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Report et remise en cause de l’installation des diesels d’ultime secours : l’ASN aux ordres de l’industriel ?


Passées / Installation : EDF


Le 27 février 2019, l’ASN a publié deux décisions qui actent, d’une part, le report de l’échéance pour l’installation des diesels d’ultime secours (DUS) pour 54 réacteurs, EDF étant dans l’incapacité de respecter la date initialement fixée au 31 décembre 2018, et d’autre part, qui revient sur la nécessité d’une telle installation en ce qui concerne les réacteurs de la centrale de Fessenheim au vu de sa fermeture.



EDF s’est montrée négligente dans l’installation d’équipements importants pour la sûreté

Lors de l’accident de Fukushima, les générateurs diesels destinés à l’alimentation électrique de secours avaient été détruits, ne permettant plus d’assurer le refroidissement des réacteurs. En conséquence, en 2012, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait exigé d’EDF qu’elle équipe d’ici fin 2018 ses réacteurs de « diesels d’ultime secours » (DUS), qui pourraient fonctionner même en cas d’aléas naturels extrêmes et prendre le relai des générateurs diesels existants en cas de défaillance. Cette prescription n’était pas un luxe, au vu de l’état alarmant de ces derniers (dont faisaient alors état des documents internes à EDF [1]).

Or dans cette affaire, EDF a encore démontré que la sûreté des installations et la protection des populations n’étaient pas sa priorité ! Fin juillet 2017, elle a finalement informé l’ASN qu’elle ne pourrait pas installer ces DUS dans le temps imparti et sollicité un délai. Dans un second temps, elle a carrément demandé que la centrale de Fessenheim soit purement et simplement dispensée de ces équipements.

Ce retard n’était pas lié à une approche perfectionniste. Au contraire : comme l’a dévoilé Capital, suite à l’appel d’offre pour la fabrication de ces DUS, EDF aurait retenu deux entreprises qui ne disposaient pas des compétences techniques requises pour répondre au cahier des charges. Une instruction est d’ailleurs en cours suite à une plainte déposée pour délit de favoritisme et mise en danger d’autrui.

L’ASN a effectué une concession inacceptable à EDF

Alors qu’elle aurait dû se montrer intransigeante, l’ASN a accordé un délai à EDF jusqu’à fin 2020 pour installer tous les diesels d’ultime secours, en échange de contrôles accrus [2]. En outre, elle a même accédé à sa demande de dispense pour Fessenheim au prétexte de son arrêt prochain. Pourtant, aucune déclaration d’arrêt définitif n’a pour l’instant été transmise par EDF concernant cette centrale ; et quoiqu’il en soit, ce dispositif reste nécessaire même sur un réacteur promis à l’arrêt, les piscines abritant le combustible nucléaire usé ayant encore besoin d’alimentation électrique pendant plusieurs années. Les mesures de surveillance proposées par EDF ne permettront pas de compenser l’absence de ces DUS, surtout pour une centrale située en zone sismique.

Il est incompréhensible que l’ASN, qui se targue publiquement de disposer d’une large palette de moyens d’action pour faire appliquer ses décisions, n’en ait utilisé aucun pour sanctionner ce retard, ait laissé EDF la prévenir tardivement et n’ait même pas effectué de mise en demeure. Le sujet n’était pourtant pas à prendre à la légère, l’ASN disposant alors d’éléments inquiétants sur le très mauvais état de nombreux diesels existants [3]. Une telle complaisance est inacceptable et soulève des interrogations légitimes.

Des décisions lourdes de conséquences sur la sûreté

Au-delà des conséquences immédiates si un aléa naturel extrême survenait en l’absence de ces équipements, ces choix traduisent une orientation inquiétante du contrôle de la sûreté. En s’abstenant de sanctionner un exploitant qui ne se conforme pas à ses prescriptions, voire en retirant ces prescriptions dans le cas de Fessenheim, l’ASN accepte que des décisions importantes pour la sûreté ne soient pas respectées. Le soi-disant « gendarme » met pour ainsi dire EDF en position de négocier son contrôle technique !

Ces décisions mettent en danger les populations et remettent en question la crédibilité de l’autorité de sûreté. C’est pourquoi le Réseau “Sortir du nucléaire“ et Greenpeace France, après avoir introduit un recours gracieux à l’encontre des décisions de l’ASN de report et dispense des DUS (voir les recours gracieux en documents joints), ont déposé le 22 août 2019, un recours contentieux contre celles-ci, ainsi qu’une plainte contre EDF pour non respect des prescriptions initiales de l’ASN et risques causés à autrui.

En janvier 2021, le Parquet de Paris a décidé de classer la plainte sans suite aux motifs de l’absence de faute imputable à EDF.

Le 15 février 2021, le Conseil d’Etat a estimé qu’il n’y avait pas lieu à statuer concernant les réacteurs pour lesquels les diesels d’ultime secours avait finalement été installés - à savoir l’ensemble des réacteurs, excepté ceux de Paluel et de Fessenheim - et a rejeté, pour les autres, l’ensemble des moyens soulevés par les associations [4].

 

Téléchargez la décision du Conseil d’Etat
DUS - Décision CE 15/02/21

 

Téléchargez notre plainte contre EDF
DUS - Plainte 22/08/19

 

Téléchargez notre recours concernant la décision de l’ASN pour Fessenheim
DUS - Recours contentieux décision Fessenheim 22/08/19

 

Téléchargez notre recours concernant la décision de l’ASN pour les autres réacteurs
DUS - Recours contentieux décision autres réacteurs 22/08/19 + compléments

Notes

[1Selon des documents interne à EDF publiés par le Journal de l’Énergie en 2016, sur la période 2012-2014, la majorité des diesels de secours présentaient, selon les termes d’EDF, un « état dégradé », voire « inacceptable ».

[2À ce stade, seuls six diesels d’ultime secours sont opérationnels sur le parc nucléaire français.

[3EDF venait de déclarer à l’ASN en juin 2017 une anomalie de « non-tenue au séisme » des diesels de secours de 20 réacteurs, classée au niveau 2, liée à la fois à un mauvais montage et un entretien défaillant. Dans les mois qui ont suivi, cette « anomalie » a été élargie à de nombreux autres réacteurs et des défauts similaires ont encore été détectés dernièrement à Fessenheim et Bugey.

Si ces défauts ont été réparés, de nombreux autres problèmes ont été découverts depuis sur ces diesels de secours : corrosion de certaines pièces concernant 5 réacteurs (janvier 2018) , mauvaise installation des câbles et tuyauteries laissant craindre une rupture en cas de séisme sur 26 réacteurs, détectée entre fin 2018 et mai 2019...

[4Détails de l’arrêt rendu :

Le Conseil d’Etat a estimé qu’il y avait lieu à statuer seulement sur la requête dirigée contre la décision concernant Fessenheim et celle contre la décision concernant les autres réacteurs en tant seulement qu’elle concernait le site de Paluel.

Extraits de la décision rendue :

  • Sur le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure de participation du public :

Il résulte de l’instruction que les deux décisions attaquées ont été soumises à une procédure de participation du public du 22 octobre au 5 novembre 2018 puis du 21 décembre 2018 au 10 janvier 2019. Si, ainsi qu’elle l’admet en défense, l’ASN a omis d’annexer le dossier de demande d’EDF au projet de décision mis en ligne sur son site Internet à l’occasion de la première procédure de participation, il résulte de l’instruction que ce dossier a été mis à la disposition du public dans le cadre de la seconde procédure de participation. Par ailleurs, il ne résulte pas de l’instruction que les personnes ayant participé à la première procédure de participation aient été empêchées de prendre part à la seconde, sans incidence étant à cet égard la circonstance qu’un nombre inférieur d’observations ait été formulé dans le cadre de la seconde procédure ou que celle-ci se soit déroulée pour partie pendant les congés de fin d’année. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de l’instruction que le calendrier des travaux envisagés par EDF n’ait pas été mis à la disposition du public. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées auraient été édictées en méconnaissance du principe de participation du public doit être écarté.

  • Sur les moyens d’erreur d’appréciation :

D’une part, s’agissant du site électronucléaire de Paluel, il résulte de l’instruction que les diesels d’ultime secours dont l’ASN a demandé à EDF d’équiper les réacteurs en fonctionnement, au plus tard le 28 février 2021, ont pour fonction de compléter les systèmes d’alimentation électriques de secours déjà présents sur chacun de ces réacteurs afin de faire face à l’hypothèse où ceux-ci seraient soumis à des conditions extrêmes conduisant à une perte de ces systèmes d’alimentation électriques. Par la décision n° 2019-DC-0662 du 19 février 2019 précitée, l’ASN a, en contrepartie du report accordé, imposé à EDF de vérifier la fiabilité et la conformité à la réglementation des systèmes existants au moyen de contrôles réalisés in situ. Il ne résulte pas de l’instruction que ces systèmes seraient affectés de défauts tels que le report de l’échéance de mise en place des diesels d’ultime secours permis par la décision attaquée fasse peser des risques graves et imminents justifiant la mise en œuvre d’une suspension du fonctionnement des installations en cause, sur le fondement de l’article L. 593-22 du code de l’environnement cité précédemment. Par ailleurs, il résulte de l’instruction que, eu égard, d’une part, aux difficultés rencontrées par EDF dans les opérations de construction et de mise en service des « diesels d’ultime secours » et, d’autre part, des mesures complémentaires que l’ASN a imposées en raison du retard dans leur installation, cette autorité a pu légalement, par sa décision n° 2019-DC-0662 en tant qu’elle concerne le site de Paluel, autoriser le report de l’échéance de mise en place de ces équipements au plus tard au 28 février 2021, les conditions de passation d’un appel d’offres par EDF pour leur construction étant inopérantes à cet égard.

D’autre part, s’agissant du site électronucléaire de Fessenheim, il résulte de l’instruction que la suppression de l’exigence de mise en place de diesels d’ultime secours sur ce site, autorisée par la décision n° 2019-DC-0663 du 19 février 2019, s’inscrit dans le contexte de mise à l’arrêt définitif des deux réacteurs de ce site les 22 février et 30 juin 2020, conformément au décret du 18 février 2020 portant abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim prévue au second alinéa de l’article L. 311-6 du code de l’énergie. Si les opérations consécutives à la mise à l’arrêt définitif de ces deux réacteurs rendent nécessaire le maintien durant une période transitoire de systèmes d’alimentation électriques externes et internes permettant de prévenir tout risque ou inconvénient pour les intérêts visés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement précité, en raison notamment du maintien sur le site d’assemblages de combustible entreposés en piscine, il résulte de l’instruction, ainsi qu’il a été dit précédemment, que les diesels d’ultime secours, dont l’installation sur le site de Fessenheim avait été initialement prescrite par une décision du 26 juin 2012, n’ont pour fonction que de compléter l’ensemble des systèmes d’alimentation électriques présents sur le site, dont l’ASN a, par la même décision, imposé à EDF de vérifier la fiabilité et la conformité à la réglementation au moyen de contrôles réalisés in situ. En outre, il résulte de l’instruction que la sûreté de chacun des réacteurs de cette installation a été renforcée par la mise en place d’un système d’alimentation électrique de l’appoint en eau ultime permettant le refroidissement des réacteurs et des piscines de cette installation. Par suite, le moyen tiré de ce que l’ASN aurait commis une erreur d’appréciation en autorisant EDF à ne pas installer de diesel d’ultime secours sur le site de Fessenheim dans le nouveau contexte de mise à l’arrêt définitif des deux réacteurs présents sur ce site ne peut qu’être écarté.

Il résulte de tout ce qui précède les requêtes doivent être rejetées.

Il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société EDF.

EDF s’est montrée négligente dans l’installation d’équipements importants pour la sûreté

Lors de l’accident de Fukushima, les générateurs diesels destinés à l’alimentation électrique de secours avaient été détruits, ne permettant plus d’assurer le refroidissement des réacteurs. En conséquence, en 2012, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait exigé d’EDF qu’elle équipe d’ici fin 2018 ses réacteurs de « diesels d’ultime secours » (DUS), qui pourraient fonctionner même en cas d’aléas naturels extrêmes et prendre le relai des générateurs diesels existants en cas de défaillance. Cette prescription n’était pas un luxe, au vu de l’état alarmant de ces derniers (dont faisaient alors état des documents internes à EDF [1]).

Or dans cette affaire, EDF a encore démontré que la sûreté des installations et la protection des populations n’étaient pas sa priorité ! Fin juillet 2017, elle a finalement informé l’ASN qu’elle ne pourrait pas installer ces DUS dans le temps imparti et sollicité un délai. Dans un second temps, elle a carrément demandé que la centrale de Fessenheim soit purement et simplement dispensée de ces équipements.

Ce retard n’était pas lié à une approche perfectionniste. Au contraire : comme l’a dévoilé Capital, suite à l’appel d’offre pour la fabrication de ces DUS, EDF aurait retenu deux entreprises qui ne disposaient pas des compétences techniques requises pour répondre au cahier des charges. Une instruction est d’ailleurs en cours suite à une plainte déposée pour délit de favoritisme et mise en danger d’autrui.

L’ASN a effectué une concession inacceptable à EDF

Alors qu’elle aurait dû se montrer intransigeante, l’ASN a accordé un délai à EDF jusqu’à fin 2020 pour installer tous les diesels d’ultime secours, en échange de contrôles accrus [2]. En outre, elle a même accédé à sa demande de dispense pour Fessenheim au prétexte de son arrêt prochain. Pourtant, aucune déclaration d’arrêt définitif n’a pour l’instant été transmise par EDF concernant cette centrale ; et quoiqu’il en soit, ce dispositif reste nécessaire même sur un réacteur promis à l’arrêt, les piscines abritant le combustible nucléaire usé ayant encore besoin d’alimentation électrique pendant plusieurs années. Les mesures de surveillance proposées par EDF ne permettront pas de compenser l’absence de ces DUS, surtout pour une centrale située en zone sismique.

Il est incompréhensible que l’ASN, qui se targue publiquement de disposer d’une large palette de moyens d’action pour faire appliquer ses décisions, n’en ait utilisé aucun pour sanctionner ce retard, ait laissé EDF la prévenir tardivement et n’ait même pas effectué de mise en demeure. Le sujet n’était pourtant pas à prendre à la légère, l’ASN disposant alors d’éléments inquiétants sur le très mauvais état de nombreux diesels existants [3]. Une telle complaisance est inacceptable et soulève des interrogations légitimes.

Des décisions lourdes de conséquences sur la sûreté

Au-delà des conséquences immédiates si un aléa naturel extrême survenait en l’absence de ces équipements, ces choix traduisent une orientation inquiétante du contrôle de la sûreté. En s’abstenant de sanctionner un exploitant qui ne se conforme pas à ses prescriptions, voire en retirant ces prescriptions dans le cas de Fessenheim, l’ASN accepte que des décisions importantes pour la sûreté ne soient pas respectées. Le soi-disant « gendarme » met pour ainsi dire EDF en position de négocier son contrôle technique !

Ces décisions mettent en danger les populations et remettent en question la crédibilité de l’autorité de sûreté. C’est pourquoi le Réseau “Sortir du nucléaire“ et Greenpeace France, après avoir introduit un recours gracieux à l’encontre des décisions de l’ASN de report et dispense des DUS (voir les recours gracieux en documents joints), ont déposé le 22 août 2019, un recours contentieux contre celles-ci, ainsi qu’une plainte contre EDF pour non respect des prescriptions initiales de l’ASN et risques causés à autrui.

En janvier 2021, le Parquet de Paris a décidé de classer la plainte sans suite aux motifs de l’absence de faute imputable à EDF.

Le 15 février 2021, le Conseil d’Etat a estimé qu’il n’y avait pas lieu à statuer concernant les réacteurs pour lesquels les diesels d’ultime secours avait finalement été installés - à savoir l’ensemble des réacteurs, excepté ceux de Paluel et de Fessenheim - et a rejeté, pour les autres, l’ensemble des moyens soulevés par les associations [4].

 

Téléchargez la décision du Conseil d’Etat
DUS - Décision CE 15/02/21

 

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DUS - Plainte 22/08/19

 

Téléchargez notre recours concernant la décision de l’ASN pour Fessenheim
DUS - Recours contentieux décision Fessenheim 22/08/19

 

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DUS - Recours contentieux décision autres réacteurs 22/08/19 + compléments

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Thèmes
 Fessenheim  Etat du parc nucléaire français  EDF