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Des accidents nucléaires partout

France : Chooz : Essai sur les grappes de commande du réacteur 2 : quand EDF oublie de respecter la procédure et ne s’en rend compte qu’après




21 mars 2018


Une anomalie a été détectée sur plusieurs réacteurs : il existe un risque de blocage des grappes de commande. Des essais doivent être faits pour vérifier. Lors de l’essai réalisé le 8 février 2018 sur le réacteur 2 de la centrale de Chooz la procédure n’a pas été respectée, une vanne d’isolement n’a pas été fermée. Cette erreur n’a été détectée qu’après la réalisation de l’essai.


Il existe deux moyens principaux pour contrôler et arrêter la réaction nucléaire dans le cœur d’un réacteur : insérer ou retirer des grappes de commande et ajuster la concentration de bore dans l’eau du circuit primaire  [1] .

En décembre 2017, lors d’un essai à Belleville, une grappe de commande reste bloquée. Ce blocage est dû selon le communiqué de l’exploitant à l’usure d’une pièce adjacente : la manchette thermique du couvercle de la cuve correspondant à la grappe en question. La même usure de cette pièce est également constatée à Saint-Alban. Une anomalie générique est déclarée le 26 février 2018 pour ces 2 centrales : risque de blocage de grappe de commande. Mais cette anomalie, déclarée sur 2 réacteurs, peut potentiellement en concerner 22 autres. Ce sont en effet tous les réacteurs de 1300 et de 1450 MWe qu’il faut vérifier. Cependant, l’exploitant n’a pas prévu d’arrêter ses installations pour procéder aux vérifications. Il annonce qu’il profitera des arrêts déjà programmés pour maintenance pour effectuer des tests de manœuvrabilité des grappes de commande dans les différents réacteurs concernés. Le risque de blocage d’une grappe de commande planera donc sur le parc nucléaire français jusqu’à mi 2019, le temps qu’EDF ait effectué ses tests.

Le 8 février, un de ces tests de manœuvrabilité de grappe de commande est justement programmé à Chooz, sur le réacteur 2. Lorsqu’une grappe est testée, elle ne peut plus remplir sa fonction. Puisque les grappes et le bore sont les 2 moyens de maitriser cette réaction nucléaire, il faut s’assurer que la concentration de bore reste adéquate. Il faut donc isoler le circuit qui permet d’ajuster cette concentration par arrivée d’eau claire dans le circuit primaire, pour empêcher que le bore ne soit trop dilué (ce qui augmenterait la réaction nucléaire). Mais les techniciens se sont rendu compte après l’essai qu’une vanne avait été laissée ouverte : le circuit qui permet d’adapter la concentration de bore n’avait pas du tout été isolé.

L’évènement, initialement déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire au niveau zéro, vient d’être reclassé au niveau 1. Ce qui suggère que les conclusions de l’analyse conduite a posteriori des circonstances ayant causées cet incident se sont avérées plus sévères que prévues. Quoiqu’il en soit, le communiqué de l’exploitant ne nous apprend rien sur les risques engendrés par cet "oubli" d’isolement du circuit permettant d’ajuster la concentration de bore. On ne sait rien non plus sur la validé de l’essai, encore moins sur l’état des grappes de commande de ce réacteur.

Le réacteur 2 de la centrale de Chooz n’est d’ailleurs pas un modèle de conduite. En août et septembre 2017 alors que le réacteur était à l’arrêt pour des travaux de maintenance, à 2 reprises l’alimentation électrique externe a été interrompue. Ces coupures ont engendré la mise hors service de plusieurs matériels qui n’ont pu être remis en fonctionnement dans les délais réglementaires. Un peu plus tard, en novembre, alors que le réacteur 2 est en plein redémarrage, la température du circuit primaire a dépassé de 4 degrés le seuil autorisé. Les équipes n’ont pas réussi à le faire revenir à une température adéquate dans les délais prescrits par les règles d’exploitation. Et en février 2018 donc, les équipes oublient de respecter la procédure à mettre en œuvre pour réaliser des essais sur des équipements au cœur du réacteur.

L.B.

Ce que dit EDF :

Le 21 mars 2018

Reclassement au niveau 1 de l’événement déclaré le 13 février 2018, lié à la non fermeture d’une vanne lors d’un essai périodique

Le 8 février 2018, les techniciens de la centrale réalisent un essai périodique* afin de contrôler la manœuvrabilité des grappes de commande** du réacteur de l’unité de production n°2.

Cet essai nécessite l’isolement des arrivées d’alimentation en eau claire*** du circuit primaire, le temps de la manœuvre. Lors de la remise en conformité des matériels à l’issue de l’essai, les techniciens réalisent que l’une des vannes d’isolement n’avait pas été fermée, comme cela était requis dans la procédure.

Cet événement n’a eu aucun impact sur la sécurité des salariés, ni sur l’environnement. Une surveillance des arrivées d’eau avait en effet été mise en place durant cet essai dont la durée n’a pas excédé cinq minutes.

Cet événement significatif a été déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le 13 février 2018 et classé au niveau 0 de l’échelle INES qui en compte 7. Le 20 mars 2018, la direction de la centrale de Chooz a redéclaré cet événement au niveau 1 de l’échelle INES.

* Afin de s’assurer du bon état des matériels et de leur disponibilité, des essais de fonctionnement sont réalisés périodiquement par les techniciens de la centrale.

** Les grappes de commande contiennent des matériaux absorbant les neutrons. Ces grappes permettent, avec l’ajustement de la concentration en bore dans l’eau du circuit primaire, de contrôler la réaction nucléaire dans le cœur du réacteur.

*** L’alimentation en eau claire permet d’ajuster la concentration en bore du circuit primaire. Le bore possède la propriété d’absorber les neutrons produits par la réaction nucléaire. Il est mélangé à l’eau du circuit primaire et permet de contrôler et, le cas échéant, d’arrêter la réaction nucléaire.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-chooz/actualites/reclassement-au-niveau-1-de-l-evenement-declare-le-13-fevrier-2018-lie-a-la-non-fermeture-d-une-vanne-lors-d-un-essai-periodique


Ce que dit l’ASN :

Le 23/03/18

Non-respect des spécifications techniques d’exploitation

Le 13 février 2018, l’exploitant de la centrale nucléaire de Chooz B a déclaré à l’Autorité de Sûreté Nucléaire un évènement significatif pour la sûreté relatif au non-respect des spécifications techniques d’exploitation lors de la réalisation d’un essai périodique.

Le 8 février 2018, un essai périodique est réalisé sur le réacteur 2 afin de contrôler la bonne manœuvre des grappes de commande. Cet essai consiste en des mouvements des grappes permettant de s’assurer de l’absence de blocage et donc de leur capacité à remplir leur fonction en cas de besoin.

Cet essai périodique engendre l’indisponibilité de la grappe en cours de contrôle. Les spécifications techniques d’exploitation tiennent compte de cette situation en requérant notamment la fermeture d’une vanne afin d’empêcher toute arrivée d’eau non suffisamment borée dans le circuit primaire. Cette action a pour but d’éviter une dilution de la concentration en bore dans le circuit primaire, ce qui pourrait engendrer une augmentation non souhaitée de la réaction nucléaire. Des moyens de contrôle de la concentration en bore dans le circuit primaire étaient néanmoins disponibles.

L’exploitant s’est aperçu après la fin de l’essai, qui a duré quelques minutes, que la vanne n’avait pas été préalablement fermée.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, sur l’environnement ou sur les travailleurs. Il a néanmoins été déclaré au niveau 1 de l’échelle INES le 20 mars 2018 en raison du non-respect des spécifications techniques d’exploitation.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Non-respect-des-specifications-techniques-d-exploitation58


[1Pour contrôler la réaction nucléaire dans le cœur du réacteur, l’exploitant dispose de deux moyens principaux :

 ajuster la concentration de bore dans l’eau du circuit primaire, le bore ayant la propriété d’absorber les neutrons produits par la réaction nucléaire,

 introduire les grappes de commande dans le cœur ou les en retirer, ces grappes de commande contiennent des matériaux absorbant les neutrons. II convient, en marche normale du réacteur, de maintenir certaines grappes à un niveau suffisant, fixé par les spécifications techniques, d’une part pour que leur chute puisse étouffer efficacement la réaction nucléaire en cas d’arrêt d’urgence, d’autre part pour assurer une bonne répartition du flux de neutrons.

Le bore, présent dans l’eau du circuit primaire sous forme d’acide borique dissous, permet de modérer, par sa capacité à absorber les neutrons, la réaction en chaîne. La concentration en bore est ajustée pendant le cycle en fonction de l’épuisement progressif du combustible en matériau fissile.

https://www.asn.fr/Lexique/G/Grappes-de-commande

https://www.asn.fr/Lexique/B/Bore


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Installation(s) concernée(s)

Chooz B

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73