23 août 2023
Crédit photo : Alain Paris
Le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Chinon (Centre - Val de Loire) était privé d’un de ses groupes électrogènes à moteur diesel depuis...son remplacement il y a plus de 2 ans. Une pièce manquait dans le moteur. Sans elle, le groupe électrogène n’aurait pas pu fonctionner sur la durée. Malgré 2 années de tests réguliers, EDF n’a rien détecté.
Les réacteurs nucléaires ont un besoin de refroidissement permanent, même lorsqu’ils sont à l’arrêt. La chaleur dégagée par le combustible doit être évacuée, sinon celui-ci pourrait fondre. La décomposition du métal des gaines du combustible au contact de la vapeur d’eau et du béton au contact du combustible fondu peut alors générer des dégagements d’hydrogène, un gaz hautement explosif. On comprend donc tout l’enjeu de maintenir un refroidissement permanent du combustible des réacteurs nucléaires.
Mais ce refroidissement nécessite de l’électricité. De même que tous les systèmes qui permettent de piloter le réacteur et de déclencher les dispositifs de secours en cas de nécessité. C’est pourquoi un réacteur nucléaire est doté de plusieurs sources électriques de secours, en cas de perte de l’approvisionnement en électricité par le réseau national. Les groupes électrogènes à moteur diesel en font parti. Étant donné leur fonction de sûreté (éviter une perte d’alimentation électrique des systèmes-clés), un groupe électrogène sur les 2 doit toujours être en parfait état de marche. Quand une intervention doit être faite sur l’un, EDF doit s’assurer avant que l’autre fonctionne parfaitement. Sinon l’exploitant doit baisser la puissance du réacteur et donc diminuer sa production d’électricité. De même, en tant qu’équipement important, les diesels doivent être vérifiés, entretenus et leur bon fonctionnement testé régulièrement.
Malgré ces tests réglementaires, EDF n’a détecté que mi-août 2023 qu’un moteur d’un groupe électrogène du réacteur 2 avait été mal monté lors de remplacement en mars 2021. Une pièce servant à la régulation de la vitesse du moteur manquait carrément. Impossible de garantir que le moteur aurait fonctionné correctement et dans la durée s’il avait été sollicité. Ce qui interroge directement la qualité des tests et vérifications faites par EDF sur cet équipement depuis sa mise en service. Sans parler de la qualité de l’intervention de remplacement du moteur et des éventuels contrôles techniques de ladite intervention.
Un groupe électrogène indisponible depuis plus de 2 ans sans que l’exploitant nucléaire ne le sache, des tests de bons fonctionnement qui ne voient rien, une intervention technique de mauvaise qualité qui n’a été ni détectée ni corrigée, et des règles d’exploitation qui n’ont pas pu être respectées... EDF a déclaré les faits comme ayant significativement [1] entachés la sûreté de son réacteur nucléaire [2] . L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) dit qu’elle s’attachera, quant à elle, à ce que l’industriel identifie pourquoi les essais réalisés entre la mise en service du groupe électrogène en mars 2021 et mi août 2023 n’ont pas décelé sa non-conformité.
L.B.
Déclaration d’un événement significatif pour la sûreté de niveau 1 relatif à la détection tardive de l’indisponibilité d’un diesel de secours sur l’unité de production numéro 2
Publié le 23/08/2023
Une centrale nucléaire dispose de cinq sources d’alimentation électrique internes et externes, une seule est suffisante pour garantir le fonctionnement des matériels de sûreté. Parmi les alimentations de secours, chaque réacteur est équipé de deux puissants groupes électrogènes à moteur (appelés diesels de secours), qui assurent de façon redondante l’alimentation électrique des systèmes de sauvegarde en cas de défaillance.
En mars 2021, lors de l’arrêt programmé pour visite partielle de l’unité de production n°2, un remplacement standard du moteur de son diesel est réalisé. Lors de la requalification du nouveau matériel et des différents contrôles de maintenance et d’essais réalisés depuis, aucune anomalie n’est détectée et le diesel est considéré disponible.
Le 12 août 2023, alors que l’unité de production n°2 est à l’arrêt pour simple rechargement, un nouvel essai de fonctionnement est réalisé sur le diesel de secours. Les équipes identifient une anomalie sur un matériel et concluent à son indisponibilité. Les investigations menées ont permis d’identifier que la réalisation du montage de la liaison mécanique effectuée lors du remplacement standard du moteur n’était pas conforme. Celle-ci a été corrigée et les procédures de requalification sont actuellement en cours.
Estimant que l’anomalie détectée ne permettait pas de garantir pleinement le bon fonctionnement du diesel dans la durée, le site a considéré de manière conservative que celui-ci était indisponible depuis mars 2021, date de la dernière maintenance réalisée.
Cet événement n’a eu aucune conséquence réelle sur la sûreté des installations, car d’autres sources électriques de secours étaient disponibles. Toutefois, la détection tardive de l’indisponibilité du diesel entraînant le non-respect des règles générales d’exploitation associées a conduit la direction de la centrale nucléaire de Chinon à déclarer à l’Autorité de Sûreté Nucléaire, le 23 août 2023, un événement significatif pour la sûreté au niveau 1 de l’échelle INES, graduée de 0 à 7.
Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 2
Publié le 29/08/2023
Centrale nucléaire de Chinon B Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 22 août 2023, l’exploitant de la centrale nucléaire de Chinon a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), un évènement significatif pour la sûreté relatif à l’indisponibilité d’un des deux groupes électrogènes de secours à moteur diesel du réacteur 2.
Par conception, chaque réacteur comporte deux sources électriques externes reliées au réseau national, ainsi que deux sources électriques internes (deux groupes électrogènes de secours à moteur diesel appelés « diesel de secours » et respectivement identifiés LHP et LHQ). Un groupe électrogène d’ultime secours vient compléter ces dispositifs.
Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles prescrivent notamment les délais maximums de réparation en cas d’indisponibilité des systèmes requis pour assurer la sûreté des réacteurs.
Dans le cadre de l’arrêt pour rechargement du réacteur 2, des essais sur le diesel de secours LHQ ont conduit à des résultats non conformes. Une intervention sur le diesel de secours LHQ a été engagée le 14 août 2023. Lors de cette intervention, l’exploitant a constaté l’absence d’une pièce mécanique nécessaire à la bonne régulation de vitesse du moteur diesel. En l’absence d’intervention récente sur ce moteur, l’exploitant a considéré que ce montage non conforme datait de l’échange standard du diesel de secours LHQ réalisé en mars 2021. De ce fait, le diesel de secours LHQ a été considéré comme indisponible par l’exploitant depuis cette date, période pendant laquelle sa disponibilité était requise. Les délais de réparation et de repli prévus par les RGE n’ont ainsi pas été respectés.
Dès la détection de l’écart, l’exploitant a remis en conformité le diesel de secours LHQ et a engagé une analyse approfondie de cet événement.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Néanmoins, en raison de la détection tardive par l’exploitant du non-respect des RGE, cet événement, qui a affecté la fonction de support d’alimentation électrique, a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
Pour sa part, l’ASN va s’attacher à s’assurer que l’exploitant identifie pourquoi cet événement n’a pas pu être détecté lors des essais réalisés entre mars 2021 et août 2023.
[1] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements
[2] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire