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Sortir du nucléaire n°80



Hiver 2019

International

Désobéissance civile contre les énergies du passé

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°80 - Hiver 2019

 Luttes et actions


Ende Gelände est une coalition qui fait partie du mouvement climat en Europe. Nous organisons des actions de masse de désobéissance civile contre le charbon. Les actions sont calmes et déterminées ; c’est le nombre de participant.e.s qui rend nos actions si fortes. Comment cela se passe en pratique ?



Comment organise-t-on une action de désobéissance de masse ?

Notre ambition en tant qu’organisation est de servir de porte d’entrée à la désobéissance. L’ambition de toucher un grand public structure le mouvement.

Premièrement, l’action est publiquement annoncée Cela rend difficile des actions surprises, et demande une flexibilité dans l’organisation du jour J. Selon les actions de la police, différents scénarios se réaliseront.

Deuxièmement, pour permettre au plus grand nombre de participer à nos actions, il faut que tout le monde sache à quoi elle/il s’engage. Il est nécessaire de créer un climat de confiance. L’acte de désobéissance civile est une transgression assumée et maîtrisée. Elle est souvent suivie d’une réaction policière à laquelle il faut se préparer, notamment pour éviter que la situation ne dégénère. Pour cela il faut avoir des règles d’action bien définies. Le consensus d’action très clair, fixé en avance, assure que chacun.e peut avoir confiance dans ce que les autres font. Dans une action de masse, on dépend en effet des actions des autres. Mieux on est préparé aux différentes éventualités, mieux on réagira, et moins il y a de risque d’être dépassé par l’action.

Troisièmement, Ende Gelände est une coalition . Bien qu’il y ait beaucoup de participant.es qui viennent à l’action sans avoir fréquenté un groupe auparavant, de nombreux groupes participent également à l’organisation. Faire fonctionner une telle coalition nécessite un fonctionnement démocratique qui permet à tou.tes de participer aux décisions : le consensus. C’est un principe exigeant, mais qui permet à la voix de chacun.e de compter.

On utilise des systèmes de groupes de travail autonomes avant l’action et de délégué.es pendant l’action. On essaie de dépasser les structures de domination qui perdurent dans nos sociétés. Sexisme, racisme, ou l’effet de classes sociales touchent également les cercles militants et inhibent l’expression et la participation égalitaire de tou.tes. Cela passe notamment par une bonne modération et des listes de prise de parole paritaires ou des réunions spécifiques non-blanches  [1] peuvent aider.

Comment peut-on justifier d’enfreindre la loi ?

C’est une question de légitimité. Il y a un grand sentiment d’injustice dans le domaine des politiques environnementales, en France comme en Allemagne. Quand on voit le rôle des lobbies dans le processus politique, on comprend pourquoi les décisions gouvernementales traduisent si mal l’opinion publique. Le court mandat de Nicolas Hulot a bien mis en évidence le poids du lobby du nucléaire.

En Allemagne, le lobby du charbon est très puissant, et RWE par exemple, l’exploitant de la mine de Hambach, finance la politique allemande à tous les niveaux. Nos actions expriment avec force une position que beaucoup de personnes partagent.

Mais vos blocages ont-ils vraiment un impact sur l’utilisation du charbon ?

Nous sommes lucides sur le fait que ce n’est pas par le rapport de force physique que nous parviendrons à notre but. Nous cherchons à bloquer l’infrastructure du charbon avec nos seuls corps. C’est un acte symbolique très fort. Le chiffre de participant.es à nos actions peut paraître petit comparé à des grandes manifestations. C’est la détermination et la conviction qui défient les politiques à se positionner.

Ne faudrait-il pas arrêter avec les énergies fossiles  ? Pour cela, il faut que le message soit relayé, que la presse soit présente, que l’information circule dans les réseaux sociaux. Lorsque la presse assiste aux actions, elle les comprend mieux et l’impact médiatique n’en est que plus fort. Par ailleurs, en présence de journalistes, la police rechigne toujours davantage à faire usage de violence. Nous invitons également toujours les parlementaires à nous accompagner en tant qu’observatrices et observateurs. Bien sûr, cela implique de former parlementaires et journalistes en amont, lors de sessions spécialement prévues à cet effet avant les actions de masse.

Quelle est l’implication des antinucléaires dans le mouvement Ende Gelände ?

Depuis le début, les antinucléaires font partie du mouvement Ende Gelände. Le nucléaire ne sauvera pas le climat et le charbon n’évitera pas le nucléaire. Contrairement à un mythe très répandu en France, l’Allemagne n’utilise pas le charbon pour combler l’arrêt du nucléaire. Au contraire, il y a une grande surcapacité – les renouvelables se développent bien plus vite que prévu. Le 100% renouvelable est techniquement faisable, c’est une question de volonté politique. L’Allemagne exporte 10% de sa production à l’étranger, et le gouvernement réduit régulièrement ses subventions aux renouvelables. Le problème est que le charbon ne paie pas la pollution qu’il génère.

Est-ce que cela peut fonctionner également en France pour la question du nucléaire ?

Certain.es disent que les conditions en France sont différentes : la police serait plus violente et les manifestants plus réticents à suivre un consensus d’action. Au contraire, le fait que la répression puisse être plus brutale rend notre préparation nécessaire, et la protection de tous au sein de groupes affinitaires encore plus utile.

Ende Gelände


Notes

[1Par “réunions spécifiques non-blanches“, Ende Gelände souhaite indiquer que des réunions pour des personnes non-blanches sont organisées. C’est un outil développé par le mouvement pour essayer de dépasser le fait que ce dernier est majoritairement composé de personnes blanches.

Comment organise-t-on une action de désobéissance de masse ?

Notre ambition en tant qu’organisation est de servir de porte d’entrée à la désobéissance. L’ambition de toucher un grand public structure le mouvement.

Premièrement, l’action est publiquement annoncée Cela rend difficile des actions surprises, et demande une flexibilité dans l’organisation du jour J. Selon les actions de la police, différents scénarios se réaliseront.

Deuxièmement, pour permettre au plus grand nombre de participer à nos actions, il faut que tout le monde sache à quoi elle/il s’engage. Il est nécessaire de créer un climat de confiance. L’acte de désobéissance civile est une transgression assumée et maîtrisée. Elle est souvent suivie d’une réaction policière à laquelle il faut se préparer, notamment pour éviter que la situation ne dégénère. Pour cela il faut avoir des règles d’action bien définies. Le consensus d’action très clair, fixé en avance, assure que chacun.e peut avoir confiance dans ce que les autres font. Dans une action de masse, on dépend en effet des actions des autres. Mieux on est préparé aux différentes éventualités, mieux on réagira, et moins il y a de risque d’être dépassé par l’action.

Troisièmement, Ende Gelände est une coalition . Bien qu’il y ait beaucoup de participant.es qui viennent à l’action sans avoir fréquenté un groupe auparavant, de nombreux groupes participent également à l’organisation. Faire fonctionner une telle coalition nécessite un fonctionnement démocratique qui permet à tou.tes de participer aux décisions : le consensus. C’est un principe exigeant, mais qui permet à la voix de chacun.e de compter.

On utilise des systèmes de groupes de travail autonomes avant l’action et de délégué.es pendant l’action. On essaie de dépasser les structures de domination qui perdurent dans nos sociétés. Sexisme, racisme, ou l’effet de classes sociales touchent également les cercles militants et inhibent l’expression et la participation égalitaire de tou.tes. Cela passe notamment par une bonne modération et des listes de prise de parole paritaires ou des réunions spécifiques non-blanches  [1] peuvent aider.

Comment peut-on justifier d’enfreindre la loi ?

C’est une question de légitimité. Il y a un grand sentiment d’injustice dans le domaine des politiques environnementales, en France comme en Allemagne. Quand on voit le rôle des lobbies dans le processus politique, on comprend pourquoi les décisions gouvernementales traduisent si mal l’opinion publique. Le court mandat de Nicolas Hulot a bien mis en évidence le poids du lobby du nucléaire.

En Allemagne, le lobby du charbon est très puissant, et RWE par exemple, l’exploitant de la mine de Hambach, finance la politique allemande à tous les niveaux. Nos actions expriment avec force une position que beaucoup de personnes partagent.

Mais vos blocages ont-ils vraiment un impact sur l’utilisation du charbon ?

Nous sommes lucides sur le fait que ce n’est pas par le rapport de force physique que nous parviendrons à notre but. Nous cherchons à bloquer l’infrastructure du charbon avec nos seuls corps. C’est un acte symbolique très fort. Le chiffre de participant.es à nos actions peut paraître petit comparé à des grandes manifestations. C’est la détermination et la conviction qui défient les politiques à se positionner.

Ne faudrait-il pas arrêter avec les énergies fossiles  ? Pour cela, il faut que le message soit relayé, que la presse soit présente, que l’information circule dans les réseaux sociaux. Lorsque la presse assiste aux actions, elle les comprend mieux et l’impact médiatique n’en est que plus fort. Par ailleurs, en présence de journalistes, la police rechigne toujours davantage à faire usage de violence. Nous invitons également toujours les parlementaires à nous accompagner en tant qu’observatrices et observateurs. Bien sûr, cela implique de former parlementaires et journalistes en amont, lors de sessions spécialement prévues à cet effet avant les actions de masse.

Quelle est l’implication des antinucléaires dans le mouvement Ende Gelände ?

Depuis le début, les antinucléaires font partie du mouvement Ende Gelände. Le nucléaire ne sauvera pas le climat et le charbon n’évitera pas le nucléaire. Contrairement à un mythe très répandu en France, l’Allemagne n’utilise pas le charbon pour combler l’arrêt du nucléaire. Au contraire, il y a une grande surcapacité – les renouvelables se développent bien plus vite que prévu. Le 100% renouvelable est techniquement faisable, c’est une question de volonté politique. L’Allemagne exporte 10% de sa production à l’étranger, et le gouvernement réduit régulièrement ses subventions aux renouvelables. Le problème est que le charbon ne paie pas la pollution qu’il génère.

Est-ce que cela peut fonctionner également en France pour la question du nucléaire ?

Certain.es disent que les conditions en France sont différentes : la police serait plus violente et les manifestants plus réticents à suivre un consensus d’action. Au contraire, le fait que la répression puisse être plus brutale rend notre préparation nécessaire, et la protection de tous au sein de groupes affinitaires encore plus utile.

Ende Gelände



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