Déchets nucléaires
Avec la transmutation, lalchimie peut-elle nous délivrer des déchets nucléaires ?
La filière électronucléaire a été lancée, dans lenthousiasme, voilà quarante ans, sans avoir de solution acceptable pour les déchets produits et bien sûr aucune idée de ce quil en coûtera aux générations à venir.
Quarante ans après, pour faire accepter la perspective dune seconde génération de centrales, les tenants du nucléaire nous font miroiter une solution miracle pour le traitement des déchets : la transmutation. Certes elle nest pas encore prête, mais nos chercheurs, pour peu quils obtiennent les crédits nécessaires, la mettront forcément au point dici
un certain temps.
Transmutation, mot magique, le vieux rêve alchimiste qui consiste à modifier le noyau dun atome pour le transformer en un autre atome.
Or quelle que soit la technique envisageable aujourdhui il est dores et déjà possible de dire que le traitement complet des déchets par cette méthode demanderait plus dénergie que celle récupérée dans les réacteurs qui ont produit les déchets.
La transmutation. Ca consiste en quoi ?
Dans les réacteurs à fission les atomes duranium (le combustible) éclatent sous limpact des neutrons en libérant dautres neutrons et de lénergie. Ces autres neutrons, à leur tour feront éclater dautres atomes duranium ou seront capturés par des matériaux qui deviendront radioactifs et constitueront des déchets avec les débris duranium fissionnés.
Lorsque la concentration de ces déchets dans le combustible devient trop grande il faut retirer le combustible encrassé et le retraiter pour en séparer les déchets.
Ces déchets fortement radioactifs se désintègrent spontanément en émettant des particules, des rayonnements et dautres atomes qui, à leur tour, se désintègrent jusquà obtenir un élément stable (non radioactif).
Les éléments radioactifs sont caractérisés par leur période radioactive : le temps au bout duquel la moitié des atomes sest désintégrée.
La transmutation, dans ce cas, consiste à transformer les noyaux radioactifs en dautres noyaux aux rayonnements moins nocifs avec une période radiative plus courte
Pour effectuer la transmutation on fait capturer un neutron par le noyau radioactif initial.
Comment faire ?
Deux méthodes sont aujourdhui proposées pour obtenir ce résultat :
- Placer ces déchets dans un réacteur à fission.
- Placer ces déchets dans le flux de neutrons produit avec le bombardement dune cible (réaction dite de spallation) par le faisceau de protons dun accélérateur de particules.
Il faut au préalable avoir pris soin de séparer chimiquement les déchets radioélément par radioélément.
La première méthode utilise les neutrons produits par la réaction de fission. Elle appelle les observations suivantes :
- Pour que la réaction se poursuive il faut quun neutron reste disponible et ne soit pas capté pour la transmutation.
- Le rendement de la réaction de transmutation est très faible. Même en utilisant jusquà la moitié des neutrons disponibles pour la transmutation il faudrait une masse de déchets 100 fois plus importante que celle du combustible. Cest proprement inimaginable, même dans un surgénérateur.
- Il y aurait bien élimination de déchets mais également création de nouveaux déchets par la fission. Au mieux, et quelle que soit la configuration du réacteur, on ralentirait la production de déchets mais elle continuerait daugmenter.
La deuxième méthode permet bien une diminution de la quantité de déchets nucléaires car la réaction de spallation qui produit les neutrons en génère peu par elle-même. Mais elle amène les remarques suivantes :
Le bilan énergétique de lopération est très mauvais. Si on tient compte de lénergie à fournir dans laccélérateur pour produire les neutrons et du faible rendement des réactions de transmutation, il faut fournir plus dénergie pour la transmutation que lon en a obtenu par la fission qui a généré ces déchets. La transmutation par spallation serait un outil rêvé pour la prolifération nucléaire. Le flux de neutrons ainsi produit permet la préparation dun plutonium (Pu239) de très bonne qualité à partir dun uranium (U238) quil nest pas nécessaire denrichir.
Il nest donc pas question denvisager lélimination complète des déchets nucléaires mais seulement dune partie dentre eux, ceux qui sont les plus radiotoxiques. Cela signifie que la transmutation névitera pas le stockage en site géologique.
Si le CEA sintéresse à la transmutation cest moins pour lélimination des déchets que pour garder ouverte loption surgénérateur avec Phénix et occuper du monde sur des projets comme celui de Carlo Rubbia dun réacteur piloté par un accélérateur.
Alain Dorange
Jean-Pierre Dufour
Courriel : adorange@wanadoo.fr