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Retard et coût démesuré : ITER, un projet nucléaire comme les autres
Calendriers intenables, pièces non-conformes, malfaçons : comme tous les autres projets nucléaires, celui de fusion brille davantage par ses retards et sur-coûts que par ses réussites.
ITER (Réacteur Thermonucléaire Expérimental International) est un projet expérimental de fusion nucléaire, dont le prototype se construit en France, dans les Bouches-du-Rhône. L’idée est de faire monter à 150 millions de degrés un plasma, au sein d’un champ magnétique créé par 18 bobines de 310 tonnes chacune, refroidie à -269 degrés, appelé tokamak (acronyme russe de « chambre toroïdale avec bobines magnétiques »). 150 millions de degrés, c’est dix fois le cœur du Soleil. ITER est l’incarnation par excellence de ce qu’est le nucléaire : l’égotrip de quelques nucléophiles qui sacrifient temps et argent sur l’autel du progrès technique.
Comme tout projet de la filière : des années de retard et une facture qui s’annonce salée
Initialement prévu pour une première fusion en 2016, le projet avait été retardé à 2025 une première fois, avant qu’il soit annoncé pour 2030 en novembre dernier. S’adressant en début d’année à l’AFP, Pietro Barabaschi, directeur général du projet, a tout d’abord admis que les délais originaux n’étaient pas réalistes. Deux problèmes techniques se sont annoncés. Des « non-conformités dimensionnelles » sur trois secteurs du tokamak (qui en comporte neuf au total), livrés par la Corée du Sud : jusqu’à deux centimètres d’écart entre deux parties devant être soudées. Un des secteurs ayant déjà été installé dans la fosse, il devra être retiré. Cette soudure est nécessaire pour la « chambre à vide », (19 mètres de diamètre pour 11 mètres de hauteur) où se produirait la réaction de fusion.
Second problème, des traces de corrosion sur « l’écran thermique », censé protéger de la chaleur générée par la fusion. C’est un défaut de fabrication de la pièce, pouvant engendrer des fuites d’hélium, qu’il faut donc réparer ou changer.
Au-delà du respect du calendrier, l’impact financier est colossal. Le coût a déjà quadruplé par rapport aux premières estimations, avoisinant les 20 milliards d’euros. Ce chiffre va de façon certaine être amené à augmenter en fonction des problèmes techniques découverts.
La fusion, projet à enjeu international
Plus de 35 États prennent part au projet ITER : les pays européens, mais aussi l’Inde, la Russie, le Japon, la Corée du Sud, la Chine et les États-Unis. L’invasion de l’Ukraine n’a d’ailleurs pas semblé remettre en question la participation russe, qui a livré en novembre dernier un des aimants géants qui sera placé en haut du tokamak.
D’autres pays font de la recherche sur la fusion nucléaire. Des projets de recherche de moindre dimension, pouvant utiliser d’autres techniques. Le record du monde est détenu par la Chine, dont le réacteur à fusion a atteint les 70 millions de degrés pendant 17 minutes en janvier de l’année dernière. Un autre essai du réacteur chinois avait réussi à atteindre 160 millions de degrés, pendant un peu moins de 2 minutes.
Elisabeth Laporte