sur la base d’informations erronées : bon nombre des ancrages dont EDF avait remis à plus tard la remise en conformité appartenaient aux circuits cruciaux pour garder le contrôle du réacteur et assurer son refroidissement en cas de tremblement de terre. Le réacteur n’auraient donc pas dû être redémarré en l’état. Le comble, c’est que ce n’est pas l’exploitant de l’installation qui a découvert ses erreurs, mais bien les inspecteurs de l’Autorité de sûreté. Détection tardive, défauts de culture de sûreté, examen de remise en conformité qui n’en est pas un, incapacité à identifier les équipements importants pour la sûreté [5] ... La qualité selon EDF.

L.B.

Ce que dit l’ASN :

Défaut de démonstration de la tenue au séisme de matériels du réacteur 2

Publié le 16/03/2023

Le 1er mars 2023, l’exploitant de la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif pour la sûreté relatif à la démonstration de la tenue au séisme de matériels importants pour la sûreté du réacteur 2.

Certains matériels (robinets, tuyauteries, pompes…) concourant à la sûreté d’un réacteur doivent être disponibles à l’issue d’un de séisme. Ces matériels sont équipés de supportages et d’ancrages dont l’objectif est d’assurer leur tenue mécanique en cas de séisme.

Lors de la quatrième visite décennale du réacteur 2, qui s’est déroulée du 27 avril 2022 au 9 janvier 2023, l’exploitant a procédé à un contrôle de la conformité des ancrages et des supportages des matériels importants pour la sûreté. En fonction des anomalies relevées lors de ces contrôles, l’exploitant a défini deux modes de traitement : soit une justification du maintien en l’état, à la condition de pouvoir démontrer la tenue au séisme des matériels concernés malgré les anomalies constatées, soit la réalisation de travaux de remise en conformité.

Au regard du nombre important d’anomalies constatées, l’ASN a demandé à ce que l’ensemble des anomalies relatives aux ancrages et supportages des matériels situés dans le bâtiment réacteur ou concourant à la mise et au maintien dans un état sûr soit traité au plus tard avant le redémarrage du réacteur, les autres anomalies pouvant quant à elles être traitées jusqu’à six mois après.

Sur la base des informations communiquées par l’exploitant dans le cadre de la demande d’accord pour redémarrage à l’issue de la visite décennale, selon lesquelles l’ensemble des anomalies d’ancrages et de supportages avait été traité, l’ASN avait donné le 21 décembre 2022 son accord au redémarrage du réacteur 2.

Lors de l’inspection du 11 janvier 2023 sur le thème de la vérification de la conformité du réacteur 2, l’ASN a procédé à un contrôle de conformité d’ancrages et de supportages sur des matériels concourant au chemin sûr. En réponse aux constats réalisés lors de cette inspection, l’exploitant a indiqué que plusieurs anomalies non traitées au moment du redémarrage affectaient des matériels concourant à la mise et au maintien dans un état sûr.

Dès la découverte de l’écart, l’exploitant a engagé les travaux et analyses nécessaires sur les supportages concernés. Il a ainsi pu confirmer a posteriori la tenue au séisme des matériels concernés.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Néanmoins, en raison de sa détection tardive, de l’absence de procédure d’identification des supportages et ancrages situés sur le chemin sûr et des défauts de culture de sûreté constatés, cet événement est classé par l’exploitant au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/defaut-de-demonstration-de-la-tenue-au-seisme-de-materiels-du-reacteur-2

En savoir plus :

Extraits du rapport d’inspection n°INSSN-OLS-2023-0860 du 11 janvier 2023 :

La note technique référencée D5140/NT/22062 en date d’août 2022 vise à identifier, pour le réacteur n° 2 du CNPE de Dampierre-en-Burly, les systèmes élémentaires contribuant, en cas de séisme, au repli et au maintien en état sûr du réacteur et à l’évacuation de la puissance résiduelle de la piscine du bâtiment combustible. Sont ainsi notamment mentionnés :

 le système RCV (contrôle chimique et volumétrique du circuit primaire principal), pour les parties « fonction injection de sécurité (RIS), ligne de charge, aspersion auxiliaire, injection aux joints des groupes motopompes primaires » ;

 le système PTR, « notamment les lignes en liaison avec les systèmes RCV et RIS pour assurer la liaison avec la bâche 2 PTR001 BA » ;

 le système RRI (refroidissement intermédiaire du réacteur), pour la partie « files de sauvegarde ».

La note précitée rappelle également que « les anomalies identifiées sur les ancrages de matériels [situés sur le chemin sûr] seront traitées sur les 2 voies de sureté avant la divergence » du réacteur n° 2.

Lors de l’inspection du 11 janvier 2023, vos représentants ont présenté la liste des anomalies d’ancrages restant à traiter à l’échéance « VD4+6mois » au niveau du réacteur n° 2, soit au plus tard avant le 27 juin 2023 (la divergence du réacteur n° 2 ayant été réalisée le 27 décembre 2022 suite à la décision n° CODEP-OLS-2022-062292 du Président de l’ASN en date du 21 décembre 2022 donnant accord à EDF pour procéder aux opérations de recherche de criticité puis de divergence du réacteur n°2 de la centrale de Dampierre-en-Burly).

Les inspecteurs ont ainsi constaté que sur les 68 ancrages figurant dans cette liste, 44 sont situés sur les systèmes RCV, PTR et RRI. Les inspecteurs ont alors demandé à ce que leur soit présenté le (les) mode(s) de preuve permettant de démontrer que les ancrages concernés ne sont pas situés sur des matériels contribuant, en cas de séisme, au repli et au maintien en état sûr du réacteur et à l’évacuation de la puissance résiduelle de la piscine du bâtiment combustible. Vos représentants ont indiqué lors de l’inspection ne disposer d’aucun document formalisant cette analyse (...)

Télécharger l’intégralité du rapport :


Ce que dit EDF :

Contrôle de sept ancrages réalisés hors des délais prévus.

Publié le 06/03/2023

Dans une centrale nucléaire, le programme de Base de Maintenance Préventive (PBMP) du génie civil identifie l’ensemble des équipements considéré comme « éléments importants pour la sûreté ». Il précise, les équipements à surveiller, les modes opératoires à réaliser et la périodicité des contrôles.

Dans ce cadre, un contrôle des ancrages  [6] de l’ensemble des tuyauteries de l’unité de production n°2 est réalisé. Ce programme inspecte notamment la tenue des tuyauteries au séisme afin, le cas échéant, de pouvoir procéder aux opérations de mise à l’arrêt du réacteur en toute sûreté.

En janvier 2023, à la suite d’une inspection de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, une nouvelle analyse fait apparaître que sept ancrages n’ont pas respecté le programme de contrôle défini. Ils auraient dû être traités avant la divergence de l’unité de production n°2, réalisée le 27 décembre 2022, ce qui n’a pas été le cas.

Cette situation n’a pas eu d’impact réel sur la sûreté de l’installation : l’unité n’a pas vécu d’événement sismique et la tenue mécanique des matériels était assurée, après analyse, à la divergence du réacteur. Toutefois, compte tenu du défaut d’application de procédure, la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly a déclaré cet événement le 1er mars 2023 à l’Autorité de sûreté nucléaire comme un événement significatif de sûreté de niveau 1 (anomalie) sur l’échelle INES, qui en compte 7

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-dampierre-en-burly/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-dampierre/controle-de-sept-ancrages-realises-hors-des-delais-prevus


[1PTR : réservoir d’eau borée pour le traitement et la réfrigération des eaux des piscines et du réacteur : chaque réacteur comprend un réservoir et une rétention

[2Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire

[3RCV : Système de contrôle Chimique et Volumétrique du circuit primaire principal . Le système de contrôle volumétrique et chimique a notamment pour fonction de maintenir dans le circuit primaire la quantité d’eau nécessaire au refroidissement du cœur. https://www.asn.fr/Lexique/R/RCV

[4Le circuit de refroidissement intermédiaire (RRI) permet de refroidir, en fonctionnement normal comme en situation accidentelle, l’ensemble des matériels et fluides des systèmes auxiliaires et de sauvegarde du réacteur. En particulier, le RRI refroidit les différentes parties mécaniques de pompes qui assurent la circulation de l’eau de refroidissement dans !e circuit primaire, notamment par une circulation l’eau dans un serpentin traversant ces pompes. Le circuit RRI est situé en grande partie à l’extérieur de l’enceinte de confinement ; le serpentin des pompes primaires se trouve à l’intérieur. En cas de dégradation du serpentin, l’eau du circuit primaire pourrait y pénétrer sous forte pression. https://www.asn.fr/lexique/R/RRI

[5La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire

[6Ancrages : éléments mécaniques réalisant la liaison entre un équipement (réservoir, pompe, tuyauterie, etc.) et l’installation.


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Installation(s) concernée(s)

Dampierre-en-Burly

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99