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Des accidents nucléaires partout

France : Cadarache : Du combustible nucléaire usé transporté dans l’illégalité

Le CEA découverte ses erreurs cinq ans après




12 juillet 2021


En 2016, du combustible nucléaire usé - fortement radioactif - a été mis et transporté dans un emballage non autorisé. Ce n’est que cinq ans plus tard, en 2021, que le CEA, responsable du site de Cadarache (Bouches du Rhône), s’en est rendu compte. Les contrôles qui sont censés avoir lieu sur les transports de matières radioactives, au départ et à l’arrivée, ont laissé passer ce convoi qui était pourtant illégal.


C’est par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) que les faits sont communiqués au grand public, le 12 juillet 2021. Ils se sont pourtant produits bien avant. Il aura fallu au CEA (Commissariat à l’énergie atomique) la moitié d’une décennie pour se rendre compte de l’erreur commise en 2016 sur son site nucléaire de Cadarache.

Du combustible usé a été mis et transporté depuis Pégase-Cascad, une installation où sont entreposés et stockés des déchets nucléaires, vers une autre installation sur le site (une INB secrète [1]) , dans un emballage interdit pour ce type de substance. L’ASN avait bien accordé une dérogation pour utiliser cet emballage pour des combustibles usés, mais uniquement sous forme d’oxyde. Or, le combustible nucléaire transporté par le CEA le 16 juin 2016 était sous forme métallique.

Cette différence manifeste de forme physico-chimique n’a pas sauté aux yeux du CEA, ni lors du conditionnement des déchets nucléaires dans l’emballage, ni lors de son transport. Pourtant, des contrôles et des vérifications sont censés avoir lieu à toutes les étapes du processus. Difficile de comprendre comment une telle erreur a pu être commise d’une part, et a pu passer inaperçue d’autre part. Et le rester pendant si longtemps.
Comment des déchets radioactifs et dangereux ont-ils pu être mis dans un mauvais emballage ? Car qui dit emballage inadapté dit risques. Risques d’irradiations des personnes, risque de criticité [2] et risques de contamination de l’environnement par de la radioactivité si un accident survient lors du transport.
Comment le convoi a-t-il pu quitter une installation nucléaire sans que son chargement, et les documents afférents, ne soient vérifiés ? Manifestement, si ces vérifications ont été faites, elles étaient insuffisantes. Et la même question se pose pour l’arrivée du convoi dans l’installation secrète : comment se fait-il que les contrôles du CEA n’aient pas détecté que l’emballage n’était pas autorisé ?

Aucune information n’est livrée sur les circonstances qui ont conduit à cette cascade d’évènements. Personnel mal formé ? Vérifications incomplètes ? Erreurs documentaires ? Quoiqu’il en soit, les procédures du CEA étaient défaillantes. Pas un mot non plus sur le fait que les faits ne soient découverts qu’une demie décennie plus tard.
D’après l’Autorité de sûreté, le confinement de la radioactivité et le risque de criticité n’ont pas été impactés par l’erreur du CEA. Mais cette nouvelle déclaration d’incident révèle que le CEA manque de sérieux et de rigueur dans la gestion de ses installations nucléaires et les transports de matières dangereuses. Et depuis longtemps. Le CEA est pourtant le plus ancien des industriels de l’atome et donc un producteur de déchet historique. Il n’en est pas à ses balbutiements. Quant au site de Cadarache, avec ses 1600 hectares [3], c’est l’un des plus grand et des plus anciens site nucléaire de France. Il a été créé en 1959 et mis en service il y a près de 60 ans. On aurait pu penser que les mesures de sécurité et les vérifications y seraient particulièrement poussées. Mais apparemment non. Comme le montre un autre incident récent relatif aux transports de déchet radioactifs, le CEA ne maîtrise pas tous les risques générés par ses activités et ne s’est toujours pas amélioré.

Ce que dit l’ASN :

Non-respect de l’autorisation de transport d’un emballage de type TN-MTR

Publié le 12/07/2021

Installation de stockage provisoire (Pégase) et installation d’entreposage à sec de combustibles nucléaires (Cascad) - Stokage de substance radioactives - CEA

Le 24 juin 2021, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le non-respect de l’autorisation de transport de l’emballage TN-MTR, sur un trajet interne au centre CEA de Cadarache.

Le 16 juin 2016, un étui contenant du combustible usé sous la forme d’alliage métallique a été transporté en emballage de type TN-MTR depuis l’INB no 22 Pégase-Cascad vers l’installation nucléaire de base secrète (INBS), ces deux installations étant situées au sein du même site du CEA à Cadarache.

En 2016, ce colis bénéficiait d’un certificat d’approbation d’expédition sous arrangement spécial pour le transport interne au sein du site de Cadarache. Cette autorisation spécifique de transport interne, en cours de validité au moment du transport, était limitée au transport de combustible sous forme d’oxyde. Le transport de combustible sous la forme d’alliage métallique n’était donc pas autorisé au moment du transport.

Cet écart sur la nature physico-chimique du combustible transporté n’a été détecté ni lors des contrôles préalables à la réalisation du transport ni lors de la réception du colis dans l’INBS. Le CEA a mis en évidence la nature physico-chimique erronée de ce combustible le 24 juin 2021, lors de vérifications documentaires en vue de traiter ces substances radioactives.

Lors du transport, les fonctions de sûreté (prévention du risque de criticité, confinement des matières et radioprotection) sont restées assurées malgré l’erreur d’identification de la nature des substances.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, compte-tenu du non-respect des conditions d’utilisation de l’emballage TN-MTR, l’ASN classe cet incident au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

L’ASN veillera à la vérification de la nature physico-chimique des autres combustibles présents au sein de l’installation Pégase, ainsi qu’à la prise en compte du retour d’expérience issu de l’analyse de cet écart, notamment concernant le reste des opérations prévues de désentreposage du combustible.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Non-respect-de-l-autorisation-de-transport-d-un-emballage-de-type-TN-MTR


[1INB : Installation Nucléaire de Base. Installation soumise, de par sa nature ou en raison de la quantité ou de l’activité des substances radioactives qu’elle contient, à la loi du 13 juin 2006 (dite Loi TSN) et de l’arrêté du 7 février 2012. Ces installations doivent être autorisées par décret pris après enquête publique et avis de l’ASN. Leurs conception, construction, exploitation (en fonctionnement et à l’arrêt) et démantèlement sont réglementés.
Une INBS est une Installation Nucléaire de Base Secrète. Elle dépend du ministère de la Défense. Source : https://www.asn.fr/Lexique/I/INBS

[2Le risque de criticité est défini comme le risque de démarrage d’une réaction nucléaire en chaîne lorsqu’une masse de matière fissile trop importante est rassemblée au même endroit. Un milieu contenant un matériau nucléaire fissile devient critique lorsque le taux de production de neutrons (par les fissions de ce matériau) est exactement égal au taux de disparitions des neutrons (absorptions et fuites à l’extérieur). https://www.asn.fr/Lexique/C/Criticite


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