13 décembre 2023
Le problème était pourtant manifeste : les capteurs de pression ne donnaient pas la même valeur. Et pourtant, EDF n’a rien fait. Enfin si : il a poursuivi la montée en puissance du réacteur 3 de la centrale nucléaire de Cruas (Rhône-Alpes).
Crédit Photo : André Paris
Début décembre 2023, le réacteur 3 de Curas est en cours de redémarrage, la réaction nucléaire est lancée et le monte en puissance. La vapeur créée grâce à la chaleur dégagée par cette réaction est envoyée sous haute pression vers une turbine pour la faire tourner, et c’est ce mouvement qui produit de l’électricité (la turbine étant couplée à un alternateur).
Dès le lancement de la turbine, EDF constate que ses capteurs de pression ne donnent pas la même valeur de pression : "Un décalage de valeur est observé entre les deux capteurs de pression suivis depuis la salle de commande" dit explicitement le communiqué de déclaration d’incident d’EDF. Les mesures fournies par ces capteurs sont des informations cruciales pour la surveillance du réacteur : en cas de problème de pression avec la vapeur produite dans le cœur, ces capteurs donnent l’alerte. Et peuvent déclencher des arrêts d’urgence pour éviter que la situation ne dégénère. Pourtant, EDF se met des œillères et ne fait rien. Pas de vérification des branchements et des configurations, pas de fouilles dans les dossiers des dernières interventions ou des contrôles de conformité de ces équipements. EDF décide de poursuivre le redémarrage et continue de fait monter en puissance la réaction nucléaire. Donc décide sciemment, malgré ces problèmes de mesure de pression, de produire plus de vapeur. Et de faire monter la pression.
Le lendemain, le problème est toujours là et s’est même aggravé : l’écart des valeurs données par les deux capteurs est encore plus important. La question pour les équipes de conduite est donc : à quelle valeur de pression peut-on se fier ?
À la mi-journée, EDF se décide à chercher l’origine du problème. Et découvre une mauvaise configuration sur l’un des capteurs de pression. Apparemment, EDF n’a pas effectué les tests sur les équipements qui allaient être sollicités ni fait ses vérifications avant de lancer le démarrage de son réacteur nucléaire, sinon cette erreur aurait été détectée. EDF a aussi manifestement des soucis avec la qualité des interventions qui sont faites sur ses équipements, sinon cette erreur n’aurait pas été commise. Enfin, EDF malgré des problèmes manifestes, préfère monter la puissance de sa machine au lieu d’essayer d’identifier la cause de ces problèmes et de les régler. Un manque de réactivité qui peut coûter cher quand on est aux manettes d’un réacteur nucléaire. D’autant que les règles censées régir la conduite du réacteur imposaient une baisse de puissance dans les 24 heures en cas de souci avéré sur ces capteurs.
Entêtement, aveuglement volontaire, sur-confiance dans des procédés et des savoirs-faire et violation des règles qu’il est tenu de connaître et d’appliquer, tout ça pour ne pas perdre quelques heures sur le redémarrage d’un réacteur et produire plus vite de l’électricité... EDF a attendu une semaine pour déclarer les faits à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
L.B.
Détection tardive de l’indisponibilité d’un capteur de mesure de pression de la turbine
Publié le 13/12/2023
Le 5 décembre, l’unité de production n°3 est en cours de redémarrage après son arrêt pour maintenance programmé.
Une des activités préalables au redémarrage consiste à mettre en fonctionnement la turbine en vue de son couplage au réseau électrique. Le 5 décembre 2023 à 8 heures, durant le début du fonctionnement de la turbine, deux capteurs du circuit de régulation de la turbine contribuant à la chaine de protection du réacteur sont requis pour mesurer la pression de la turbine. Un décalage de valeur est observé entre les deux capteurs de pression suivis depuis la salle de commande. La décision est alors prise de poursuivre la montée en puissance de l’unité de production en surveillant l’évolution des capteurs, les décalages de valeurs pouvant survenir à faible vitesse de la turbine.
Le 6 décembre, la turbine est couplée au réseau électrique et le décalage de valeur de pression entre les deux capteurs s’accentue. Une erreur de lignage est constatée à 12h30 pour l’un des deux capteurs, alors considéré indisponible, depuis la mise en fonctionnement de la turbine. Les équipes de la centrale décident de débuter les opérations de mise à l’arrêt de la turbine.
Dans la configuration dans laquelle se trouvait le réacteur, les spécifications techniques d’exploitation imposent, en cas d’indisponibilité de l’un des deux capteurs, le repli de l’unité de production sous 24 heures, ce qui n’a pas été respecté a posteriori.
Cet événement n’a pas eu de conséquence réelle sur la sûreté des installations, le deuxième capteur étant toujours resté disponible. Toutefois, en raison d’une détection tardive de l’indisponibilité du capteur, la direction de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire, le lundi 11 décembre 2023, un événement significatif de sûreté de niveau 1 sur l’échelle INES, qui en compte 7.
Indisponibilité prolongée d’un capteur de pression de la vapeur alimentant le groupe turbo-alternateur
Publié le 19/12/2023
Centrale nucléaire de Cruas-Meysse Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 11 décembre 2023, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif relatif à la détection tardive de l’indisponibilité d’un capteur de pression de la vapeur alimentant le groupe turbo-alternateur du réacteur 3 de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse.
Le groupe turbo-alternateur est situé en salle des machines et se compose d’une turbine et d’un alternateur. La turbine est actionnée par la vapeur issue des générateurs de vapeur du réacteur. Celle-ci entraîne l’alternateur qui produit l’électricité.
Plusieurs capteurs surveillent en permanence les paramètres de fonctionnement de la turbine, dont la pression de la vapeur du circuit secondaire qui l’alimente. Les informations délivrées par ces capteurs sont utilisées à la fois par le système de régulation permettant le pilotage du réacteur, notamment le niveau d’eau dans les générateurs de vapeur et par le système de protection du réacteur.
Le 6 décembre 2023, lors du redémarrage après arrêt pour rechargement du réacteur, l’exploitant a constaté un fonctionnement atypique de l’un des capteurs de mesure de pression en entrée de la turbine. Le diagnostic a fait apparaître une erreur de mise en configuration des circuits qui a été corrigée. Toutefois, le capteur de mesure de pression concerné par l’événement a été indisponible pendant plus de 29 heures, une durée supérieure à celle prescrite par les spécifications techniques d’exploitation.
En l’absence de sollicitation des autres capteurs et dispositifs de sécurité, cet événement n’a pas eu de conséquence sur l’installation, le personnel ou l’environnement. Toutefois, en raison du dépassement de la durée d’indisponibilité préconisée par les spécifications techniques d’exploitation (STE), cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.