9 juin 2023
Crédit photo : Adobe Stock
Comprendra qui peut ce qu’il s’est passé à la centrale nucléaire de Chinon (Centre - Val de Loire). Il faut dire que le communiqué d’EDF est plutôt dur à décrypter. On sait juste qu’EDF a fait tâche d’huile dans l’eau et n’a rien vu.
On ne sait pas quand, EDF a reçu les résultats d’un prélèvement "trimestriel" - donc fait manifestement tous les 3 mois mais dont on ne connaît pas la date de réalisation. Ces résultats ont révélé une concentration en hydrocarbures très élevée dans les rejets liquides de la centrale de Chinon. La concentration est bien au delà de la limite réglementaire qui est à 10mg/litre d’eau. Une limite "dépassée de 16 mg" nous dit EDF. Le communiqué de déclaration d’évènement significatif pour l’environnement [1] ne donne pas le chiffre, mais c’est donc une concentration à 26mg/litre qui a été mesurée, deux fois et demie ce qui est autorisé.
Ce prélèvement est fait dans l’eau du canal de rejet de la centrale nucléaire qui va se jeter dans la Loire, une fois que les rejets liquides provenant des parties non nucléaires des réacteurs 3 et 4 de la centrale sont passés par le "déshuileur". Comme son nom l’indique il est censé capter les huiles et autres hydrocarbures. Manifestement ça n’a pas bien marché. On ne sait pas quand, ni combien de temps et on ne sait pas pourquoi. Manque d’entretien ? Panne ? EDF ne livre aucun élément sur les derniers contrôles ou opérations de maintenance, ou même de surveillance de l’équipement. L’exploitant industriel précise toutefois avoir procédé à la maintenance et au nettoyage de l’équipement après avoir reçu les résultats du prélèvement. On peut donc supposer que le manque d’entretien du système était suspecté par EDF comme une cause probable de son mauvais fonctionnement.
À réception des résultats signalant un dépassement de la limite de rejet autorisée, EDF est aussi allé inspecter le barrage "oléophile", un barrage filtrant flottant sur le canal, censé capter les composés huileux qui resteraient dans l’eau. EDF n’a rien vu, ni trace d’irisation, ni tâche d’huile. Mais ce n’est pas pour autant qu’il n’y a rien eu. On ne sait pas quand a été fait cette inspection visuelle par rapport à la date du prélèvement. Si 3 semaines - ou même quelques jours - se sont écoulés entre temps, il est logique qu’il n’y ait plus de marque apparente de la pollution. Mais les hydrocarbures rejetés par la centrale sont bien allés quelque part.
L’histoire ne dit pas si le barrage a fonctionné ou pas. Il a le mérite d’exister, mais cette double sécurité a-t-elle fonctionné ? Une chose est sûre : EDF ne surveille pas d’assez près et trop peu souvent les systèmes qui sont là pour limiter les rejets polluants dans l’environnement.
Une autre chose peut-être induite de la lecture du communiqué de l’industriel : la transparence selon EDF, ce n’est pas communiquer, c’est l’art de dire sans trop en dire. C’est sans livrer aucun élément qui permette d’apprécier les tenants et aboutissants de l’incident, affirmer ensuite qu’il n’y aucun impact sur l’environnement. À prendre pour argent comptant ?
L.B.
Déclaration d’un événement significatif environnement
Publié le 09/06/2023
Dépassement de la limite réglementaire de la concentration d’hydrocarbure du prélèvement du déshuileur des unités de production numéros 3 et 4
Dans le cadre du suivi trimestriel de la concentration d’hydrocarbure du déshuileur* des unités de production numéros 3 et 4, un dépassement de la limite règlementaire est constaté sur le prélèvement effectué. Cette dernière fixée à 10 mg d’hydrocarbure*/litre est dépassée de 16 mg/l. Lors de l’inspection du barrage oléophile**, qui a suivi, la situation était normale, sans marquage en hydrocarbure. Le barrage oléophile se trouve sur le canal de rejet.
Une opération de maintenance et de nettoyage est alors effectuée sur le déshuileur avant sa remise en service. Cet évènement n’a eu aucune conséquence sur l’environnement et la sûreté de l’installation.
En raison du dépassement de cette limite, la direction de la centrale nucléaire de Chinon a déclaré à l’Autorité de Sûreté Nucléaire un évènement significatif environnement le 7 juin 2023.
*Le déshuileur se trouve dans la partie non nucléaire des installations, situé géographiquement entre les deux aéroréfrigérants. Il collecte tous les effluents liquides non radioactifs susceptibles de contenir des hydrocarbures provenant soient des installations d’unités de production (salles des machines principalement), soient des installations communes à une paire d’unités de production.
** Le barrage oléophile, situé sur le canal de rejet, est un barrage flottant. Il s’agit d’un absorbant industriel permettant de récupérer les hydrocarbures.
[1] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements