Faire un don

Sortir du nucléaire n°74



Été 2017

Mine d’uranium en Espagne : déboiser pour contaminer encore…

Une multinationale minière Berkeley Resources Limited développe depuis quelques années un projet d’extraction de minerai d’uranium à ciel ouvert en Espagne. Cette entreprise anglo-australienne, spécialisée dans les mines d’uranium, a jeté son dévolu sur des terrains de Retortillo, petit village situé près de Salamanque, dans l’ouest de l’Espagne, à quelques dizaines de kilomètres du Portugal. Les griffes du faucon Berkeley sont déjà à l’œuvre : des arbres centenaires sont taillés en morceaux, les terres sont décapées et la trituration du minerai peut commencer bientôt…

En 2011, la filiale Berkeley Minera España déclare son intérêt pour la zone dite de Campo Charro, près de Retortillo, à proximité de la rivière Yeltes. La mine se situerait juste à côté d’une zone protégée Natura 2000 et nécessiterait des transports de matériaux radioactifs traversant cette zone et le Yeltes. Elle s’étendrait sur un terrain de 5 km de long et de 1 km de large, sans compter les dizaines d’hectares occupés par les installations de concentration d’uranium et les bassins de rétention.

Berkeley s’impose dans l’ouest espagnol.

Impacts environnementaux de la mine d’uranium

L’extraction d’uranium va nécessiter de remuer de grandes quantité de roches (estimation de Berkeley : 344 563 m3 par an). Il faut en effet 33 tonnes de roches pour récupérer 1 kg d’oxyde d’uranium. Cela va donc engendrer de gigantesques tas de résidus. La qualité de l’air sera inévitablement impactée par cette mine d’uranium à ciel ouvert. Les poussières radioactives et le gaz radon dégagé affecteront la santé des personnes et des animaux, également des végétaux ; elles se déposeront sur les terres et les eaux de la région et certaines particules se retrouveront dans la chaîne alimentaire …

Début du saccage Berkeley à Retortillo.

Le procédé de concentration de l’uranium nécessite de grandes quantités d’eau et laisse des eaux polluées. Berkeley a obtenu de la Confédération Hydrographique du Duero qu’elle puisse prélever 60 000 m3 d’eau par an dans le Yeltes, sachant que celui-ci a un débit très irrégulier. Conséquence : il est probable que les habitants de la zone aient à pomper leur eau dans le sous-sol. De plus, les eaux polluées seront mises en décantation dans d’immenses bassins de rétention, et une partie de ces eaux sera renvoyée dans la rivière, d’où l’inquiétude des communes en amont et même du gouvernement portugais. Aucune consultation du Portugal (situé à 30 kilomètres), ni des populations locales, n’a été réalisée.

Des méthodes brutales et peu claires

En 2012, un collectif Stop Uranio se constitue pour dénoncer les manœuvres et magouilles de l’entreprise minière. Dès le début, en effet, celle-ci a "acheté" les élus et les gens, et mis en avant la création d’emplois en insistant cruellement sur le manque d’emploi dans la région. Sur son site Internet, l’entreprise déclare vouloir créer 450 emplois directs et induire 2 000 emplois indirects, notamment par son programme "Bons voisins, bons associés". Elle se targue de sa responsabilité sociale : plantation de 30 000 chênes verts (en compensation des 30 000 abattus), programme de régénération de la terre, rajeunissement de la population, plan de formation, soutien aux femmes (en sciences, technologies, ingénieries, mathématiques), wifi pour la communauté locale…

Berkeley a offert de l’argent et des conventions aux municipalités, sans préciser que l’activité à venir serait radioactive… À Retortillo, elle a sollicité le changement d’usage du sol (agricole à minier) pour 1 445 hectares, ce qu’elle a obtenu. Et en juillet 2016, elle y a coupé 400 chênes verts, dont certains avaient 500 ans, sans autorisation légale. Certains propriétaires qui ne voulaient pas vendre leurs terrains à l’entreprise pour la construction d’une route ont subi une expropriation forcée.

La coupe de 30 000 arbres a déjà commencé...

Berkeley a obtenu un avis favorable du Parlement européen, via le lobby de membres du Parti Populaire espagnol ; et le Conseil provincial lui a accordé son autorisation minière en juin 2014. Un an plus tard, José Manuel Soria López [1] , ministre espagnol de l’Énergie, accorde à l’entreprise, sans lui imposer d’étude d’impact environnemental, le permis d’exploiter à Retortillo une usine de concentration d’uranium, ce qui a provoqué une contestation de la part du parti écologiste Equo et des Écologistes en action. De son côté, en 2012, le Conseil de Sécurité Nucléaire a écrit un rapport sur la mine d’uranium, reprochant à Berkeley de ne pas considérer les résidus miniers comme radioactifs. Finalement, l’entreprise reconnut cette omission, et obtint un avis favorable !

Pour s’implanter, Berkeley a distribué de l’argent "généreusement" : manifestations festives et sportives, résidence pour les anciens, équipements pour la piscine, cadeaux pour les Fêtes, etc. Et une entreprise de sécurité liée à Berkeley a donné des paquets-cadeaux aux voisins qui ne veulent pas vendre leur terre. En 2012, le maire de Retortillo a vendu un terrain de 14 hectares à Berkeley au double de sa valeur ; elle a pu y installer ses bureaux. En fait, huit mois avant, le maire lui avait accordé les permis municipaux. Trois des conseillers municipaux avaient commencé à travailler pour Berkeley. Suite aux élections de 2015, deux d’entre eux restent au Conseil et Berkeley a même réussi à "retourner la veste" du nouveau maire initialement défavorable à la mine ! Plusieurs personnes actives contre le projet mine ont souffert de tentatives d’agression par les deux conseillers…

Le chantage à l’emploi

L’entreprise promet donc de créer 450 emplois (actuellement : 50) ; elle a fait travailler l’Université de Salamanque pour estimer le nombre d’emplois induits à 2 000 environ. Berkeley met en avant le fait qu’à ce jour, elle a reçu plus de 20 000 candidatures. Via l’agence intérimaire Adecco, elle fait miroiter l’embauche de 200 personnes rien que pour Retortillo, mais, en fait, cela ne concernera que 15 à 20 postes ; les autres viendront d’ailleurs.

Dans le même temps, le collectif Stop Uranio explique que des milliers d’emplois vont disparaître dans l’élevage, l’agriculture et le tourisme du fait des impacts de l’exploitation radioactive. Par exemple, la station thermale de Retortillo connue depuis deux millénaires et proche du site devra fermer (70 salariés permanents). La région risque donc de tomber dans la mono-activité nucléaire avec tous les périls sociaux, économiques et environnementaux de cette filière mortifère.

"Non à la mine !"

Protestation sur le terrain "Non à la mine".

Malgré les pressions, les habitants de la zone se prononcent contre la mine, et les opposants se mobilisent : sites Internet, réseaux sociaux, pétitions, manifestations sur le terrain, protestations légales. Quasiment tous les jours, via FaceBook, Stop Uranio informe de l’évolution de la situation. Mais l’atmosphère reste tendue. Berkeley a cité en justice deux personnes, les menaçant de les accuser d’injures et de calomnies. Et le conseil municipal de Retortillo a relayé l’entreprise en déclarant les deux citoyens "persona non grata".

Plusieurs députés (Xavier Benito, Juantxo López de Uralde) ont dénoncé devant les institutions européennes et espagnoles les risques infligés à la population de cette région de Salamanque.

La mobilisation des opposants à ce projet de mine d’uranium continue à tous les niveaux. Régulièrement, des rassemblements sont organisés à Salamanque. Comme en France, la filière nucléaire est moribonde et, à l’heure où de nombreux espagnols réclament la sortie du nucléaire, il parait important de dénoncer ce projet inutile et insensé.

Bernard Cottier,

administrateur du Réseau "Sortir du nucléaire"

Manifestation devant les locaux de Berkeley.

Liens utiles :

https://www.facebook.com/StopUranioCampoCharro/

https://www.ecologistasenaccion.org/

https://jesusenlared.blogspot.fr/

https://www.juantxo.org


Notes

[1J.M. Soria López est dénoncé pour de multiples cas de falsifications et corruption.

En 2011, la filiale Berkeley Minera España déclare son intérêt pour la zone dite de Campo Charro, près de Retortillo, à proximité de la rivière Yeltes. La mine se situerait juste à côté d’une zone protégée Natura 2000 et nécessiterait des transports de matériaux radioactifs traversant cette zone et le Yeltes. Elle s’étendrait sur un terrain de 5 km de long et de 1 km de large, sans compter les dizaines d’hectares occupés par les installations de concentration d’uranium et les bassins de rétention.

Berkeley s’impose dans l’ouest espagnol.

Impacts environnementaux de la mine d’uranium

L’extraction d’uranium va nécessiter de remuer de grandes quantité de roches (estimation de Berkeley : 344 563 m3 par an). Il faut en effet 33 tonnes de roches pour récupérer 1 kg d’oxyde d’uranium. Cela va donc engendrer de gigantesques tas de résidus. La qualité de l’air sera inévitablement impactée par cette mine d’uranium à ciel ouvert. Les poussières radioactives et le gaz radon dégagé affecteront la santé des personnes et des animaux, également des végétaux ; elles se déposeront sur les terres et les eaux de la région et certaines particules se retrouveront dans la chaîne alimentaire …

Début du saccage Berkeley à Retortillo.

Le procédé de concentration de l’uranium nécessite de grandes quantités d’eau et laisse des eaux polluées. Berkeley a obtenu de la Confédération Hydrographique du Duero qu’elle puisse prélever 60 000 m3 d’eau par an dans le Yeltes, sachant que celui-ci a un débit très irrégulier. Conséquence : il est probable que les habitants de la zone aient à pomper leur eau dans le sous-sol. De plus, les eaux polluées seront mises en décantation dans d’immenses bassins de rétention, et une partie de ces eaux sera renvoyée dans la rivière, d’où l’inquiétude des communes en amont et même du gouvernement portugais. Aucune consultation du Portugal (situé à 30 kilomètres), ni des populations locales, n’a été réalisée.

Des méthodes brutales et peu claires

En 2012, un collectif Stop Uranio se constitue pour dénoncer les manœuvres et magouilles de l’entreprise minière. Dès le début, en effet, celle-ci a "acheté" les élus et les gens, et mis en avant la création d’emplois en insistant cruellement sur le manque d’emploi dans la région. Sur son site Internet, l’entreprise déclare vouloir créer 450 emplois directs et induire 2 000 emplois indirects, notamment par son programme "Bons voisins, bons associés". Elle se targue de sa responsabilité sociale : plantation de 30 000 chênes verts (en compensation des 30 000 abattus), programme de régénération de la terre, rajeunissement de la population, plan de formation, soutien aux femmes (en sciences, technologies, ingénieries, mathématiques), wifi pour la communauté locale…

Berkeley a offert de l’argent et des conventions aux municipalités, sans préciser que l’activité à venir serait radioactive… À Retortillo, elle a sollicité le changement d’usage du sol (agricole à minier) pour 1 445 hectares, ce qu’elle a obtenu. Et en juillet 2016, elle y a coupé 400 chênes verts, dont certains avaient 500 ans, sans autorisation légale. Certains propriétaires qui ne voulaient pas vendre leurs terrains à l’entreprise pour la construction d’une route ont subi une expropriation forcée.

La coupe de 30 000 arbres a déjà commencé...

Berkeley a obtenu un avis favorable du Parlement européen, via le lobby de membres du Parti Populaire espagnol ; et le Conseil provincial lui a accordé son autorisation minière en juin 2014. Un an plus tard, José Manuel Soria López [1] , ministre espagnol de l’Énergie, accorde à l’entreprise, sans lui imposer d’étude d’impact environnemental, le permis d’exploiter à Retortillo une usine de concentration d’uranium, ce qui a provoqué une contestation de la part du parti écologiste Equo et des Écologistes en action. De son côté, en 2012, le Conseil de Sécurité Nucléaire a écrit un rapport sur la mine d’uranium, reprochant à Berkeley de ne pas considérer les résidus miniers comme radioactifs. Finalement, l’entreprise reconnut cette omission, et obtint un avis favorable !

Pour s’implanter, Berkeley a distribué de l’argent "généreusement" : manifestations festives et sportives, résidence pour les anciens, équipements pour la piscine, cadeaux pour les Fêtes, etc. Et une entreprise de sécurité liée à Berkeley a donné des paquets-cadeaux aux voisins qui ne veulent pas vendre leur terre. En 2012, le maire de Retortillo a vendu un terrain de 14 hectares à Berkeley au double de sa valeur ; elle a pu y installer ses bureaux. En fait, huit mois avant, le maire lui avait accordé les permis municipaux. Trois des conseillers municipaux avaient commencé à travailler pour Berkeley. Suite aux élections de 2015, deux d’entre eux restent au Conseil et Berkeley a même réussi à "retourner la veste" du nouveau maire initialement défavorable à la mine ! Plusieurs personnes actives contre le projet mine ont souffert de tentatives d’agression par les deux conseillers…

Le chantage à l’emploi

L’entreprise promet donc de créer 450 emplois (actuellement : 50) ; elle a fait travailler l’Université de Salamanque pour estimer le nombre d’emplois induits à 2 000 environ. Berkeley met en avant le fait qu’à ce jour, elle a reçu plus de 20 000 candidatures. Via l’agence intérimaire Adecco, elle fait miroiter l’embauche de 200 personnes rien que pour Retortillo, mais, en fait, cela ne concernera que 15 à 20 postes ; les autres viendront d’ailleurs.

Dans le même temps, le collectif Stop Uranio explique que des milliers d’emplois vont disparaître dans l’élevage, l’agriculture et le tourisme du fait des impacts de l’exploitation radioactive. Par exemple, la station thermale de Retortillo connue depuis deux millénaires et proche du site devra fermer (70 salariés permanents). La région risque donc de tomber dans la mono-activité nucléaire avec tous les périls sociaux, économiques et environnementaux de cette filière mortifère.

"Non à la mine !"

Protestation sur le terrain "Non à la mine".

Malgré les pressions, les habitants de la zone se prononcent contre la mine, et les opposants se mobilisent : sites Internet, réseaux sociaux, pétitions, manifestations sur le terrain, protestations légales. Quasiment tous les jours, via FaceBook, Stop Uranio informe de l’évolution de la situation. Mais l’atmosphère reste tendue. Berkeley a cité en justice deux personnes, les menaçant de les accuser d’injures et de calomnies. Et le conseil municipal de Retortillo a relayé l’entreprise en déclarant les deux citoyens "persona non grata".

Plusieurs députés (Xavier Benito, Juantxo López de Uralde) ont dénoncé devant les institutions européennes et espagnoles les risques infligés à la population de cette région de Salamanque.

La mobilisation des opposants à ce projet de mine d’uranium continue à tous les niveaux. Régulièrement, des rassemblements sont organisés à Salamanque. Comme en France, la filière nucléaire est moribonde et, à l’heure où de nombreux espagnols réclament la sortie du nucléaire, il parait important de dénoncer ce projet inutile et insensé.

Bernard Cottier,

administrateur du Réseau "Sortir du nucléaire"

Manifestation devant les locaux de Berkeley.

Liens utiles :

https://www.facebook.com/StopUranioCampoCharro/

https://www.ecologistasenaccion.org/

https://jesusenlared.blogspot.fr/

https://www.juantxo.org



Soyez au coeur de l'information !

Tous les 3 mois, retrouvez 36 pages (en couleur) de brèves, interviews, articles, BD, alternatives concrètes, actions originales, luttes antinucléaires à l’étranger, décryptages, etc.

Je m'abonne à la revue du Réseau