Le subventionnement de nouveaux réacteurs nucléaires enfin recalé par la justice européenne !
Le 11 septembre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a annulé l’autorisation de subventionnement public hongrois du projet de nouveaux réacteurs nucléaires « Paks II ». En effet, ce projet qui devait être construit par une filliale de Rosatom et financé via une banque Russe, n’a pas fait l’objet d’appel d’offre — ce qui n’est pas sans rappeler la situation des 6 projets d’EPR2 français.
La persévérance antinucléaire paie !
L’Autriche, pays européen dont la constitution est antinucléaire, a obtenu de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 11 septembre 2025, l’annulation de l’autorisation du subventionnement du projet « Paks II » de deux réacteurs nucléaires en Hongrie [1] !
La Commission européenne avait autorisé ce subventionnement par sa décision 2017/2112 du 6 mars 2017. Ce projet avait été conclu entre Poutine et Orbán en 2014, en pleine annexion de la Crimée par la Russie. Dans ce litige, le Luxembourg est intervenu pour soutenir l’Autriche dans son pourvoi. Défenderesse, la Commission européenne a été soutenue par la Hongrie bien entendu, mais aussi par une brochette de gouvernements tous plus pronucléaires les uns que les autres, voire fascistes en plus. On y trouve la France de Macron. Faut-il s’en étonner ?
Le coeur du litige : le respect du droit européen des marchés publics n’a pas été motivé par la Commission
Le dossier avait été présenté de façon particulièrement baroque : une société, « Paks II », 100 % publique devait faire construire ces deux réacteurs par une filiale de Rosatom et les exploiter. Pour financer tout cela, la Russie fournissait un prêt de 10 milliards d’euros à la Hongrie, consigné dans une banque russe et qui devait être débloqué vers la filiale de Rosatom au fur et à mesure de la construction. La Hongrie complétait avec 2,5 milliards d’euros débloqués vers la filiale de Rosatom au même rythme. La Commission européenne et la Hongrie ont tenté de décrire le cas comme une mise à disposition « à titre gratuit » de réacteurs nucléaires par la Hongrie à la société Paks II, se gardant bien d’évoquer le contrat de construction conclu sans appel d’offres avec la filiale de Rosatom et le prêt d’État intergouvernemental devant lier la Hongrie à la Russie pendant de nombreuses années.
La CJUE estime que cette présentation était incomplète et que la Commission européenne aurait dû motiver sa vérification [2] du respect de la directive 2014/25/UE concernant le marché public de la construction. Ce n’est pas le premier revirement dans ce dossier car le député européen écologiste (2014-2019) Benedek Jávor déclarait en décembre 2016 [3] soit avant l’autorisation de la Commission européenne :
« L’enquête sur une éventuelle violation du droit européen des marchés publics faisait suite à une plainte que j’avais déposée en 2014, et en novembre 2015 la Commission a annoncé l’ouverture d’une procédure d’infraction pour absence d’appel d’offres dans le cadre du projet. Dans la lettre d’ouverture de la procédure d’infraction, elle a déclaré que Paks II relevait de la réglementation européenne en matière de marchés publics et qu’un appel d’offres international aurait dû être organisé. Près d’un an plus tard, en août [2016], j’ai reçu une lettre de la Commission présentant un compromis avec la Hongrie qui suivait un raisonnement complètement différent, basé sur les arguments avancés par Budapest. »
La décision de la CJUE n’empêche pas la poursuite du projet mais la Commission européenne devra ouvrir une nouvelle procédure d’enquête. Elle va examiner si l’absence d’appel d’offres était conforme aux règles de l’Union Européenne. L’existence de conflits entre le gouvernement hongrois et la Commission européenne ainsi que l’évolution des relations entre l’UE et la Russie depuis 2017 pourraient pousser la Commission européenne à conclure, cette fois, que la procédure d’attribution directe violait les règles de l’Union Européenne. Dans cette hypothèse, le gouvernement hongrois devra lancer un nouvel appel d’offres, ce qui pourrait compromettre le contrat existant avec la Russie.
Pas davantage d’appel d’offres en France : les 6 EPR2 en projet fragilisés !
Si la présence dans cette affaire de la Russie poutinienne et de Rosatom est notable, il est tout aussi notable de relever avec la CJUE que le législateur européen a renforcé la nécessité de « faire marcher la concurrence » dans ce type de contrat de construction d’infrastructures énergétiques : entre la directive 2004/17/CE de 2004 et la directive 2014/25/UE de 2014, notamment leurs articles respectifs 40 et 50, il a été ajouté les notions d’« alternative » et de « fonction comparable » au point qu’on peut se demander si la mise en concurrence de Framatome [4], Westinghouse et KHNP, au bénéfice de ce dernier, par la République tchèque pour le projet Dukovany, est vraiment suffisante tant les EnR [5] sont moins chères que tous les projets de nouveau nucléaire pour in fine fournir de l’électricité.
Le nouveau nucléaire macronien n’en est même pas là et, de la même façon que pour Rosatom en Hongrie, on n’a jamais entendu parler que Framatome allait être mis en concurrence en France. Cela plaide une nouvelle fois pour l’arrêt immédiat des travaux préparatoires à Penly, Gravelines et Bugey [6].
La position pro-concurrence de la réglementation européenne n’est pas qu’une lubie libérale, elle vise aussi à ne plus voir de scandales de type EPR de Flamanville. Enfin, ce remarquable arrêt de la CJUE éclaire d’un jour nouveau la curieuse manœuvre opérée le 27 juin 2025 par Framatome et Westinghouse : le Canard enchaîné [7] avait révélé que ceux-ci avaient conclu une entente pour se répartir les marchés de construction de réacteurs en Europe. L’avocate générale avait déjà produit ses conclusions le 27 février 2025. On comprend mieux l’affolement de ces candidats malheureux à Dukovany.
Notes
[2] En vertu de l’article 296 TFUE.
[3] https://www.boell.de/en/2016/12/30/benedek-javor-commission-should-not-have-approved-paks-ii-project
[4] Avec la proposition d’un EPR 1200… qui n’existe nulle part.
[5] https://www.researchgate.net/publication/320776549_Global_100_RE_System_Europe_-_Czech_Republic_Slovakia
[6] D’autant plus que la récente dégradation de la note de la France renchérit pour le budget de l’État le PTZ nécessaire au nouveau nucléaire, alors que les EnR n’exigent pas ce type de financement.
