13 juillet 2022
En cas de tremblement de terre, certains systèmes et équipements des réacteurs nucléaires doivent absolument fonctionner. Pour permettre l’alimentation électrique, le refroidissement du combustible, la ventilation, le fonctionnement des systèmes de secours etc., tout ce qui sert à arrêter le réacteur et à éviter un accident nucléaire. Depuis plusieurs années, suite à la catastrophe de Fukushima et sur les demandes de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), EDF découvre que certains de ces équipements requis en cas de tremblement de terre n’auraient pas résisté [1]. De nombreux travaux ont été entrepris pour les rendre résistants : renforcement des ancrages et des fixations, conception particulière... Mais EDF n’avait pas pensé à la tenue aux séismes des autres matériels, qui pourraient sous l’effet du choc venir agresser ceux qui doivent fonctionner.
L’Autorité de sûreté nucléaire a demandé à EDF il y a 10 ans de faire le point. En 2016, EDF annonçait, 4 ans après la demande de l’ASN, avoir identifié plusieurs agresseurs potentiels d’équipements importants requis en cas de séisme sur tous ses réacteurs de 900 et de 1300 MWe et être "en cours de résorption". En 2017, EDF annonçait que les réacteurs de 1450 MWe (Chooz B et Civaux) étaient également touchés. Tous les réacteurs (58 au total à l’époque) étaient donc concernés.
En 2022, EDF annonce être toujours en cours de "traitement" de ces problèmes de non tenue aux séismes, après avoir découvert de "nouveaux" agresseurs, jusque là non identifiés, dans les bâtiments électriques de ses installations nucléaires. Là encore, tous les réacteurs du parc (56 au total) sont concernés.
Parce que EDF a sous-estimé le risque et n’a pas anticipé ses conséquences lorsque les réacteurs ont été conçus, des années de vérifications et de travaux ont été nécessaires. Une décennie plus tard, on y est encore. Plutôt que de déclarer une nouvelle anomalie générique pour son parc nucléaire, EDF a étendu sa déclaration initiale de 2016 pour y rajouter ces "nouveaux" agresseurs jusque là non "traités" car non identifiés lors des contrôles menés entre 2012 et 2016. L’exploitant a toutefois dû déclarer une nouvelle anomalie, concernant la totalité de ses réacteurs nucléaire, significative pour la sûreté le 11 février 2022, puisqu’il est incapable de démontrer que tous les agresseurs potentiels de ses réacteurs tiendraient le coup en cas de tremblement de terre et ne viendraient pas détériorer un équipement important tenu de fonctionner. On notera que l’annonce au grand public, par sa note d’information, n’est arrivée que 5 mois après.
Une fois de plus, les faits posent la question de la qualité et de exhaustivité des vérifications faites par l’industriel. Et démontrent qu’EDF n’a pas pensé à tout lors de la conception de ses réacteurs. Quels autres risques ont été sous-estimés, quelles autres conséquences n’ont pas été anticipées ? Combien d’années faudra-t-il à EDF, et à quel prix, pour tout sécuriser, pour que ses réacteurs nucléaires puissent faire face à toute situation possible sans causer d’accident ? Est-il vraiment possible de rendre un réacteur nucléaire "sûr" ? Et si oui, l’industriel en est-il capable ?
L.B.
Note d’information publiée le 13 juillet 2022
Mise à jour d’un évènement significatif portant sur un écart de prise en compte des paramètres de tenue au séisme de certains matériels
En cas de séisme, la sûreté des réacteurs nucléaires repose sur un certain nombre d’équipements qui doivent être en capacité d’assurer leur fonction pendant et après le séisme. Pendant un séisme, certains matériels qui n’ont pas de requis sismiques, appelés agresseurs, peuvent provoquer des dégradations sur les matériels, requis en cas de séisme, appelé cibles.
Afin de s’assurer que les cibles ne soient pas agressées en cas de séisme, chaque centrale nucléaire a élaboré la liste des couples agresseurs / cibles sur ses installations avec pour chaque couple identifié une justification qui permet de démontrer l’absence d’agression de la cible en cas de séisme.
Dans ce cadre, EDF a identifié l’absence de justification en cas de séisme pour certains couples agresseurs/cibles et a déclaré le 7 juillet 2016 à l’ASN un événement significatif pour la sûreté pour tous les paliers (hors N4).
En 2017, une extension au palier N4 a été réalisée.
Depuis la déclaration initiale, les matériels concernés ont tous été traités.
Les bâtiments électriques (dits BL) sont situés hors de la zone nucléaire et comprennent des matériels électriques (coffrets, armoires, batteries et tableaux). Une poursuite approfondie des expertises réalisée en 2018 sur les paliers 900MW et 1300MW a conduit à la détection de quelques couples agresseur/cible dans les bâtiments BL des centrales. Le traitement des couples identifiés est en cours.
Cet événement n’a pas eu de conséquences réelles sur la sûreté des installations. En raison de l’absence de démonstration formelle de tenue au séisme des agresseurs potentiels, EDF a toutefois déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire, le 11 février 2022 un événement significatif de sûreté au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7, pour tous les réacteurs nucléaires en fonctionnement.
[1] Voir notre rubrique Et si la Terre tremble ?