Alerter : Surveillance citoyenne et action juridique
Accusons-les
L’incident
Quand l’entretien fait plus de mal que de bien
Juillet 2018 : EDF fait l’entretien d’un diesel [1] à Dampierre (Loiret), le bon serrage des vis est vérifié. Mars 2019 : le diesel tombe en panne, arrêt contraint et forcé du réacteur. Explication d’EDF ? Un “défaut sur un groupe électrogène“. Mai 2019, l’analyse de l’incident est terminée, le verdict tombe enfin : les vis ont été trop serrées en juillet, ce qui a abîmé des pièces et fini par casser le moteur !
Bilan de l’opération ? Au coût du remplacement de l’équipement de 32 tonnes, il faudra ajouter le coût des trois semaines d’arrêt, car un réacteur nucléaire est avant tout un consommateur d’eau et d’énergie. Certains systèmes doivent être alimentés même à l’arrêt pour garantir refroidissement, surveillance et être prêts en cas d’accident. D’où l’obligation de sources électriques de secours : deux moteurs diesels par réacteur, une turbine à gaz, et la création des diesels d’ultime secours qui auraient dû être en service fin 2018 [2] pour répondre aux normes post-Fukushima.
Non seulement l’erreur a été commise par ceux censés vérifier que tout était conforme, mais de surcroît elle est passée inaperçue pendant 10 mois ! Personne n’est allé vérifier, ou alors les contrôles sont passés à côté. La déclaration officielle d’événement significatif pour la sûreté est arrivée un an après, le 22 juillet 2019. Comme cette erreur de serrage aurait pu s’être glissée ailleurs, EDF a vérifié tous les autres matériels susceptibles d’être touchés. Encore faut-il avoir confiance dans la qualité de ces vérifications !
Laure Barthélemy
Article intégral : https://frama.link/Dampierre-DUS
L’affaire juridique
Les DUS ou comment la sûreté nucléaire passe après les desiderata d’EDF
Vous avez dit Dusse ? Jean-Claude Dusse ? Mais non, c’est des Diesels d’Ultime Secours dont il s’agit. “DUS“ donc, dans le jargon nucléaire. OK, mais c’est quoi des DUS ?
Le 11 mars 2011, débutait la catastrophe nucléaire de Fukushima Daiichi. Au prétexte d’un “retour d’expérience“ de cette catastrophe, des tests de résistance ont été réalisés en Europe sur les réacteurs. À l’issue des tests en France, l’ASN demandait, en juin 2012, que soit mis en place, au plus tard au 31 décembre 2018, un moyen d’alimentation électrique supplémentaire capable de prendre le relais en cas de perte des autres alimentations électriques sur chacun des réacteurs. Il faut dire que nos centrales doivent être refroidies en permanence, y compris à l’arrêt, et que cela n’est possible que si une alimentation électrique est assurée. C’est ainsi qu’est né le programme DUS : des super diesels placés dans des bâtiments “bunkerisés“, censés résister à tout type d’aléa climatique. Et au vu de l’état des diesels existants, autant vous dire que ce n’était pas du luxe [3] !
Et pourtant… le 27 février 2019, l’ASN publiait deux décisions actant, d’une part, le report au plus tard à fin 2020 de l’installation des “DUS“ de 54 réacteurs [4], et d’autre part, revenant sur la nécessité d’une telle installation concernant Fessenheim au vu de sa fermeture prochaine. Une belle hypocrisie quand on sait que cette fermeture est un peu l’arlésienne de notre cher nucléaire. Vous pensez bien qu’on ne pouvait pas laisser passer ça : le Réseau “Sortir du nucléaire“ et Greenpeace ont donc saisi le Conseil d’État pour faire annuler ces décisions, et ont porté plainte contre EDF.
Marie Frachisse
Plus d’infos : www.sortirdunucleaire.org/EDF-report-DUS
Notes
[1] Les diesels sont une source électrique en cas de perte d’alimentation externe.
[2] Voir L’affaire ci-dessous..
[3] Selon des documents d’EDF, sur la période 2012-2014, la majorité des diesels de secours présentaient un “état dégradé“, voire “inacceptable“. En juin 2017, EDF déclarait une anomalie de “non-tenue au séisme“ des diesels de secours de 20 réacteurs.
[4] À l’heure où nous écrivons ces lignes, seuls six diesels d’ultime secours sont opérationnels sur le parc nucléaire français.