31 août 2021
Le site nucléaire de Chinon (Centre - Val de Loire) a déclaré en août 2021 avoir dépassé la limite annuelle autorisée en fuites liquide de refroidissement. 100 kilos en 1 an, c’est la quantité de fluides frigorigènes que chaque centrale nucléaire EDF a le droit de laisser s’évaporer dans la nature. Car à une pression normale, ces liquides se transforment en de puissants gaz à effet de serre. Ce qui équivaut à plusieurs milliers de kilos de CO2 rejetés dans l’atmosphère chaque année par les installations nucléaires d’EDF qui ont de très forts besoins de refroidissement. L’industriel ne s’en vante pas, mais cette limite est régulièrement dépassée.
Les fluides frigorigènes sont très répandus dans les installations nucléaires. Ils servent pour les climatisations (qui permettent de rendre l’atmosphère supportable pour les personnes et les matériels) et pour refroidir les équipements, souvent très chauds en zone nucléaire mais aussi surchauffés par leur fonctionnement (les groupes électrogènes à moteur diesels par exemple, qui servent de sources électriques de secours en cas de panne d’électricité, ont besin d’être refroidis pour pouvoir fonctionner plus de quelques heures). Ces liquides sont composés de molécules carbonées, le plus souvent fluorées, qui participent au réchauffement climatique. Lorsqu’ils sont au contact de l’air à pression normale, ils se transforment en de puissants gaz à effet de serre. Leurs effets sur le réchauffement global, notamment dans le temps, varient selon le gaz utilisé [1] , mais leurs pouvoirs réchauffant à l’aulne d’une vingtaine d’année valent plusieurs milliers de fois celui du CO2 [2] dont on parle tellement lorsque les gaz à effet de serre sont évoqués.
Rien que pour l’année 2021, alors que seulement 8 mois se sont écoulés, plusieurs centrales nucléaires EDF ont déjà dépassé ces 100 kilos de fuites de fluides frigorigènes : Chinon donc, Paluel, et Flamanville à deux reprises. Sans compter Belleville qui a déclaré début 2021 avoir rejeté quasiment trois fois le maximum autorisé en 2020. Ni l’EPR de Flamaville qui n’est pas encore en fonctionnement ni même autorisé, qui a déclaré avec 2 années de retard avoir dépassé son quota de fuites de fluides frigorigènes en 2019. Ni la centrale du Bugey qui a déclaré fin 2020 avoir aussi dépassé la limite autorisée.
Ces fuites sont bien connues des industriels et des autorités de contrôles. Mais pourtant, elles perdurent d’année en année. C’est qu’elles sont inhérentes aux équipements, à leur conception même : ils n’ont pas été conçus pour les éviter. Les interventions sur les "groupes froid" (comme sont nommés dans le milieu les équipements produisant du froid) génèrent quasiment systématiquement des fuites de liquides de refroidissement. Et lorsque la limite des 100 kilos de fuites est dépassée, l’industriel déclare simplement un évènement significatif [3] pour l’environnement aux autorités. Et au public par des communiqués bien discrets. Quelle quantité exactement de liquide a fuité ? Quand ? Pourquoi, comment, à quelle occasion ? Et quel type de liquide ? Leurs effets sur le climat étant différents, voilà pourtant une information porteuse de sens. Mais ces questions restent la plupart du temps sans réponse, EDF ne livrant quasiment aucune information dans ses déclarations d’incidents. Quant à l’Autorité de sûreté nucléaire, elle ne communique jamais sur ces incidents, peu importe l’importance de leurs impacts sur l’environnement, ils ne mettent pas en jeux la radioactivité.
Protéger la planète (et nous avec) n’est manifestement pas la priorité de l’exploitant nucléaire. Avec cette nouvelle déclaration d’EDF de rejets polluants l’environnement, avec toutes les précédentes, avec leur récurrence d’année en année, c’est le nucléaire qui sauvera le climat ? Vraiment ? [4]
L.B.
Evénement environnement
Publié le 31/08/2021
Cumul annuel 2021 d’émissions de fluides frigorigènes supérieur à 100 kg sur les INB du site de Chinon
Dans le cadre d’activités de maintenance sur plusieurs systèmes de climatisation de bâtiments industriels et tertiaire situés hors et en zone nucléaire de l’installation, les intervenants de la centrale ont constaté une perte cumulée de fluides frigorigènes légèrement supérieure à 100kg. Cette situation a conduit la centrale de Chinon à déclarer un évènement significatif environnement auprès de l’Autorité de Sûreté Nucléaire.
[1] Pour en savoir plus, voir l’article de Bernard Laponche "Certains gaz à effet de serre des centrales nucléaires - Fluides frigorigènes et hexafluorure de soufre" publié le 20 octobre 2020 sur le site de l’association d’expertise indépendante Global Chance
[2] Une fuite d’un kilogramme de réfrigérant de synthèse dans l’atmosphère produit un effet de serre équivalent à celui généré par l’émission de 1 000 à plus de 13000 kg de CO2
▸ Un kilogramme de R134a rejeté dans l’atmosphère produit un effet de serre équivalent à celui généré par l’émission de 1 300 kg de CO2.
▸ Un kilogramme de R404A rejeté dans l’atmosphère produit un effet de serre équivalent à celui généré par l’émission de 3 943 kg de CO2.
▸ Un kilogramme de R23 rejeté dans l’atmosphère produit un effet de serre équivalent à celui généré par l’émission de 12 400 kg de CO2.
▸ Un kilogramme de R508B rejeté dans l’atmosphère produit un effet de serre équivalent à celui généré par l’émission de 12 300 kg de CO2.
[3] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif
[4] Pour en savoir plus, consultez notre rubrique Le nucléaire ne sauvera pas le climat