Insécurité nucléaire
Centrale de Chinon : une avalanche de négligences graves
Intervenants mal protégés, organisation chaotique des opérations de maintenance, stockage de produits chimiques en dépit du bon sens… Voici quelques-uns des problèmes évoqués dans une discrète note d’inspection de l’Autorité de Sûreté Nucléaire concernant la centrale nucléaire de Chinon, et pour lesquels le Réseau "Sortir du nucléaire" a porté plainte contre EDF début avril. Il est urgent de fermer cette centrale vieillissante !
En 2013, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a effectué neuf inspections inopinées pour contrôler les travaux de maintenance effectués sur le réacteur Chinon B1. Publiée fin décembre, la synthèse de ces inspections révèle de graves négligences aux impacts lourds sur la sûreté.
Une dalle en béton "en train de s’effondrer" située au-dessus de "matériel important pour la sûreté" dans le bâtiment réacteur, des bidons de produits chimiques stockés en dépit des règles sans que les intervenants puissent en identifier le contenu, des procédures de consignations non respectées, des appareils de mesure non étalonnés, une zone de contamination non délimitée,… la liste est longue !
L’ASN témoigne d’une désorganisation manifeste du travail : des dossiers d’interventions remplis dans le désordre, conduisant à oublier certaines phases, des équipes mutées d’un chantier à l’autre sans continuité… Enfin, il est fait état des conditions déplorables dans lesquelles opèrent certains travailleurs, soumis à une irradiation élevée sans qu’une protection adéquate ne leur soit fournie.
Extraits d’une liste à la Prévert
- Risque réel de chute d’objets non répertoriés dans les équipements et canalisations, pouvant amener à de graves problèmes.
- Sur certains chantiers, les intervenants n’ont pas communication de l’analyse de risques ; dans d’autres cas, ce document ne mentionne pas certains risques comme la présence de plomb. Devant opérer sur une vanne présentant un débit de dose très important (en une heure, on y recevrait les ¾ de la dose annuelle autorisée pour un travailleur du nucléaire), un intervenant demande à pouvoir travailler avec un tablier de plomb… qui lui est refusé par EDF.
- Conditions d’interventions "particulièrement difficiles" sur deux chantiers : "à même le sol, dans un espace très réduit dans lequel se déroulaient par ailleurs plusieurs autres activités de maintenance, avec une ambiance radiologique importante" ; "avec une très importante coactivité, un manque de place pour les intervenants ainsi qu’un manque d’éclairage".
- Stockage aberrant et dangereux de produits chimiques dans l’atelier chaud. La notice d’utilisation des armoires de stockage est écrite en allemand, ne permettant pas aux intervenants en charge du local de stockage de connaître la charge calorifique maximale admissible par armoire.
- Présence d’importantes quantités d’eau dans le sous-sol du bâtiment réacteur, dans l’indifférence générale et sans qu’aucune analyse attestant l’absence de contamination n’ait été effectuée. La zone a ensuite été balisée… sans vérifier l’absence d’intervenants dans la zone du balisage, si bien que plusieurs d’entre eux, dont les inspecteurs, se sont retrouvés piégés à l’intérieur !
Au vu de ces négligences inacceptables, le Réseau "Sortir du nucléaire" a porté plainte contre EDF pour une quinzaine d’infractions à la réglementation des installations nucléaires de base et au Code du travail.
La centrale de Chinon doit fermer !
Les "écarts" relevés par l’ASN constituent autant de symptômes d’une sûreté dangereusement dégradée. Surtout, ils révèlent un véritable mépris des conditions de travail des intervenants, sous-informés et parfois placés dans des situations absurdes. Outre le risque accru d’accident lié à une maintenance défectueuse, on assiste là à une mise en danger des travailleurs.
Ces inspections avaient lieu dans le cadre de la visite décennale du réacteur B1, dans la perspective de prolonger le fonctionnement de la centrale au-delà des trente ans pour lesquels elle avait été conçue. EDF voudrait en effet étendre la durée de vie des centrales au-delà de 40 ans, jusqu’à 50 voire 60 ans. Une telle prolongation promet une dégradation catastrophique de la sûreté et des risques inacceptables pour les riverains et les travailleurs de la centrale.
Réseau "Sortir du nucléaire"