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Sortir du nucléaire n°83



Automne 2019

S’ouvrir : International

États-Unis vs Iran : échec de la politique de non-prolifération

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°83 - Automne 2019

 Nucléaire militaire


Le monde connaît un regain de tension qui souligne une fois de plus que l’arme nucléaire n’est pas facteur de paix et de stabilité comme l’affirment les propagandistes de la dissuasion nucléaire, mais bien un élément constitutif de crise internationale. Décryptage.



Cela fait déjà de nombreuses années que le conflit opposant les États-Unis à l’Iran occupe régulièrement la scène médiatique, alternativement d’ailleurs avec la Corée du Nord. Même s’il s’agit pour une large part de gesticulation politico-médiatique, derrière il se déroule une véritable guerre par procuration pour asphyxier le régime iranien, à défaut de le renverser. C’est pourquoi, le risque d’un engrenage débouchant sur une “guerre totale“ au Moyen-Orient — aux conséquences catastrophiques pour les populations — ne peut être exclu.

Parmi les ingrédients alimentant le contentieux entre l’Iran et les États-Unis, la question nucléaire est bien sûr largement évoquée, mais uniquement sous l’angle de la volonté iranienne de devenir puissance nucléaire et du retrait unilatéral du président Trump de l’accord sur le nucléaire signé en 2015 avec l’Iran par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne.

Un élément beaucoup plus fondamental est systématiquement “oublié“ : la politique de deux poids deux mesures vis-à- vis du nucléaire au Moyen-Orient. Car Israël a introduit l’arme nucléaire dans la région non seulement sans subir de sanctions de la communauté internationale, mais avec l’aide de membres permanents du Conseil de sécurité (France et États- Unis) ainsi que de l’Allemagne. S’il y a échec de la politique de non-prolifération, c’est là qu’il se trouve. D’ailleurs, plutôt que d’un échec de la politique de non-prolifération, ne faudrait-il pas parler d’un déni de la réalité ?

En effet, le projet de création d’une zone dénucléarisée au Moyen-Orient a été inscrit à l’Assemblée générale de l’ONU pour la première fois en 1974 à la demande de... l’Iran ! Rejoint ensuite par l’Égypte et nombre d’États de la région et renouvelée chaque année lors de l’AG, mais aussi dans le cadre des conférences quinquennales d’examen du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Le consensus pour que le traité soit reconduit en 1995 pour une durée indéterminée n’a été obtenu que par la promesse d’ouverture d’une conférence sur un Moyen-Orient sans armes de destruction massive...

Conférence qui, vingt-quatre ans après, n’est toujours pas prête de se dérouler, du fait principalement de l’obstruction d’Israël comme des États-Unis.

Or, l’Iran — à la différence de la Corée du Nord en 2003 — ne s’est jusqu’à présent pas retirée du TNP, soulignant par là son choix d’acquérir les capacités pour maîtriser cette arme sans pour autant franchir la ligne rouge de la possession ; ce qui souligne toute les limites du TNP et surtout les incohérences de la politique des États-Unis et de ses alliés. Ce qui ouvre par contrecoup des pistes pour enclencher une désescalade des tensions. À condition que la volonté politique de s’attaquer aux véritables causes — le désarmement nucléaire pour tous — soit présente.

Patrice Bouveret
Observatoire des armements (www.obsarm.org)

© AdobeStock

Cela fait déjà de nombreuses années que le conflit opposant les États-Unis à l’Iran occupe régulièrement la scène médiatique, alternativement d’ailleurs avec la Corée du Nord. Même s’il s’agit pour une large part de gesticulation politico-médiatique, derrière il se déroule une véritable guerre par procuration pour asphyxier le régime iranien, à défaut de le renverser. C’est pourquoi, le risque d’un engrenage débouchant sur une “guerre totale“ au Moyen-Orient — aux conséquences catastrophiques pour les populations — ne peut être exclu.

Parmi les ingrédients alimentant le contentieux entre l’Iran et les États-Unis, la question nucléaire est bien sûr largement évoquée, mais uniquement sous l’angle de la volonté iranienne de devenir puissance nucléaire et du retrait unilatéral du président Trump de l’accord sur le nucléaire signé en 2015 avec l’Iran par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne.

Un élément beaucoup plus fondamental est systématiquement “oublié“ : la politique de deux poids deux mesures vis-à- vis du nucléaire au Moyen-Orient. Car Israël a introduit l’arme nucléaire dans la région non seulement sans subir de sanctions de la communauté internationale, mais avec l’aide de membres permanents du Conseil de sécurité (France et États- Unis) ainsi que de l’Allemagne. S’il y a échec de la politique de non-prolifération, c’est là qu’il se trouve. D’ailleurs, plutôt que d’un échec de la politique de non-prolifération, ne faudrait-il pas parler d’un déni de la réalité ?

En effet, le projet de création d’une zone dénucléarisée au Moyen-Orient a été inscrit à l’Assemblée générale de l’ONU pour la première fois en 1974 à la demande de... l’Iran ! Rejoint ensuite par l’Égypte et nombre d’États de la région et renouvelée chaque année lors de l’AG, mais aussi dans le cadre des conférences quinquennales d’examen du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Le consensus pour que le traité soit reconduit en 1995 pour une durée indéterminée n’a été obtenu que par la promesse d’ouverture d’une conférence sur un Moyen-Orient sans armes de destruction massive...

Conférence qui, vingt-quatre ans après, n’est toujours pas prête de se dérouler, du fait principalement de l’obstruction d’Israël comme des États-Unis.

Or, l’Iran — à la différence de la Corée du Nord en 2003 — ne s’est jusqu’à présent pas retirée du TNP, soulignant par là son choix d’acquérir les capacités pour maîtriser cette arme sans pour autant franchir la ligne rouge de la possession ; ce qui souligne toute les limites du TNP et surtout les incohérences de la politique des États-Unis et de ses alliés. Ce qui ouvre par contrecoup des pistes pour enclencher une désescalade des tensions. À condition que la volonté politique de s’attaquer aux véritables causes — le désarmement nucléaire pour tous — soit présente.

Patrice Bouveret
Observatoire des armements (www.obsarm.org)

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