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Des accidents nucléaires partout

France : Bugey : Six incidents déclarés en 3 mois

Une pompe qui régule le volume d’eau dans le circuit primaire du réacteur 3 hors service depuis des mois




18 décembre 2019


Parce que de mauvais réglages ont été faits lors d’opérations de maintenance sur le réacteur 3 de la centrale du Bugey (Ain) au printemps 2019, une pompe du circuit RCV ne fonctionnait plus. Ce n’est que 6 mois plus tard qu’EDF a identifié le problème. Pourtant plusieurs essais avaient déjà révélés la panne, en juillet et en octobre, et les disjoncteurs avaient dû être à chaque fois remplacés.


Le circuit RCV est le système de contrôle chimique et volumétrique du circuit primaire. Il sert notamment à maintenir dans le circuit primaire la quantité d’eau nécessaire au refroidissement du cœur du réacteur nucléaire. Cette régulation du volume du circuit primaire se fait par l’intermédiaire d’un circuit d’injection (charge) et de vidange (décharge). On comprend alors toute l’utilité des pompes de ce système. Étant donné sa fonction essentielle, le circuit RCV est un EIP, un élément important pour la protection des intérêts, mentionnés à l’article L.593-1 du code de l’environnement. C’est à dire qu’il participe à prévenir des risques générés par l’installation relatifs à la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement. Et de ce fait, comme tous les EIP, il doit, selon l’arrêté du 7 février 2012 modifié fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base, être régulièrement testé et entretenu, y compris de manière préventive.

C’est bien ce que l’exploitant de la centrale du Bugey a fait. Il a testé par 2 fois son système, en juillet et en octobre 2019. Les 2 fois, la même pompe du circuit s’arrête toute seule dès qu’elle est mise en marche. Pour autant, EDF ne considère pas immédiatement cette pompe comme inapte à remplir ses fonctions. Et ce n’est qu’en décembre qu’EDF identifie le problème : des opérations de maintenance courante faites durant l’arrêt du réacteur au printemps dernier. Des disjoncteurs, associés à la pompe, ont été mal réglés.

L’exploitant se veut rassurant : ces disjoncteurs ont été remplacés (même si le communiqué d’EDF n’est pas clair sur les dates : un coup le 9 décembre, un coup après les essais), et par prévention, les réglages des autres disjoncteurs ont été vérifiés. Tout va bien donc, et ce qui est qualifié d’"anomalie" (puisque l’évènement est classé au niveau 1 de l’échelle INES [1]) n’a aucune conséquence pour les salariés ni pour l’environnement. Pour la sûreté en revanche...

Comment une erreur commise entre le 28 mars et le 23 juin 2019 (EDF ne date pas précisément l’intervention de maintenance en question), sur un EIP qui plus est, a-t-elle pu passer inaperçue et le rester aussi longtemps ? Comment se fait-il que malgré des essais de bon fonctionnement non concluants et le remplacement du disjoncteur après chaque essai, l’origine du problème ne soit identifiée que 6 mois après ?

Manque de rigueur dans les contrôles techniques des opérations de maintenance, dans la surveillance de l’installation et dans le suivi en service d’équipements importants qui doivent pourtant être l’objet de toutes les attentions, analyses et détections de pannes plus que tardives... Ces faits, communiqués au public le 18 décembre, ne manquent pas de faire écho à d’autres bien récents : le système qui permet d’injecter de l’eau et du bore pour arrêter la réaction nucléaire et refroidir le combustible qui ne fonctionnait qu’à moitié depuis 10 mois, des opérations de maintenance qui font plus de mal que de bien et laisse un réacteur avec un moteur diesel en moins, sans que personne ne s’en rende compte avant un mois ; de multiples rejets radioactifs dans l’air à cause de travaux mal faits et d’une absence totale de réaction d’EDF lors du 1er rejet ; une mauvaise surveillance de la radioactivité dans le bâtiment réacteur à cause de mesures faussées... Débit de bore en dessous du minimu autorisé en raison d’une erreur d’analyse et une méconnaissance de la configuration des circuits de son installation... Tous ces "évènements significatifs" ont été déclarés par EDF entre le 19 septembre et le 11 décembre 2019. Sans compter les 2 arrêts en urgence successifs du réacteur 3 fin novembre, l’un pour un problème d’alimentation en eau des générateurs de vapeur, l’autre lié à un problème sur l’alternateur.

À l’heure où la Communauté de communes de la plainte de l’Ain et les élus du département ont délibéré, sans consultation préalables de leurs administrés, en faveur de l’implantation de 2 nouveaux réacteurs nucléaires sur les terres agricoles jouxtant la centrale du Bugey, les incidents déclarés à un rythme plus que soutenu par la direction de la centrale et donc, la manière manifeste dont EDF gère les réacteurs du site, aurait pourtant dû les alerter sur les risques bien réels générés pour l’environnement et les habitants.

Ce que dit EDF :

Indisponibilité d’une des trois pompes du circuit RCV

Publié le 18/12/2019

Les 16 juillet et 29 octobre 2019, les équipes de la centrale réalisent des essais réglementaires [2] sur l’unité n°3, en production. Lors de ces essais, elles constatent qu’une des pompes situées sur le circuit de contrôle volumétrique et chimique (circuit RCV [3]) s’arrête automatiquement juste après avoir démarré, en raison d’un dysfonctionnement ponctuel des disjoncteurs qui lui sont associés.

En lien avec le constructeur des disjoncteurs incriminés, des expertises approfondies sont réalisées et permettent d’identifier le 9 décembre 2019 un mauvais réglage des appareils, qui sont immédiatement remplacés. Les équipes EDF concluent que les deux disjoncteurs étaient mal réglés depuis une opération de maintenance réalisée lors du dernier arrêt programmé de l’unité de production n°3, entre le 28 mars et le 23 juin 2019.

La pompe alimentée par ces disjoncteurs était donc indisponible sur la période allant de l’opération de maintenance réalisée lors de l’arrêt programmée de l’unité n°3 au remplacement du deuxième disjoncteur, le 29 octobre 2019. A titre préventif, les équipes de la centrale ont procédé à des contrôles sur les autres disjoncteurs concernés par la même opération de maintenance. Ces contrôles n’ont montré aucun autre réglage inadapté.

La direction de la centrale nucléaire de Bugey a donc déclaré le 11 décembre 2019 un événement significatif sûreté de niveau 1 à l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Cet événement n’a eu aucune conséquence sur la sécurité des salariés ou sur l’environnement. Les deux autres pompes du circuit RCV étaient opérationnelles.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-du-bugey/actualites/indisponibilite-d-une-des-trois-pompes-du-circuit-rcv


Ce que dit l’ASN :

Détection tardive d’un non-respect des spécifications techniques d’exploitation du réacteur 3 de la centrale nucléaire du Bugey

Publié le 23/12/2019

Centrale nucléaire du Bugey - Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 11 décembre 2019, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif à l’indisponibilité d’une pompe du système de contrôle chimique et volumétrique du circuit primaire principal du réacteur 3.

Le système de contrôle chimique et volumétrique a notamment pour fonction de maintenir dans le circuit primaire la quantité d’eau nécessaire au refroidissement du cœur. Cette régulation du volume du circuit primaire se fait par l’intermédiaire d’un circuit d’injection (charge) et de vidange (décharge).

Le 16 juillet 2019, lors d’un essai périodique, une pompe du système de contrôle chimique et volumétrique démarre puis s’arrête immédiatement. Les investigations menées par EDF mettent en évidence un dysfonctionnement du disjoncteur d’alimentation électrique de la pompe. Celui-ci est remplacé.

Le 29 octobre 2019, lors d’un autre essai périodique de cette pompe, le même phénomène est constaté. Le diagnostic réalisé par EDF met à nouveau en évidence une défaillance du disjoncteur, qui est une nouvelle fois remplacé.

Le 6 décembre 2019, l’expertise du constructeur des deux disjoncteurs conclut à un mauvais réglage de la tension de leur ressort de fermeture lors de la maintenance de ces disjoncteurs, réalisée en juin 2019. Le site a alors immédiatement procédé au remplacement préventif de quatre autres disjoncteurs ayant fait l’objet des mêmes opérations de maintenance. L’expertise de ces quatre disjoncteurs remplacés n’a pas mis en évidence d’anomalie.

Toutefois, l’analyse des dysfonctionnements ayant affecté les disjoncteurs de la pompe du système de contrôle chimique et volumétrique du circuit primaire principal du réacteur 3 a conduit EDF à considérer que cette pompe n’aurait pas été disponible en cas de sollicitation, depuis la maintenance de son disjoncteur, en juin 2019.

Cet écart n’a pas eu de conséquence sur le personnel et l’environnement. Cependant, compte tenu de la détection tardive de l’indisponibilité d’un matériel requis par les spécifications techniques d’exploitation, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Detection-tardive-d-un-non-respect-des-STE-du-reacteur-3-de-la-centrale-nucleaire-du-Bugey


[1INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES

[2Sur une centrale nucléaire, les circuits contribuant à la sûreté des installations sont redondants et régulièrement éprouvés par des essais de bon fonctionnement. Ces essais, appelés essais périodiques, répondent à plusieurs critères fixés par les règles générales d’exploitation qui encadrent le fonctionnement des réacteurs

[3le circuit de contrôle volumétrique et chimique permet de contrôlé différents paramètres (volume, chimie,…) de l’eau du circuit primaire. Il est alimenté par trois pompes.


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Installation(s) concernée(s)

Bugey

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