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L’Europe et le nucléaire ?

Décryptons les programmes des listes françaises aux élections Européennes sur la question du nucléaire

Article publié le 26 mai 2019



34 listes se présentent pour les élections européennes en France, un record, mais quel est le rapport de ces différents partis politiques vis à vis de l’énergie nucléaire ? Si le Parlement européen n’est pas l’épicentre des décisions énergétiques du Vieux Continent il a tout de même un rôle à jouer dans la transition énergétique et nous l’espérons vers une sortie du nucléaire. Avec assez peu de matière incluse à ce sujet dans les programmes mais en analysant l’historique des partis, nous avons tenté de faire le point sur les mentions de la thématique nucléaire dans les programmes des listes candidates :



Des programmes des 34 listes candidates aux élections européennes qui vont se tenir le dimanche 26 mai, seuls 10 d’entre eux mentionnent explicitement le nucléaire. Cela signifie que les 24 restants n’y font aucune allusion, bien qu’il soit parfois possible d’identifier l’orientation qui se cache derrière le silence, comme nous allons le voir. Peut-être cela est dû au fait que le nucléaire est souvent considéré comme devant relever exclusivement de la souveraineté nationale, et n’aurait donc rien à faire dans des élections européennes. Peut-être est-ce un sujet considéré comme trop clivant. Ou peut-être encore les différentes formations ayant constitué des listes n’ont elles-mêmes pas de ligne définie en la matière.

Quoiqu’il en soit, un tel silence autour du nucléaire, qu’il soit civil mais aussi et surtout militaire, grand absent de ces élections à quelques exceptions près, ne devrait pas nous faire oublier que la moitié des pays faisant partie de l’Union Européenne (UE) produisent de l’électricité via l’énergie nucléaire, laquelle représente environ un quart de l’électricité produite de l’UE.

Les listes pour la sortie du nucléaire :

Les listes prenant un tant soit peu la question écologique au sérieux, c’est à dire qui ne tentent pas uniquement de capitaliser sur le mouvement actuel pour le climat, affichent une position claire vis-à-vis du nucléaire. Et c’est bien pour s’y opposer, et prôner sans ambiguïté la sortie du nucléaire. On retrouve ici, on ne s’en étonnera toujours pas, les principales listes de gauche. Sur la question énergétique, en effet, la France Insoumise (LFI), Europe Écologie Les Verts (EELV) et Génération-s ont des positions proches.

La « Liste citoyenne du printemps européen avec Benoît Hamon soutenue par Génération·s et Dème-Diem 25 » s’engage ainsi dans son programme « pour une Europe zéro carbone en 2050 libérée des énergies fossiles et nucléaires ». La transition énergétique qui se dessine ici serait financée à l’aide d’un véritable « Green New Deal », c’est à dire des investissements de 500 milliards d’euros par an dégagés par les banques centrales, et qui s’orienteraient vers «  les économies d’énergie, le logement et la rénovation thermique, les énergies renouvelables […] », de manière à ce que la dépendance au carbone et au nucléaire ne soit plus qu’un mauvais souvenir.

Même son de cloche chez EELV, dans la mesure où la liste que la formation conduit, « Europe Écologie », se propose également de « sortir définitivement du nucléaire et du charbon entre 2030 et 2050 ». Le financement qu’un tel objectif implique serait effectué par une « banque européenne du climat et de la biodiversité » créée dans ce but, laquelle investirait « 100 milliards d’euros par an pour la sobriété, l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et la mobilité durable ». À noter que dans son « socle programmatique », antérieur au programme à proprement parler, le parti se positionnait sur la question pourtant largement mise de côté du nucléaire militaire, en se montrant favorable à « une nouvelle initiative européenne pour le désarmement nucléaire multilatéral, le soutien au Traité d’interdiction des armes nucléaires, le retrait des armes nucléaires américaines sur le sol européen et l’établissement de zones libres d’armes nucléaires ».

La liste « La France Insoumise » s’inscrit dans la même démarche antinucléaire lorsqu’elle prône, à son tour, « un plan européen de sortie concertée du charbon et du nucléaire dans l’UE pour aller vers 100% d’énergies renouvelables en 2050 ». Et si le programme insoumis est moins loquace que celui de ses concurrents sur la question du financement d’un tel projet, il ne se limite pas à revendiquer la fin du nucléaire puisqu’il propose également d’ «  établir un moratoire européen sur l’ouverture de toute nouvelle centrale ». C’est en outre la seule liste qui envisage de dissoudre Euratom, la Communauté européenne de l’énergie atomique étant accusée ici, à juste titre, de promouvoir « le nucléaire aux frais des contribuables européens, y compris des pays non-nucléaires ». Néanmoins, il convient de préciser que la liste entend « conserver la maitrise nationale de l’arme nucléaire », même si l’objectif poursuivi n’est pas de « l’étendre à l’ensemble du territoire européen ».

Du côté des antinucléaires, toujours, on trouve également la liste « Urgence écologie », très largement axée sur la question du climat. Elle ne tombe pourtant pas dans le piège du nucléaire présenté comme moyen de lutter contre le réchauffement climatique, dans le sens où elle prône bel et bien une « sortie progressive du nucléaire ». La spécificité de cette liste réside dans le fait qu’elle insiste bien plus sur « la décroissance de la consommation d’énergie », comme corollaire de la sortie du nucléaire, que sur les investissements massifs dans les énergies renouvelables, évoqués à plusieurs reprises dans les programmes des autres listes antinucléaires. Elle se prononce en outre contre tout nouveau réacteur en Europe, et pour l’ « application immédiate des normes post-Fukushima et [le] renforcement des stress-tests sur le parc existant » (normes censées renforcer la sécurité et adoptées suite à la catastrophe, notamment dans le but de garantir l’alimentation en électricité de la centrale et le refroidissement du réacteur en toute circonstance).

Enfin on ne serait pas exhaustif si l’on oubliait les listes « Décroissance 2019 » et « Parti des citoyens européens », qui prônent toutes deux une sortie du nucléaire, bien qu’elles ne s’épanchent pas sur les modalités concrètes d’une telle sortie.

Les listes ouvertement pronucléaires :

Du côté des listes pro-nucléaires, on ne s’en étonnera pas, on retrouve les principaux partis de droite et d’extrême droite, ainsi que le Parti Communiste Français (PCF) et Lutte Ouvrière (LO). Et bien que les listes qui suivent ont en commun de ne pas remettre en question le nucléaire, le degré d’appui à cette énergie diffère.

Les partis qui profitent de ces élections européennes pour réaffirmer explicitement leur soutien à l’énergie nucléaire sont finalement peu nombreux, puisque seuls Debout la France (DLF), le PCF, l’Union des Démocrates et Indépendants (UDI), ainsi que la liste « Évolution citoyenne », l’une des 3 listes issues du mouvement des Gilets Jaunes, mentionnent clairement le nucléaire dans leurs programmes respectifs.

La liste DLF, appelée « Le courage de défendre les Français avec Nicolas Dupont-Aignan », se propose ainsi d’ « inventer les énergies du futur comme […] le nucléaire sans déchet (filière Thorium) ». Ceci illustre bien la foi inébranlable qu’ont ses candidat.e.s dans les promesses d’un soi-disant nucléaire du futur, lequel serait magiquement débarrassé des principaux dangers qu’il fait peser sur la population, au premier rang desquels les déchets que l’industrie produit. Ceux-ci posent en effet de nombreux problèmes, que ce soit au niveau de leur entreposage, de leur stockage ou encore de leurs transports.

Au PCF (« Pour l’Europe des gens contrer l’Europe de l’argent »), on entend diminuer la part des « énergies carbonées » dans le mix énergétique en «  associant [le] développement des énergies renouvelables avec la maîtrise publique, sociale et démocratique d’une filière nucléaire sécurisée et renouvelée ». Si l’aspect transition énergétique est intéressant, et qu’on voit poindre une critique du caractère centralisé et vertical de l’industrie nucléaire, il n’en demeure pas moins que Ian Brossat et ses comparses donnent du crédit au mythe d’un nucléaire sûr et sans cesse perfectible. On précisera cependant que cette liste est l’une des seules à s’exprimer sur le nucléaire militaire, en prônant notamment une ratification par l’ensemble des pays de l’UE du traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) de 2017.

De leur côté, si « Les Européens » (la liste menée par l’UDI) évoquent la nécessité de recourir aux centrales nucléaires, c’est dans l’optique d’orienter la production d’électricité qui en découle vers la production d’hydrogène. L’hydrogène ainsi produit, sur lequel le programme revient plusieurs fois, permettrait alors d’alimenter des transports moins polluants (maritimes et aériens notamment). Toujours est-il que le nucléaire en soi n’est absolument pas remis en question.

Enfin, le programme de la liste « Évolution citoyenne », réaffirme la supposée nécessité de la fission de l’atome, tout en reconnaissant en creux sa dangerosité. Ses candidat.e.s souhaitent ainsi « confirmer le nucléaire », qu’ils et elles considèrent comme un « compromis pragmatique entre l’exigence de productivité et celle de sécurité dans l’état actuel des choses », tout en « attendant (sic) le développement de sources d’énergie moins risquées et tout aussi productives ».

Voilà pour les quelques listes qui manifestent dans leurs programmes un intérêt pour le maintien du nucléaire. Il ne faudrait pas pour autant minimiser l’incapacité de certaines formations politiques à dévier de leur ligne sur la question qui, même si elles sont silencieuses dans leurs programmes sur la question du nucléaire, y demeurent pourtant fermement attachées.

C’est particulièrement le cas du Rassemblement National (RN).

Le programme de « Prenez le pouvoir, liste soutenue par Marine Le Pen » ne laisse pas entrevoir la moindre prise de position ou mesure sur le sujet. Or, pour démontrer l’attachement du parti à l’atome, pas besoin de se référer à l’élection présidentielle de 2017, au cours de laquelle Marine Le Pen n’a eu de cesse de vanter les mérites d’une énergie qui garantit prétendument l’indépendance énergétique de la France, poncif pro-nucléaire s’il en est (on rappellera à toutes fins utiles que la dernière mine d’uranium française a fermé en 2001 et que, depuis, l’uranium est exclusivement importé, surtout depuis le Niger et le Kazakhstan, pays qui, jusqu’à preuve du contraire, ne sont pas la France). En effet, les propos tenus par Hervé Juvin, numéro 5 sur la liste, lors de la réunion publique du 16 mai à Fessenheim ne laissent pas l’ombre d’un doute en la matière : en plus de déclarer sa flamme aux « cathédrales industrielles françaises que représente le nucléaire » (sic), il ose un « le nucléaire c’est ce qui va nous permettre et nous permet, d’être les meilleurs, nous Français de la bonne classe européenne, en matière de limitation du CO2 et de respect des Accords de Paris ». Ah bon ?

Étant donné un tel attachement frontiste au nucléaire, le silence de la liste « Ensemble patriotes et gilets jaunes : pour la France, sortons de l’Union européenne ! » ne nous laisse pas imaginer une seule seconde la moindre ambivalence sur la question. On rappellera ici que Florian Philippot, le tête de liste, a fondé son parti Les Patriotes suite à sa défection de l’alors Front National, après 7 ans de bons et loyaux services. Il a également réaffirmé son soutien à la dissuasion nucléaire dans le cadre d’un questionnaire envoyé par le magazine Marianne aux principales têtes de liste, véritable « composante vitale de notre capacité à nous défendre » selon lui.

De la même manière, les listes présentées par La République en Marche (LREM, associée au MoDem notamment) et Les Républicains (LR, avec Les Centristes), respectivement « Renaissance » et « Union de la droite et du centre », ne trompent personne. Pour les premiers, difficile d’oublier le fait que le gouvernement a repoussé de 10 ans l’objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire dans la production d’électricité française, laquelle avait été décidée dans le cadre de la loi de transition énergétique de 2015, et qui fixait initialement l’échéance à 2025. On pourra également se référer au programme de Macron lors de l’élection présidentielle, dans lequel il assume parfaitement ses ambitions nucléaristes. On ne se fait donc pas d’illusion sur la « transition écologique et solidaire » martelée dans le programme des européennes, qui prévoit, entre autres, des investissements massifs dans les « énergies et les transports propres », et la rénovation des logements, pour atteindre la fameuse « neutralité carbone » d’ici 2050. Une transition ainsi conçue par LREM ne menacera certainement pas le nucléaire, mais a le mérite de bien illustrer le décalage systématique entre un discours macroniste verdi ad nauseam et une réalité bien moins flatteuse :

Pour ce qui est des second.e.s (Les Républicains et Les Centristes), si aucune mention du nucléaire n’est faite dans le programme, on peut y lire que la liste vise aussi à « Lutter contre le dérèglement climatique et réduire notre dépendance énergétique, en visant le « 0 carbone » à horizon 2050 et en favorisant un mix énergétique adapté aux réalités des territoires ». Et connaissant la maison, l’énergie nucléaire est assurément adaptée. Déjà parce que les énergies renouvelables ne sont, elles non plus, jamais mentionnées dans le programme. Ensuite et surtout parce qu’entre Les Républicains et le nucléaire, la relation semble être au beau fixe. Pas plus tard qu’il y a 2 mois, Laurent Wauquiez, l’actuel président de LR et du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, s’est par exemple prononcé en faveur de la construction d’un nouvel EPR (réacteur dit de 3ème génération, plus gros, plus puissant et plus complexe que ceux actuellement en activité, qui connait actuellement de nombreuses difficultés sur le site de Flamanville) sur le site du Tricastin. Il s’était également rendu à Fessenheim en début d’année pour dénoncer, avec son parti, la fermeture de la centrale.

Enfin, le tableau ne serait pas complet si l’on n’abordait pas ici le cas de LO et de sa liste « Contre le grand capital, le camp des travailleurs », qui refuse dans son programme de se prononcer sur le nucléaire ou même sur l’énergie en général, empêtrées que sont ces questions dans les catégories capitalistes. Un rapide coup d’œil sur le site internet du parti nous permet cependant d’éclaircir leur position : « Le principal danger du nucléaire ne réside pas dans la technique elle-même mais, comme Fukushima l’a montré, dans l’irresponsabilité des entreprises qui la mette en œuvre ». Et si la dénonciation des politiques de réduction des coûts est juste, il n’en demeure pas moins que ce n’est pas le nucléaire en lui-même qui, une fois de plus, est ici visé.

Les listes silencieuses :

La majorité des listes pour ces élections ne se prononce tout simplement pas sur la question de l’atome. Un tel silence peut être lié à plusieurs facteurs. Alors que certaines d’entre elles sont dotées de peu de moyens et ont des programmes très courts, voire inexistants, d’autres font le choix de se focaliser sur un seul enjeu, d’autres encore préfèrent laisser au peuple la capacité de trancher directement des questions aussi polémiques. Il ne faut pas sous-estimer non plus l’hypothèse selon laquelle le nucléaire n’est pas toujours considéré comme un enjeu à proprement parler, tant il semble ancré dans l’imaginaire collectif français, ce qui amène certaines listes à tout simplement faire le choix de ne pas s’en préoccuper.

Le cas de la liste « Envie d’Europe écologique et sociale » est à cet égard significatif. Celle-ci, portée par le Parti Socialiste (PS) et Place Publique (PP), ne fait en effet jamais allusion à l’énergie nucléaire dans son programme, ce qui peut paraître étonnant pour qui se souvient de la ligne clairement antinucléaire incarnée par le candidat du PS aux dernières élections présidentielles, un certain Benoit Hamon, aujourd’hui tête de liste de son parti Génération-s, que nous avons déjà évoqué. Si le PS est historiquement porteur d’un projet de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique, il est possible que l’échec cuisant qu’il a subi lors de cette élection l’ait amené à revoir sa copie. C’est en tout cas ce que nous laisse penser le fait que toute référence à la sortie du nucléaire ait été supprimé du programme pour les législatives qui se sont tenues un mois seulement après la présidentielle. Toujours est-il que, bien que la liste ait un plan de transition énergétique comparable à ceux des autres partis de gauche (il prône par exemple « la création d’une Banque européenne pour le climat et la biodiversité qui financera la transition écologique » à hauteur de 400 milliards d’euros par an), son programme demeure silencieux sur notre enjeu.

L’Union Populaire Républicaine (UPR), quant à elle, et sa liste « Ensemble pour le Frexit », ne mentionne jamais le nucléaire non plus, ce qui n’est pas surprenant sachant que lors de la présidentielle déjà, François Asselineau avait montré son ambition de faire trancher la question de l’énergie, et en particulier du nucléaire, par référendum. L’UPR n’a donc pas de position prédéfinie en la matière.

Pour ce qui est des listes qui ne se préoccupent que d’un enjeu, telle que le « Parti animaliste » ou le « Mouvement pour l’initiative citoyenne », autre liste de Gilets Jaunes qui fait uniquement la promotion d’un Référendum d’Initiative Citoyenne français et européen, il est aisé de comprendre pourquoi le nucléaire n’est pas abordé.

Quant aux 15 listes restantes, on laissera la libre interprétation à chacun.e, même s’il convient de préciser que certaines d’entre elles affichent des ambitions écologistes et souhaitent la mise en place d’une transition énergétique, sans forcément rentrer dans les détails. C’est notamment le cas de « Alliance jaune, la révolte par le vote » (la troisième et dernière liste Gilets jaunes), « Parti pirate », « Allons enfants », « Pour une Europe qui protège les citoyens », « Démocratie représentative », « Neutre et actif », ainsi que « Union pour une Europe au service des peuples ».

Pour en savoir plus sur les listes :

 Pour compléter ce panorama nous vous invitons à consulter les réponses aux questionnaires que la CRIIRAD a envoyé à toutes les listes (notamment à propos du traité EURATOM), seules 6 y ont répondu (la plupart s’opposent au développement du nucléaire)

 Le Réseau Action Climat a également passé au crible les programmes des principaux partis politiques par rapport eux enjeux écologiques européens

Des programmes des 34 listes candidates aux élections européennes qui vont se tenir le dimanche 26 mai, seuls 10 d’entre eux mentionnent explicitement le nucléaire. Cela signifie que les 24 restants n’y font aucune allusion, bien qu’il soit parfois possible d’identifier l’orientation qui se cache derrière le silence, comme nous allons le voir. Peut-être cela est dû au fait que le nucléaire est souvent considéré comme devant relever exclusivement de la souveraineté nationale, et n’aurait donc rien à faire dans des élections européennes. Peut-être est-ce un sujet considéré comme trop clivant. Ou peut-être encore les différentes formations ayant constitué des listes n’ont elles-mêmes pas de ligne définie en la matière.

Quoiqu’il en soit, un tel silence autour du nucléaire, qu’il soit civil mais aussi et surtout militaire, grand absent de ces élections à quelques exceptions près, ne devrait pas nous faire oublier que la moitié des pays faisant partie de l’Union Européenne (UE) produisent de l’électricité via l’énergie nucléaire, laquelle représente environ un quart de l’électricité produite de l’UE.

Les listes pour la sortie du nucléaire :

Les listes prenant un tant soit peu la question écologique au sérieux, c’est à dire qui ne tentent pas uniquement de capitaliser sur le mouvement actuel pour le climat, affichent une position claire vis-à-vis du nucléaire. Et c’est bien pour s’y opposer, et prôner sans ambiguïté la sortie du nucléaire. On retrouve ici, on ne s’en étonnera toujours pas, les principales listes de gauche. Sur la question énergétique, en effet, la France Insoumise (LFI), Europe Écologie Les Verts (EELV) et Génération-s ont des positions proches.

La « Liste citoyenne du printemps européen avec Benoît Hamon soutenue par Génération·s et Dème-Diem 25 » s’engage ainsi dans son programme « pour une Europe zéro carbone en 2050 libérée des énergies fossiles et nucléaires ». La transition énergétique qui se dessine ici serait financée à l’aide d’un véritable « Green New Deal », c’est à dire des investissements de 500 milliards d’euros par an dégagés par les banques centrales, et qui s’orienteraient vers «  les économies d’énergie, le logement et la rénovation thermique, les énergies renouvelables […] », de manière à ce que la dépendance au carbone et au nucléaire ne soit plus qu’un mauvais souvenir.

Même son de cloche chez EELV, dans la mesure où la liste que la formation conduit, « Europe Écologie », se propose également de « sortir définitivement du nucléaire et du charbon entre 2030 et 2050 ». Le financement qu’un tel objectif implique serait effectué par une « banque européenne du climat et de la biodiversité » créée dans ce but, laquelle investirait « 100 milliards d’euros par an pour la sobriété, l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et la mobilité durable ». À noter que dans son « socle programmatique », antérieur au programme à proprement parler, le parti se positionnait sur la question pourtant largement mise de côté du nucléaire militaire, en se montrant favorable à « une nouvelle initiative européenne pour le désarmement nucléaire multilatéral, le soutien au Traité d’interdiction des armes nucléaires, le retrait des armes nucléaires américaines sur le sol européen et l’établissement de zones libres d’armes nucléaires ».

La liste « La France Insoumise » s’inscrit dans la même démarche antinucléaire lorsqu’elle prône, à son tour, « un plan européen de sortie concertée du charbon et du nucléaire dans l’UE pour aller vers 100% d’énergies renouvelables en 2050 ». Et si le programme insoumis est moins loquace que celui de ses concurrents sur la question du financement d’un tel projet, il ne se limite pas à revendiquer la fin du nucléaire puisqu’il propose également d’ «  établir un moratoire européen sur l’ouverture de toute nouvelle centrale ». C’est en outre la seule liste qui envisage de dissoudre Euratom, la Communauté européenne de l’énergie atomique étant accusée ici, à juste titre, de promouvoir « le nucléaire aux frais des contribuables européens, y compris des pays non-nucléaires ». Néanmoins, il convient de préciser que la liste entend « conserver la maitrise nationale de l’arme nucléaire », même si l’objectif poursuivi n’est pas de « l’étendre à l’ensemble du territoire européen ».

Du côté des antinucléaires, toujours, on trouve également la liste « Urgence écologie », très largement axée sur la question du climat. Elle ne tombe pourtant pas dans le piège du nucléaire présenté comme moyen de lutter contre le réchauffement climatique, dans le sens où elle prône bel et bien une « sortie progressive du nucléaire ». La spécificité de cette liste réside dans le fait qu’elle insiste bien plus sur « la décroissance de la consommation d’énergie », comme corollaire de la sortie du nucléaire, que sur les investissements massifs dans les énergies renouvelables, évoqués à plusieurs reprises dans les programmes des autres listes antinucléaires. Elle se prononce en outre contre tout nouveau réacteur en Europe, et pour l’ « application immédiate des normes post-Fukushima et [le] renforcement des stress-tests sur le parc existant » (normes censées renforcer la sécurité et adoptées suite à la catastrophe, notamment dans le but de garantir l’alimentation en électricité de la centrale et le refroidissement du réacteur en toute circonstance).

Enfin on ne serait pas exhaustif si l’on oubliait les listes « Décroissance 2019 » et « Parti des citoyens européens », qui prônent toutes deux une sortie du nucléaire, bien qu’elles ne s’épanchent pas sur les modalités concrètes d’une telle sortie.

Les listes ouvertement pronucléaires :

Du côté des listes pro-nucléaires, on ne s’en étonnera pas, on retrouve les principaux partis de droite et d’extrême droite, ainsi que le Parti Communiste Français (PCF) et Lutte Ouvrière (LO). Et bien que les listes qui suivent ont en commun de ne pas remettre en question le nucléaire, le degré d’appui à cette énergie diffère.

Les partis qui profitent de ces élections européennes pour réaffirmer explicitement leur soutien à l’énergie nucléaire sont finalement peu nombreux, puisque seuls Debout la France (DLF), le PCF, l’Union des Démocrates et Indépendants (UDI), ainsi que la liste « Évolution citoyenne », l’une des 3 listes issues du mouvement des Gilets Jaunes, mentionnent clairement le nucléaire dans leurs programmes respectifs.

La liste DLF, appelée « Le courage de défendre les Français avec Nicolas Dupont-Aignan », se propose ainsi d’ « inventer les énergies du futur comme […] le nucléaire sans déchet (filière Thorium) ». Ceci illustre bien la foi inébranlable qu’ont ses candidat.e.s dans les promesses d’un soi-disant nucléaire du futur, lequel serait magiquement débarrassé des principaux dangers qu’il fait peser sur la population, au premier rang desquels les déchets que l’industrie produit. Ceux-ci posent en effet de nombreux problèmes, que ce soit au niveau de leur entreposage, de leur stockage ou encore de leurs transports.

Au PCF (« Pour l’Europe des gens contrer l’Europe de l’argent »), on entend diminuer la part des « énergies carbonées » dans le mix énergétique en «  associant [le] développement des énergies renouvelables avec la maîtrise publique, sociale et démocratique d’une filière nucléaire sécurisée et renouvelée ». Si l’aspect transition énergétique est intéressant, et qu’on voit poindre une critique du caractère centralisé et vertical de l’industrie nucléaire, il n’en demeure pas moins que Ian Brossat et ses comparses donnent du crédit au mythe d’un nucléaire sûr et sans cesse perfectible. On précisera cependant que cette liste est l’une des seules à s’exprimer sur le nucléaire militaire, en prônant notamment une ratification par l’ensemble des pays de l’UE du traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) de 2017.

De leur côté, si « Les Européens » (la liste menée par l’UDI) évoquent la nécessité de recourir aux centrales nucléaires, c’est dans l’optique d’orienter la production d’électricité qui en découle vers la production d’hydrogène. L’hydrogène ainsi produit, sur lequel le programme revient plusieurs fois, permettrait alors d’alimenter des transports moins polluants (maritimes et aériens notamment). Toujours est-il que le nucléaire en soi n’est absolument pas remis en question.

Enfin, le programme de la liste « Évolution citoyenne », réaffirme la supposée nécessité de la fission de l’atome, tout en reconnaissant en creux sa dangerosité. Ses candidat.e.s souhaitent ainsi « confirmer le nucléaire », qu’ils et elles considèrent comme un « compromis pragmatique entre l’exigence de productivité et celle de sécurité dans l’état actuel des choses », tout en « attendant (sic) le développement de sources d’énergie moins risquées et tout aussi productives ».

Voilà pour les quelques listes qui manifestent dans leurs programmes un intérêt pour le maintien du nucléaire. Il ne faudrait pas pour autant minimiser l’incapacité de certaines formations politiques à dévier de leur ligne sur la question qui, même si elles sont silencieuses dans leurs programmes sur la question du nucléaire, y demeurent pourtant fermement attachées.

C’est particulièrement le cas du Rassemblement National (RN).

Le programme de « Prenez le pouvoir, liste soutenue par Marine Le Pen » ne laisse pas entrevoir la moindre prise de position ou mesure sur le sujet. Or, pour démontrer l’attachement du parti à l’atome, pas besoin de se référer à l’élection présidentielle de 2017, au cours de laquelle Marine Le Pen n’a eu de cesse de vanter les mérites d’une énergie qui garantit prétendument l’indépendance énergétique de la France, poncif pro-nucléaire s’il en est (on rappellera à toutes fins utiles que la dernière mine d’uranium française a fermé en 2001 et que, depuis, l’uranium est exclusivement importé, surtout depuis le Niger et le Kazakhstan, pays qui, jusqu’à preuve du contraire, ne sont pas la France). En effet, les propos tenus par Hervé Juvin, numéro 5 sur la liste, lors de la réunion publique du 16 mai à Fessenheim ne laissent pas l’ombre d’un doute en la matière : en plus de déclarer sa flamme aux « cathédrales industrielles françaises que représente le nucléaire » (sic), il ose un « le nucléaire c’est ce qui va nous permettre et nous permet, d’être les meilleurs, nous Français de la bonne classe européenne, en matière de limitation du CO2 et de respect des Accords de Paris ». Ah bon ?

Étant donné un tel attachement frontiste au nucléaire, le silence de la liste « Ensemble patriotes et gilets jaunes : pour la France, sortons de l’Union européenne ! » ne nous laisse pas imaginer une seule seconde la moindre ambivalence sur la question. On rappellera ici que Florian Philippot, le tête de liste, a fondé son parti Les Patriotes suite à sa défection de l’alors Front National, après 7 ans de bons et loyaux services. Il a également réaffirmé son soutien à la dissuasion nucléaire dans le cadre d’un questionnaire envoyé par le magazine Marianne aux principales têtes de liste, véritable « composante vitale de notre capacité à nous défendre » selon lui.

De la même manière, les listes présentées par La République en Marche (LREM, associée au MoDem notamment) et Les Républicains (LR, avec Les Centristes), respectivement « Renaissance » et « Union de la droite et du centre », ne trompent personne. Pour les premiers, difficile d’oublier le fait que le gouvernement a repoussé de 10 ans l’objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire dans la production d’électricité française, laquelle avait été décidée dans le cadre de la loi de transition énergétique de 2015, et qui fixait initialement l’échéance à 2025. On pourra également se référer au programme de Macron lors de l’élection présidentielle, dans lequel il assume parfaitement ses ambitions nucléaristes. On ne se fait donc pas d’illusion sur la « transition écologique et solidaire » martelée dans le programme des européennes, qui prévoit, entre autres, des investissements massifs dans les « énergies et les transports propres », et la rénovation des logements, pour atteindre la fameuse « neutralité carbone » d’ici 2050. Une transition ainsi conçue par LREM ne menacera certainement pas le nucléaire, mais a le mérite de bien illustrer le décalage systématique entre un discours macroniste verdi ad nauseam et une réalité bien moins flatteuse :

Pour ce qui est des second.e.s (Les Républicains et Les Centristes), si aucune mention du nucléaire n’est faite dans le programme, on peut y lire que la liste vise aussi à « Lutter contre le dérèglement climatique et réduire notre dépendance énergétique, en visant le « 0 carbone » à horizon 2050 et en favorisant un mix énergétique adapté aux réalités des territoires ». Et connaissant la maison, l’énergie nucléaire est assurément adaptée. Déjà parce que les énergies renouvelables ne sont, elles non plus, jamais mentionnées dans le programme. Ensuite et surtout parce qu’entre Les Républicains et le nucléaire, la relation semble être au beau fixe. Pas plus tard qu’il y a 2 mois, Laurent Wauquiez, l’actuel président de LR et du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, s’est par exemple prononcé en faveur de la construction d’un nouvel EPR (réacteur dit de 3ème génération, plus gros, plus puissant et plus complexe que ceux actuellement en activité, qui connait actuellement de nombreuses difficultés sur le site de Flamanville) sur le site du Tricastin. Il s’était également rendu à Fessenheim en début d’année pour dénoncer, avec son parti, la fermeture de la centrale.

Enfin, le tableau ne serait pas complet si l’on n’abordait pas ici le cas de LO et de sa liste « Contre le grand capital, le camp des travailleurs », qui refuse dans son programme de se prononcer sur le nucléaire ou même sur l’énergie en général, empêtrées que sont ces questions dans les catégories capitalistes. Un rapide coup d’œil sur le site internet du parti nous permet cependant d’éclaircir leur position : « Le principal danger du nucléaire ne réside pas dans la technique elle-même mais, comme Fukushima l’a montré, dans l’irresponsabilité des entreprises qui la mette en œuvre ». Et si la dénonciation des politiques de réduction des coûts est juste, il n’en demeure pas moins que ce n’est pas le nucléaire en lui-même qui, une fois de plus, est ici visé.

Les listes silencieuses :

La majorité des listes pour ces élections ne se prononce tout simplement pas sur la question de l’atome. Un tel silence peut être lié à plusieurs facteurs. Alors que certaines d’entre elles sont dotées de peu de moyens et ont des programmes très courts, voire inexistants, d’autres font le choix de se focaliser sur un seul enjeu, d’autres encore préfèrent laisser au peuple la capacité de trancher directement des questions aussi polémiques. Il ne faut pas sous-estimer non plus l’hypothèse selon laquelle le nucléaire n’est pas toujours considéré comme un enjeu à proprement parler, tant il semble ancré dans l’imaginaire collectif français, ce qui amène certaines listes à tout simplement faire le choix de ne pas s’en préoccuper.

Le cas de la liste « Envie d’Europe écologique et sociale » est à cet égard significatif. Celle-ci, portée par le Parti Socialiste (PS) et Place Publique (PP), ne fait en effet jamais allusion à l’énergie nucléaire dans son programme, ce qui peut paraître étonnant pour qui se souvient de la ligne clairement antinucléaire incarnée par le candidat du PS aux dernières élections présidentielles, un certain Benoit Hamon, aujourd’hui tête de liste de son parti Génération-s, que nous avons déjà évoqué. Si le PS est historiquement porteur d’un projet de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique, il est possible que l’échec cuisant qu’il a subi lors de cette élection l’ait amené à revoir sa copie. C’est en tout cas ce que nous laisse penser le fait que toute référence à la sortie du nucléaire ait été supprimé du programme pour les législatives qui se sont tenues un mois seulement après la présidentielle. Toujours est-il que, bien que la liste ait un plan de transition énergétique comparable à ceux des autres partis de gauche (il prône par exemple « la création d’une Banque européenne pour le climat et la biodiversité qui financera la transition écologique » à hauteur de 400 milliards d’euros par an), son programme demeure silencieux sur notre enjeu.

L’Union Populaire Républicaine (UPR), quant à elle, et sa liste « Ensemble pour le Frexit », ne mentionne jamais le nucléaire non plus, ce qui n’est pas surprenant sachant que lors de la présidentielle déjà, François Asselineau avait montré son ambition de faire trancher la question de l’énergie, et en particulier du nucléaire, par référendum. L’UPR n’a donc pas de position prédéfinie en la matière.

Pour ce qui est des listes qui ne se préoccupent que d’un enjeu, telle que le « Parti animaliste » ou le « Mouvement pour l’initiative citoyenne », autre liste de Gilets Jaunes qui fait uniquement la promotion d’un Référendum d’Initiative Citoyenne français et européen, il est aisé de comprendre pourquoi le nucléaire n’est pas abordé.

Quant aux 15 listes restantes, on laissera la libre interprétation à chacun.e, même s’il convient de préciser que certaines d’entre elles affichent des ambitions écologistes et souhaitent la mise en place d’une transition énergétique, sans forcément rentrer dans les détails. C’est notamment le cas de « Alliance jaune, la révolte par le vote » (la troisième et dernière liste Gilets jaunes), « Parti pirate », « Allons enfants », « Pour une Europe qui protège les citoyens », « Démocratie représentative », « Neutre et actif », ainsi que « Union pour une Europe au service des peuples ».

Pour en savoir plus sur les listes :

 Pour compléter ce panorama nous vous invitons à consulter les réponses aux questionnaires que la CRIIRAD a envoyé à toutes les listes (notamment à propos du traité EURATOM), seules 6 y ont répondu (la plupart s’opposent au développement du nucléaire)

 Le Réseau Action Climat a également passé au crible les programmes des principaux partis politiques par rapport eux enjeux écologiques européens



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Thèmes
 Nucléaire et démocratie