13 mars 2020
Parce qu’EDF n’a pas tenu compte de ses erreurs passées et n’a pas transmis toutes les informations à son fournisseur, l’exploitant a équipé 17 réacteurs de pièces non-conformes. Des pièces sur 2 circuits essentiels, à Belleville (Centre Val-de-Loire), Cattenom (Grand Est), Flamanville (Normandie), Golfech (Occitanie), Nogent (Grand Est), Penly (Normandie), Paluel (Normandie) et Saint-Alban (Occitanie). Huit sites nucléaires sur les 19 que compte l’hexagone sont concernés, soit près de la moitié.
L’évènement a été déclaré par EDF le 27 janvier 2020 à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). L’un comme l’autre ne communiqueront au public que plusieurs semaines après. Voici les faits.
En 2013, plusieurs vannes situées des pompes de réacteurs de 1300MWe ont été retrouvées desserrées. Les vis de fixation n’étaient pas équipées de dispositif de freinage, et au fur et à mesure que les pompes étaient sollicitées, les vis se desserraient. À un moment, les pompes n’auraient plus été en capacité de fonctionner, les pièces se seraient disloquées. Or ces pompes font marcher 2 circuits absolument essentiels dans un réacteur nucléaire :
- le système de contrôle volumétrique et chimique (RCV [1]), qui permet entre autre de maintenir en permanence suffisamment d’eau dans le circuit primaire pour refroidir le combustible nucléaire, mais aussi de vérifier et d’ajuster la composition chimique du fluide du circuit primaire ;
- le circuit d’injection de sécurité (RIS [2]), qui permet en cas de fuite importante sur le circuit primaire d’injecter de l’eau et du bore pour maintenir un refroidissement du réacteur et stopper la réaction nucléaire.
Lorsque l’exploitant nucléaire a découvert ces problèmes en 2013, il a fait resserrer les vis, des systèmes de freins ont été installés pour éviter de nouveaux desserrages, et un évènement significatif pour la sûreté avait été déclaré. En 2015, tous les interventions étaient finies sur les réacteurs concernés. Soit 2 ans après la découverte des problèmes. Depuis 2015, au fur et à mesure des arrêts pour maintenance, EDF a remplacé les vannes défectueuses par des nouvelles. Ces vannes étaient censées être conformes, c’est à dire équipées de système de freinage pour que les vis ne puissent plus se desserrer à l’usage.
Sauf que voilà : EDF se rend compte (quand ? on ne sait pas) que les nouvelles vannes sont identiques aux anciennes : elles ne comportent pas de système de freinage. Elles ne sont donc pas conformes, elles génèrent un risque pour la sûreté : sans ce système de frein, les vis pourront de nouveau se desserrer et les pompes finiront par ne plus fonctionner. Comment cela est-il possible ? La réponse est dans le communiqué d’EDF : "le fournisseur de ces vannes de remplacement n’a pas été informé par EDF de la prescription concernant l’installation systématique d’un dispositif de freinage". En d’autres termes, EDF n’a pas transmis à son fournisseur toutes les informations nécessaires. On aurait pu penser l’exploitant particulièrement vigilant sur ce point lors de sa commande au fournisseur, puisque c’est justement parce que les pièces n’étaient pas conformes qu’il fallait les remplacer. Mais il semble que l’exploitant nucléaire a simplement passé commande de nouvelles pièces identiques aux anciennes. Il semble aussi que personne n’a remarqué lors du remplacement des vannes en question qu’il n’y avait toujours pas de dispositif de frein. Et que le problème à l’origine du remplacement des pièces n’était donc toujours pas réglé.
Des consignes sur la conformité des pièces qui se perdent, un retour d’expérience qui n’est pas pris en compte, des contrôles techniques qui ne détectent pas les problèmes... Sept ans après, les réacteurs de Belleville, Cattenom, Flamanville, Golfech, Nogent, Paluel, Penly et Saint-Alban sont encore équipés de pièces non-conformes, sur les 2 voies de 2 circuits essentiels, alors même qu’elles ont été remplacées !
Selon l’exploitant, le desserrage des vis n’aurait pas de conséquence avant 3 jours de fonctionnement. Or ce n’est pas un problème, puisque ces pompes n’auraient pas à fonctionner plus de 10 heures en cas d’accident nucléaire. Mais contrairement au circuit d’injection de sécurité, le système de contrôle volumétrique et chimique du circuit primaire fonctionne en permanence, il n’est pas utilisé qu’en cas d’accident. EDF argue pourtant que la panne des pompes RCV n’aurait pas eu d’impact sur la sûreté du réacteur. Difficile à croire étant donné la fonction de refroidissement mise en jeu. L’Autorité de sûreté nucléaire est en train de se pencher sur les analyses d’EDF de l’exploitant.
Quoiqu’il en soit, malgré 7 années écoulées, malgré des surcoûts financiers, malgré des interventions de maintenance et des pièces remplacées dans 17 réacteurs, la situation n’est toujours pas réglée. "EDF prévoit la résorption de ces écarts dès que possible" nous dit l’Autorité de sûreté. Espérons que l’exploitant s’y prenne cette fois autrement. Car la dernière fois n’a pas été probante d’efficacité. Un manque de rigueur généralisé qui fait courir des risques aux populations et à l’environnement. Et qui démontre que l’exploitant, même en essayant, est loin d’arriver à tout contrôler dans ses installations nucléaires.
L.B.
Le 13 mars 2020
Déclaration d’un événement significatif sûreté générique de niveau 1 (échelle INES) lié à l’absence de freinage sur les vannes du circuit de graissage des pompes RIS-MP [3] & RCV [4] du palier 1300 [5].
En 2013, les équipes d’EDF ont constaté le desserrage de plusieurs vis équipant des vannes de régulation de la température du circuit de graissage des pompes RCV et RIS-MP des centrales de 1300 MWe. Cette situation était due à l’absence d’un dispositif de freinage permettant de maintenir le serrage des vis. Ce dispositif a alors été installé sur l’ensemble des vannes du circuit de graissage des pompes RCV et RIS-MP des centrales de 1300 MWe. Ces interventions ont toute été soldées en avril 2015.
De nouvelles vannes thermostatiques ont été installées après 2015 sur le circuit de graissage des réacteurs du palier 1300 dans le cadre des opérations de maintenance courantes. Or, le fournisseur de ces vannes de remplacement n’a pas été informé par EDF de la prescription concernant l’installation systématique d’un dispositif de freinage. Ainsi, ces nouvelles vannes ne disposent toujours pas de dispositif de freinage sur les réacteurs de Cattenom 3, Golfech 1-2, Nogent 1, Penly 1-2, Flamanville 1-2, Paluel 1-2-3-4 et Saint-Alban 1 pour les pompes RIS-MP, ainsi que les réacteurs de Belleville 2, Cattenom 1-2-3, Golfech 1-2, Nogent 1-2, Penly 1, Flamanville 1, Paluel 2-3 et Saint-Alban 1 pour les pompes RCV.
Les analyses des conséquences potentielles de ces défauts menées par EDF ont démontré l’absence de risque de perte de pompes RIS-MP en fonctionnement et l’absence d’impact sur la sûreté des installations en cas de défaillance des pompes RCV. Cette situation constitue toutefois un écart de conformité pour les pompes RIS-MP dont la qualification est requise sur le long terme. EDF engage dès à présent une campagne de contrôle et des traitements des écarts sur l’ensemble des réacteurs du palier 1300.
Cet événement a été déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire le 27 janvier 2020 comme événement significatif sûreté générique de niveau 1 sur l’échelle INES qui en comporte 7 pour l’ensemble du palier 1300.
Absence de dispositif de freinage sur des vis de fixation de pompes de réacteurs de 1300 MWe d’EDF
Publié le 18/03/2020
Anomalie générique
Centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire - Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Centrale nucléaire de Cattenom - Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Centrale nucléaire de Flamanville - Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Centrale nucléaire de Golfech - Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine - Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Centrale nucléaire de Penly - Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Centrale nucléaire de Paluel - Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Centrale nucléaire de Saint-Alban / Saint-Maurice - Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 27 janvier 2020, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté portant sur l’absence de dispositif de freinage sur certaines vis de liaison des vannes thermostatiques des pompes d’injection de sécurité à moyenne pression (RIS) et de contrôle chimique et volumétrique (RCV) de certains réacteurs nucléaires de 1300 MWe.
Cet événement concerne :
- le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Belleville ;
- les réacteurs 1, 2 et 3 de la centrale nucléaire de Cattenom ;
- les réacteurs 1 et 2 de la centrale nucléaire de Flamanville ;
- les réacteurs 1 et 2 de la centrale nucléaire de Golfech ;
- les réacteurs 1 et 2 de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine ;
- les réacteurs 1 et 2 de la centrale nucléaire de Penly ;
- les réacteurs 1 à 4 de la centrale nucléaire de Paluel ;
- le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Saint-Alban.
EDF avait constaté en 2013 des desserrages de vis sur ce type de vannes. Elle avait procédé à leur resserrage et avait installé des dispositifs de freinage. Ces événements avaient fait l’objet de déclarations d’événement significatif.
EDF a détecté récemment que, depuis cet événement, des vannes thermostatiques ont été remplacées sur les réacteurs de 1300 MWe dans le cadre d’opérations de maintenance, sans que ne soit installé à nouveau un dispositif de freinage des vis de fixation. Aucun desserrage de ces vis n’a cependant été constaté.
Le circuit d’injection de sécurité (RIS) permet, en cas d’accident causant une brèche importante au niveau du circuit primaire du réacteur, d’introduire de l’eau borée sous pression dans celui-ci afin d’étouffer la réaction nucléaire et d’assurer le refroidissement du cœur.
Le système de contrôle volumétrique et chimique (RCV) a notamment pour fonction de maintenir dans le circuit primaire la quantité d’eau nécessaire au refroidissement du cœur en fonctionnement normal ou en cas de très petite brèche.
Un fonctionnement prolongé de ces pompes, estimé par EDF à plus de trois jours, aurait pu desserrer ces vis et endommager les pompes concernées. EDF considère que l’enjeu pour la sûreté d’un dysfonctionnement de ces pompes au-delà de trois jours aurait été limité, compte tenu du fait que leur fonctionnement en situation accidentelle n’est requis que pour une durée qui ne dépasse pas dix heures. L’ASN instruit actuellement ces éléments techniques.
EDF prévoit la résorption de cet écart dès que possible et dans un délai conforme aux préconisations du guide n° 21 de l’ASN.
Cet évènement n’a pas eu de conséquence sur les personnes et l’environnement. Toutefois, compte tenu que cet événement affecte les deux voies des systèmes RIS et RCV et de sa répétition, cet événement est classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité) pour les réacteurs de 1300 MWe concernés.
L’ASN s’assure, dans le cadre de ses contrôles, de la bonne résorption de ces écarts.
[1] Système de contrôle Chimique et Volumétrique du circuit primaire principal (REP). Le système de contrôle volumétrique et chimique a notamment pour fonction de maintenir dans le circuit primaire la quantité d’eau nécessaire au refroidissement du cœur. Cette régulation du volume du circuit primaire se fait par l’intermédiaire d’un circuit d’injection (charge) et de vidange (décharge). Lorsque la ligne de décharge normale est inutilisable, le fluide primaire en excès peut être évacué par l’intermédiaire d’un autre circuit. Cet autre circuit est également utilisé dans certaines procédures de conduite en situation incidentelle. https://www.asn.fr/Lexique/R/RCV
[2] Le circuit d’injection de sécurité (RIS) permet, en cas d’accident causant une brèche importante au niveau du circuit primaire du réacteur, d’introduire de l’eau borée sous pression dans celui-ci. Le but de cette manœuvre est d’étouffer la réaction nucléaire et d’assurer le refroidissement du cœur. Le circuit d’aspersion de l’enceinte (EAS) pulvérise, en cas d’accident, de l’eau contenant de la soude dans l’enceinte du réacteur. Son objectif est de conserver l’intégrité de l’enceinte du réacteur, en diminuant la pression et la température à l’intérieur, et d’éliminer l’iode radioactif présent sous forme gazeuse. Dans un premier temps, ces deux systèmes de sauvegarde sont alimentés en eau par des réservoirs. Ils sont ensuite alimentés par des puisards qui récupèrent en bas de l’enceinte l’eau déjà injectée. Afin de permettre ce passage en recirculation, le niveau d’eau dans ces puisards doit être supérieur à un niveau minimal. Ce niveau, spécifié dans les règles générales d’exploitation du réacteur, permet en effet de s’assurer de la manœuvre de vannes participant à la réalimentation des systèmes d’injection de sécurité et d’aspersion de l’enceinte. https://www.asn.fr/Lexique/R/RIS
[3] RIS-MP : Circuit d’injection de sécurité moyenne pression du circuit primaire
[4] RCV : circuit de contrôle volumétrique
[5] 20 réacteurs de 1300 MWe à Flamanville, Paluel, Saint-Alban, Belleville, Cattenom, Golfech, Nogent-sur-Seine et Penly