Lors de son entrée en fonction, Agnès Pannier-Runacher, nouvelle ministre en charge de la transition énergétique, a annoncé la couleur : « Notre ambition est également sans commune mesure pour notre filière nucléaire. Il nous faut optimiser notre parc existant, tout en lançant un grand programme de construction de six nouveaux réacteurs. Car face à l’urgence climatique, nous devons le dire sans détour, le nucléaire c’est une chance pour notre pays. C’est une chance pour l’Europe. Et tous ceux qui disent le contraire sont des apprentis sorciers qui mettent en danger notre futur ».
Cette déclaration confirme que les connaissances sur le sujet de Mme Pannier-Runacher, déjà signataire d’une tribune en faveur de l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie verte européenne, ne semblent pas aller plus loin que les éléments de langage creux propagés par le lobby.
La relance du nucléaire, une chance face à l’urgence climatique, vraiment ? Prétendre cela, c’est ignorer tous les scénarii récemment publiés (RTE, ADEME, négaWatt...) qui montrent que celle-ci n’est pas nécessaire pour atteindre nos objectifs. C’est en outre n’avoir pas lu le dernier rapport du GIEC, qui met en évidence la contribution médiocre du nucléaire à la réduction des émissions, extrêmement marginale comparée à celle des énergies renouvelables, bien plus rapides à développer et à un coût bien inférieur.
N’est-ce pas jouer à l’apprenti sorcier que de compter produire une part substantielle de l’électricité "bas-carbone" de demain avec de nouveaux EPR qui, selon des rapports internes, ont toutes les chances de ne pas être au rendez-vous en temps et en heure ? Au regard du fiasco de l’EPR de Flamanville, de la perte de compétences dans la filière et des affaires de fraudes et malfaçons qui l’ont marquée, espérer faire sortir de terre 6 nouveaux exemplaires sans retards, malfaçons ni surcoûts, n’est-ce pas de la pensée magique ? Alors que l’urgence climatique exige d’agir très vite, n’est-ce pas mettre en danger notre futur que de miser sur le nucléaire au détriment de solutions plus efficaces et plus rapides ?
N’est-ce pas jouer à l’apprenti sorcier que de tabler, pour atteindre nos objectifs climatiques, sur des scénarii qui supposent de prolonger le fonctionnement du parc nucléaire jusqu’à 60 ans (voire au-delà pour certains sites), alors que plusieurs réacteurs présentent déjà des cuves fissurées ? Et que l’Autorité de sûreté nucléaire martèle qu’EDF n’a toujours pas apporté de preuves indiquant qu’une prolongation au-delà de 50 ans serait possible ?
N’est-ce pas jouer à l’apprenti sorcier, alors que la sécheresse frappera de plus en plus durement notre pays, que de miser sur une technologie fortement consommatrice d’eau, au risque d’entraîner des conflits d’usage ? Face au risque de montée des eaux, de prévoir d’implanter des réacteurs nucléaires sur des polders, comme à Gravelines ?
Mme Pannier-Runacher, qui sont les apprentis sorciers qui mettent en danger notre futur ? N’est-ce pas plutôt cette industrie nucléaire criblée de dettes, qui veut mettre l’argent des contribuables au service de sa folle fuite en avant ? Qui a lancé le programme atomique français sans réfléchir au devenir des déchets radioactifs, et veut remettre des pièces dans la machine alors que le projet Cigéo, qui présente déjà de sévères problèmes de sûreté, serait en plus insuffisant pour accueillir les déchets de la relance du nucléaire ?
La déclaration de Mme Pannier-Runacher témoigne enfin d’un mépris incroyable pour l’immense majorité de la population qui, à des degrés divers, est légitimement préoccupée par le risque nucléaire et la question des déchets radioactifs [1]. Au lieu d’insulter les personnes qui critiquent le nucléaire, Mme Pannier-Runacher serait plus avisée de regarder en face les problèmes de cette filière !
Contact presse : Martial Chateau - 06 45 30 74 66