Que retenir du baromètre IRSN 2023 pour lutter contre la relance du nucléaire
Publié le 12 décembre 2023
L’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) a publié fin septembre 2023 son baromètre annuel. Réalisée depuis plus de 30 ans, cette enquête a pour objectif de suivre la perception des risques dans l’opinion publique, notamment ceux relatifs aux domaines nucléaires et radiologiques. 2 000 personnes, représentatives de la population, ont été interrogées via Internet. Le Réseau "Sortir du nucléaire" s’est saisi de cette étude pour en extraire les points d’attention qui doivent nous permettre, en tant qu’antinucléaires, d’orienter nos actions au plus près des préoccupations des Français·es.
Une opinion publique de plus en plus favorable au nucléaire…
« Les Français n’ont jamais été aussi favorables à l’énergie nucléaire » analyse le baromètre 2023. « Ils sont désormais un sur deux (50 %) à déclarer qu’« il faut continuer à construire des centrales nucléaires », et 65% à affirmer que « la construction des centrales nucléaires a été une bonne chose ». Si l’offensive politique et médiatique pronucléaire, dans un contexte d’inflation et de crise énergétique en Europe, semble malheureusement porter ses fruits, le baromètre précise cependant que « cette opinion n’est pas partagée de la même manière par l’ensemble de la population. » Une des nuances apportée concerne le positionnement politique des personnes interrogées : « Selon l’angle politique, 70 % des Français se déclarant « à droite » affirment qu’« il faut continuer à construire des centrales nucléaires » contre 38 % seulement pour ceux se déclarant « à gauche » ». À l’inverse, les Français·es considérant qu’il faut « fermer les centrales nucléaires » ne sont plus que 19 % alors qu’ils et elles étaient 38 % en 2020 et 26 % en 2021.
Le constat est clair : le positionnement favorable au nucléaire gagne du terrain, que cela concerne la prolongation des centrales vieillissantes ou les projets de nouvelles installations. Ces positionnements restent certes minoritaires à gauche, mais ils concernent tout de même plus d’un tiers des personnes et va croissant. Mais cette augmentation des positionnements pro-nucléaires n’a rien d’inéluctable. Il est toujours possible d’inverser la tendance !
Consolidons les positions antinucléaires des personnes situées politiquement à gauche, ainsi que des groupes ou partis de ce bord. Mobilisons et visibilisons un argumentaire qui établit clairement l’incompatibilité entre les valeurs d’une gauche sociale, écologique et démocratique, et le nucléaire (et son monde).
... Mais une forte préoccupation pour le dérèglement climatique
Après le pouvoir d’achat (premier sujet de préoccupation des Français·es, récoltant 36 % des réponses), le dérèglement climatique arrive en seconde place avec un score de 15%. Pour l’IRSN, ce chiffre reste « très significatif au regard de l’importance accordée à l’inflation en 2022. » Les groupes ayant indiqué être préoccupés principalement par le dérèglement climatique sont notamment composés par les 18-24 ans et les Français·es se déclarant « à gauche ».
Cette conscience du dérèglement climatique transparaît dans plusieurs réponses. Le rapport montre que : « près de la moitié des Français (48 %) considère que « les installations nucléaires sont vulnérables face au dérèglement climatique » tandis que 17 % pensent le contraire ».
À l’instar de la mobilisation du 6 novembre 2023, rassemblant 8 associations du mouvement climat devant le Ministère de la Transition écologique, nous tirons de ce rapport l’intérêt de poursuivre les alliances entre les luttes antinucléaires et les luttes pour le climat. Le nucléaire ne sauvera pas le climat, bien au contraire.
Indépendance énergétique VS déchets, les arguments pour et contre le nucléaire
Le premier argument en faveur de l’énergie nucléaire est l’« indépendance énergétique » (43%), et ce depuis que la question est posée (2002). La popularité de cet argument a bondit cette année : + 7 points par rapport au baromètre de 2022 ! Réalisée en novembre 2022, l’enquête a été menée dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La période a permis aux pro-nucléaires de remettre sur le devant de la scène médiatique le problème de la dépendance de l’Europe au gaz russe, imposant le nucléaire comme seule solution. Pourtant, le nucléaire n’est pas une solution à l’indépendance énergétique du pays : 100% de l’uranium utilisé dans les centrales nucléaires en France provient de l’étranger. Recourir au nucléaire nous rend au contraire dépendant d’États autoritaires comme la Russie, dont l’entreprise Rosatom exerce une mainmise sur une grande partie des importations d’uranium naturel provenant du Kazakhstan et d’Ouzbékistan. Un message qu’il nous faut continuer de rappeler à travers nos campagnes et actions.
Selon le baromètre, les arguments pro-nucléaires en 2e et 3e position sont : « le faible coût de l’électricité » (22 %) et « la faible émission de gaz à effet de serre », qui obtient [...] 13 % ». Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est donc pas tant la dimension prétendument « décarbonnée » du nucléaire qui intéresse les Français·es, mais plutôt son prix. « La sûreté des installations nucléaires » n’arrive qu’en 4e position (9%), suivie par « la création ou le maintien d’emplois en France » (8%).
Du côté des arguments contre le nucléaire, arrive en tête du classement celui des déchets : « Pour la troisième année consécutive, la « production de déchets nucléaires » est considérée par les Français comme l’argument « le plus fort contre le nucléaire » (31 %) ». D’ailleurs, la majorité des Françai·ses (68 %) encourage une prise de décision et une action rapide au sujet du stockage des déchets radioactifs. Le sujet semble donc toujours porteur pour les luttes antinucléaires.
Le « risque d’accident » arrive en 2e position des arguments contre le nucléaire (27%), suivi de loin par le « coût du nucléaire » (13%) à égalité avec le « manque de transparence ».
Le solaire en tête, le nucléaire gagne du terrain
Le solaire est l’énergie perçue le plus positivement par les Français·es (26%). Elle arrive largement en tête pour les critères : « L’énergie la plus respectueuse de l’environnement » (36 %, contre 10 % pour le nucléaire), « L’énergie d’avenir » (31 %,contre 18 % pour le nucléaire), et « L’énergie la plus adaptée pour la transition énergétique » (29%, contre 18 % pour le nucléaire).
Mais sur la perception globale, le nucléaire se trouve seulement 3 petits points derrière le solaire (23%). Il bat les records de « l’énergie la plus performante » (45 %). Pour ce critère, l’énergie solaire arrive loin derrière (10 %). Continuer de faire connaître les problèmes de performance de la filière (retards et incidents notamment) constitue donc un enjeu fort pour la lutte antinucléaire.
Le nucléaire est aussi la deuxième énergie perçue comme celle qui coûte la moins cher (23%), derrière la réponse « Je ne sais pas » (26%) et l’énergie solaire (25%). Au regard du nouvel accord conclu entre EDF et le gouvernement, le prix de l’électricité nucléaire devrait pourtant augmenter. Le récent rapport de Greenpeace France est un outil de plus pour contrer cette idée reçue, puisque selon ce dernier, pour la même somme investie, un mix éolien/photovoltaïque permettrait d’éviter quatre fois plus d’émissions cumulées de CO2 d’ici à 2050 que la construction de 6 EPR2, tout en produisant trois fois plus d’électricité.
Comparant ces données avec celles des rapports antérieurs, le baromètre 2023 montre que le nucléaire est perçu de plus en plus positivement, à l’inverse des énergies renouvelables qui séduisaient davantage dans le passé.
Une méconnaissance du nucléaire et beaucoup d’indécis·es
Il est important de noter qu’une part non négligeable des Français·es est indécise au sujet de l’énergie. Quand on leur demande laquelle des sources d’énergie (solaire, nucléaire, éolien, charbon, etc.) correspond le mieux à tel ou tel critère (« L’énergie d’avenir », « L’énergie la plus performante », etc.) 20% en moyenne sur l’ensemble ont répondu « Je ne sais pas ». Autre exemple, au sujet de la sûreté nucléaire, pour l’idée que « prolonger la durée d’exploitation des centrales nucléaires provoquera des accidents », une majorité (39%) répond n’être « ni d’accord, ni pas d’accord » (contre 37% de « d’accord »).
Il y a donc globalement un enjeu à faire connaître les effets néfastes du nucléaire et à promouvoir les alternatives, pour convaincre les indécis·es et remobiliser celles et ceux qui, compte tenu de leurs valeurs écologistes et sociales, devraient en toute logique soutenir un monde sans nucléaire.
Une opinion publique de plus en plus favorable au nucléaire…
« Les Français n’ont jamais été aussi favorables à l’énergie nucléaire » analyse le baromètre 2023. « Ils sont désormais un sur deux (50 %) à déclarer qu’« il faut continuer à construire des centrales nucléaires », et 65% à affirmer que « la construction des centrales nucléaires a été une bonne chose ». Si l’offensive politique et médiatique pronucléaire, dans un contexte d’inflation et de crise énergétique en Europe, semble malheureusement porter ses fruits, le baromètre précise cependant que « cette opinion n’est pas partagée de la même manière par l’ensemble de la population. » Une des nuances apportée concerne le positionnement politique des personnes interrogées : « Selon l’angle politique, 70 % des Français se déclarant « à droite » affirment qu’« il faut continuer à construire des centrales nucléaires » contre 38 % seulement pour ceux se déclarant « à gauche » ». À l’inverse, les Français·es considérant qu’il faut « fermer les centrales nucléaires » ne sont plus que 19 % alors qu’ils et elles étaient 38 % en 2020 et 26 % en 2021.
Le constat est clair : le positionnement favorable au nucléaire gagne du terrain, que cela concerne la prolongation des centrales vieillissantes ou les projets de nouvelles installations. Ces positionnements restent certes minoritaires à gauche, mais ils concernent tout de même plus d’un tiers des personnes et va croissant. Mais cette augmentation des positionnements pro-nucléaires n’a rien d’inéluctable. Il est toujours possible d’inverser la tendance !
Consolidons les positions antinucléaires des personnes situées politiquement à gauche, ainsi que des groupes ou partis de ce bord. Mobilisons et visibilisons un argumentaire qui établit clairement l’incompatibilité entre les valeurs d’une gauche sociale, écologique et démocratique, et le nucléaire (et son monde).
... Mais une forte préoccupation pour le dérèglement climatique
Après le pouvoir d’achat (premier sujet de préoccupation des Français·es, récoltant 36 % des réponses), le dérèglement climatique arrive en seconde place avec un score de 15%. Pour l’IRSN, ce chiffre reste « très significatif au regard de l’importance accordée à l’inflation en 2022. » Les groupes ayant indiqué être préoccupés principalement par le dérèglement climatique sont notamment composés par les 18-24 ans et les Français·es se déclarant « à gauche ».
Cette conscience du dérèglement climatique transparaît dans plusieurs réponses. Le rapport montre que : « près de la moitié des Français (48 %) considère que « les installations nucléaires sont vulnérables face au dérèglement climatique » tandis que 17 % pensent le contraire ».
À l’instar de la mobilisation du 6 novembre 2023, rassemblant 8 associations du mouvement climat devant le Ministère de la Transition écologique, nous tirons de ce rapport l’intérêt de poursuivre les alliances entre les luttes antinucléaires et les luttes pour le climat. Le nucléaire ne sauvera pas le climat, bien au contraire.
Indépendance énergétique VS déchets, les arguments pour et contre le nucléaire
Le premier argument en faveur de l’énergie nucléaire est l’« indépendance énergétique » (43%), et ce depuis que la question est posée (2002). La popularité de cet argument a bondit cette année : + 7 points par rapport au baromètre de 2022 ! Réalisée en novembre 2022, l’enquête a été menée dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La période a permis aux pro-nucléaires de remettre sur le devant de la scène médiatique le problème de la dépendance de l’Europe au gaz russe, imposant le nucléaire comme seule solution. Pourtant, le nucléaire n’est pas une solution à l’indépendance énergétique du pays : 100% de l’uranium utilisé dans les centrales nucléaires en France provient de l’étranger. Recourir au nucléaire nous rend au contraire dépendant d’États autoritaires comme la Russie, dont l’entreprise Rosatom exerce une mainmise sur une grande partie des importations d’uranium naturel provenant du Kazakhstan et d’Ouzbékistan. Un message qu’il nous faut continuer de rappeler à travers nos campagnes et actions.
Selon le baromètre, les arguments pro-nucléaires en 2e et 3e position sont : « le faible coût de l’électricité » (22 %) et « la faible émission de gaz à effet de serre », qui obtient [...] 13 % ». Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est donc pas tant la dimension prétendument « décarbonnée » du nucléaire qui intéresse les Français·es, mais plutôt son prix. « La sûreté des installations nucléaires » n’arrive qu’en 4e position (9%), suivie par « la création ou le maintien d’emplois en France » (8%).
Du côté des arguments contre le nucléaire, arrive en tête du classement celui des déchets : « Pour la troisième année consécutive, la « production de déchets nucléaires » est considérée par les Français comme l’argument « le plus fort contre le nucléaire » (31 %) ». D’ailleurs, la majorité des Françai·ses (68 %) encourage une prise de décision et une action rapide au sujet du stockage des déchets radioactifs. Le sujet semble donc toujours porteur pour les luttes antinucléaires.
Le « risque d’accident » arrive en 2e position des arguments contre le nucléaire (27%), suivi de loin par le « coût du nucléaire » (13%) à égalité avec le « manque de transparence ».
Le solaire en tête, le nucléaire gagne du terrain
Le solaire est l’énergie perçue le plus positivement par les Français·es (26%). Elle arrive largement en tête pour les critères : « L’énergie la plus respectueuse de l’environnement » (36 %, contre 10 % pour le nucléaire), « L’énergie d’avenir » (31 %,contre 18 % pour le nucléaire), et « L’énergie la plus adaptée pour la transition énergétique » (29%, contre 18 % pour le nucléaire).
Mais sur la perception globale, le nucléaire se trouve seulement 3 petits points derrière le solaire (23%). Il bat les records de « l’énergie la plus performante » (45 %). Pour ce critère, l’énergie solaire arrive loin derrière (10 %). Continuer de faire connaître les problèmes de performance de la filière (retards et incidents notamment) constitue donc un enjeu fort pour la lutte antinucléaire.
Le nucléaire est aussi la deuxième énergie perçue comme celle qui coûte la moins cher (23%), derrière la réponse « Je ne sais pas » (26%) et l’énergie solaire (25%). Au regard du nouvel accord conclu entre EDF et le gouvernement, le prix de l’électricité nucléaire devrait pourtant augmenter. Le récent rapport de Greenpeace France est un outil de plus pour contrer cette idée reçue, puisque selon ce dernier, pour la même somme investie, un mix éolien/photovoltaïque permettrait d’éviter quatre fois plus d’émissions cumulées de CO2 d’ici à 2050 que la construction de 6 EPR2, tout en produisant trois fois plus d’électricité.
Comparant ces données avec celles des rapports antérieurs, le baromètre 2023 montre que le nucléaire est perçu de plus en plus positivement, à l’inverse des énergies renouvelables qui séduisaient davantage dans le passé.
Une méconnaissance du nucléaire et beaucoup d’indécis·es
Il est important de noter qu’une part non négligeable des Français·es est indécise au sujet de l’énergie. Quand on leur demande laquelle des sources d’énergie (solaire, nucléaire, éolien, charbon, etc.) correspond le mieux à tel ou tel critère (« L’énergie d’avenir », « L’énergie la plus performante », etc.) 20% en moyenne sur l’ensemble ont répondu « Je ne sais pas ». Autre exemple, au sujet de la sûreté nucléaire, pour l’idée que « prolonger la durée d’exploitation des centrales nucléaires provoquera des accidents », une majorité (39%) répond n’être « ni d’accord, ni pas d’accord » (contre 37% de « d’accord »).
Il y a donc globalement un enjeu à faire connaître les effets néfastes du nucléaire et à promouvoir les alternatives, pour convaincre les indécis·es et remobiliser celles et ceux qui, compte tenu de leurs valeurs écologistes et sociales, devraient en toute logique soutenir un monde sans nucléaire.
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