Faire un don

Le nucléaire met notre eau en danger !

C ’est l’un des aspects du nucléaire qui devient de plus en plus crucial : son impact considérable sur la ressource en eau. En effet, le refroidissement des centrales nécessite de prélever une grande quantité d’eau, en partie rejetée dans les milieux naturels à une température plus élevée, et pour une autre partie évaporée par les tours de refroidissement.

Ces prélèvements importants, effectués dans des cours d’eau déjà affectés par une baisse de débit, entraînent déjà et entraîneront de plus en plus des conflits d’usage. Quant aux rejets thermiques, ils ont des conséquences notables sur la biodiversité aquatique.

L’industrie nucléaire a le droit de polluer les cours d’eau et de déverser chaque année d’importantes quantités de produits chimiques et d’éléments radioactifs dans l’environnement. À ces rejets “légaux“, ajoutons les pollutions accidentelles – chimiques, radioactives ou par des hydrocarbures – des fleuves ou nappes souterraines. Mentionnons aussi les millions de poissons piégés chaque année dans les prises d’eau des centrales.

De plus en plus souvent, lorsque la production d’électricité entre en conflit avec les enjeux environnementaux, une logique dérogatoire l’emporte, en faveur de l’industrie nucléaire.

Prétendre relancer le nucléaire sous prétexte de lutter contre le réchauffement climatique alors que cette industrie fait disparaître en été jusqu’à 15 % de l’eau de certains fleuves (Loire, etc.), revient à occulter la vulnérabilité de cette industrie et sa nocivité pour l’environnement.

Cette brochure a vocation à rendre visible les impacts destructeurs du nucléaire sur la ressource en eau et les milieux aquatiques, mais aussi à mettre en lumière la vulnérabilité de cette industrie au réchauffement climatique et à son lot de sécheresses, inondations, et autres phénomènes météorologiques extrêmes. Faute d’une réorientation immédiate de notre système énergétique vers la sobriété et les renouvelables, ces difficultés ne feront que s’accroître. Face à ces constats, le Réseau “Sortir du nucléaire“ formule une série de demandes à mettre en place très rapidement pour préserver nos biens communs, et rappelle sa demande de sortie du nucléaire.

Bilan des prélèvements Bilan de la consommation

LE NUCLÉAIRE DILAPIDE LA RESSOURCE EN EAU

Le secteur du nucléaire est l’un des principaux préleveur et consommateur d’eau en France derrière l’agriculture.

Selon les modèles de réacteurs, les quantités d’eau prélevées puis restituées (ou non) au milieu naturel sont plus ou moins importantes. Un réacteur en “circuit ouvert“ pompe de 42 à 57 m3 d’eau par seconde, (soit pour une centrale comme celle de Saint-Alban, sur le Rhône, l’équivalent de 2 piscines olympiques par minute), puis la rejette presque intégralement après l’avoir réchauffée. Dans un réacteur “en circuit fermé“ et doté de tours de refroidissement, le chiffre est plus faible (2 à 3 m3 d’eau par seconde). En revanche, dans ce système, un tiers de l’eau pompée, transformée en vapeur, ne sera pas restituée au cours d’eau. Avec ses 4 réacteurs, la centrale de Cattenom, sur la Moselle évapore ainsi 4 m3 d’eau par seconde.

Ces ponctions importantes ont des impacts directs sur les quantités d’eau disponibles. En 2020, la centrale de Chooz a ainsi dû être arrêtée pendant tout le mois de septembre afin de maintenir suffisamment élevé le débit de la Meuse qui alimente la Belgique.

Le nucléaire est reponsable de la mort de milliers de poissons

En cause, les systèmes de refroidissement des centrales qui aspirent les espèces aquatiques. Au Blayais, pourtant la seule centrale française équipée d’un dispositif spécifique de réduction de la mortalité des espèces, pas moins de 540 tonnes d’organismes vivants sont piégés chaque année. Parmi les espèces concernées, on retrouve des sardines, crevettes, sprats ou encore des poissons protégés comme les anguilles européennes ou la grande alose, qui figurent sur la liste rouge des espèces en danger critique.

EDF AUTORISÉE À PONCTIONNER LES NAPPES PHRÉATIQUES

Après la catastrophe de Fukushima, l’Autorité de sûreté nucléaire a demandé à EDF d’effectuer de lourds travaux pour doter les centrales d’un approvisionnement en eau de dernier secours en cas de perte de la “source froide“ (impossibilité de prélever l’eau dans le fleuve pour refroidir les installations).

Pour ce faire, EDF a été autorisée à forer des puits atteignant les nappes phréatiques. Les travaux et tests (qui peuvent entraîner des pollutions de la nappe) s’accompagnent de prélèvements très importants. À cette occasion, à titre d’exemple, la centrale de Chinon est autorisée à prélever jusqu’à 7 200 m3/jour soit l’équivalent de deux piscines olympiques. Celle de Dampierre, elle, est autorisée à pomper jusqu’à 3 600 m3/jour pour ces travaux, mais dans une nappe phréatique jusqu’alors réservée à la consommation humaine.

Alors que le niveau des nappes baisse, cette tension entre sûreté nucléaire et préservation de la ressource en eau devient de plus en plus problématique.

LE NUCLÉAIRE POLLUE !

Le fonctionnement des installations nucléaires requiert l’utilisation de nombreux produits chimiques (anticalcaire, antibactérien…) même en situation de fonctionnement normal.

Ammoniac, acide borique, hydrazine, phosphore, acide sulfurique et chlorhydrique, monochloramine, nitrates, sans oublier divers métaux… ces substances couramment rejetées par l’industrie nucléaire ne sont pas sans conséquence sur les milieux aquatiques. À ces “rejets autorisés“ s’ajoutent les incidents : pollution aux hydrocarbures de la Moselle par la centrale de Cattenom en février 2022, des eaux pluviales sur le site de Flamanville en juin 2022, ammoniac, acide et eau de Javel déversés dans le Rhône par la centrale de Cruas en janvier 2022...

Ces rejets sont malheureusement loin d’être exceptionnels et le Réseau “Sortir du nucléaire“ fait régulièrement condamner EDF pour pollution des eaux.

Qui exerce la surveillance sur l’environnement des impacts du nucléaire ?

EDF ! C’est donc le responsable de la pollution qui est censé réaliser lui-même des analyses de cette même pollution… Ce système contrôleur/contrôlé soulève une question de conflit d’intérêt.

En 2021, la centrale de Belleville a déposé une demande d’autorisation de rejets annuels dans la Loire évoquant jusqu’à 1100 tonnes de nitrates (soit la quantité produite par l’élevage de 50 000 porcs), 16 tonnes de cuivre, 12 tonnes de monochloramine, ainsi que des substances cancérogènes comme la nitrosomorpholine… ainsi que 80 000 milliards de Becquerels de tritium (dérivé radioactif de l’hydrogène) !

La Hague saturée par le nucléaire

Truzguiladh, CC BY-SA 2.5 - wikimedia

Le site Orano de La Hague constitue la plus importante source de pollution radioactive des eaux du monde.

Chaque jour, il rejette dans la Manche autant de tritium que l’intégralité des réacteurs nucléaires en fonctionnement dans le monde, l’usine étant autorisée à rejeter 500 fois plus de tritium dans la mer qu’un réacteur nucléaire !

En plus de la pollution chimique, l’industrie nucléaire rejette des éléments radioactifs dans l’environnement comme le carbone 14 ou le tritium. Ce dernier, un élément toxique de nature radioactive qui n’existe quasiment pas à l’état naturel et ne peut pas être filtré de manière industrielle par EDF, est donc rejeté dans les cours d’eau. Les radiations ionisantes au tritium ont un double impact sur le vivant : elles peuvent casser les molécules d’ADN entraînant des modifications de gènes et produire des radicaux libres qui engendrent des lésions chimiques dont des cancers. Si les rejets actuels sont inférieurs aux seuils officiels, fixés très hauts, la présence quotidienne de doses de tritium dans l’eau soulève toutefois de sérieuses questions quant à son impact sur les végétaux, les espèces aquatiques et les humains qui y sont exposés quotidiennement.

Prélèvements citoyens de l’ACRO

DES MILLIONS DE PERSONNES BOIVENT QUOTIDIENNEMENT DE L’EAU FAIBLEMENT CONTAMINÉE

Angers, Issy-les-Moulineaux, Nantes, Châtellerault… d’après une étude réalisée par l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest (ACRO) en 2019, plus de 268 communes françaises soit 6,4 millions de personnes boivent de l’eau du robinet contenant de faibles doses de radioactivité. De son côté, le laboratoire indépendant de la CRIIRAD évoque 861 communes où des analyses attestent d’une contamination radioactive.

Des résultats corroborés par l’étude menée à l’été 2022 en région parisienne par le Réseau “Sortir du nucléaire“ qui montre la contamination de l’eau potable de Choisy-le-Roi, où se trouve une usine de traitement qui alimente 56 communes de la banlieue Sud et Ouest de Paris, par le tritium rejeté par la centrale de Nogent-sur-Seine, pourtant située à 100 km en amont. Il n’existe aujourd’hui aucune étude indépendante et fiable quant aux conséquences sur la santé d’une exposition répétée aux faibles doses de tritium et les seuils actuels de potabilité sont controversés. Surtout, la présence d’éléments radioactifs en situation “normale“ dans le réseau d’eau potable montre que celui-ci serait contaminé en cas d’accident.

LE RÉCHAUFFEMENT DES COURS D’EAU MENACE LA BIODIVERSITÉ AQUATIQUE

Pour pouvoir refroidir leurs réacteurs, les centrales nucléaires prélèvent de l’eau dans la mer ou dans les cours d’eau. Eau qu’elles rejettent ensuite en partie dans l’environnement à une température plus élevée, de moins d’1°C à +10°C selon les modèles et les sites. Cet échauffement est encadré par des arrêtés fixant pour chaque installation l’écart maximal à ne pas dépasser entre la température amont et aval, ainsi que, pour certaines, la température maximale autorisée pour les cours d’eau après rejet. Lorsque ces seuils sont en passe d’être atteints (ce qui arrive d’autant plus vite que le débit des cours d’eau est faible), les réacteurs doivent s’arrêter ou réduire leur puissance pour préserver la biodiversité aquatique, déjà mise à mal par les températures élevées.

Cependant, et les canicules de l’été 2022 l’ont encore une fois démontré, pour pouvoir continuer à produire même en période de grand chaud, EDF bénéficie régulièrement de dérogations l’autorisant à passer outre la température maximale pour les eaux au point de rejet, pourtant fixée à des seuils élevés ( jusqu’à 30°C pour Golfech sur la Garonne et 36,5°C pour le Blayais, sur la Gironde ! ).

À l’été 2022, au nom de la sécurité d’approvisionnement et du bon fonctionnement du réseau électrique, cette situation “exceptionnelle“ s’est imposée comme nouvelle norme… au mépris des milieux aquatiques. Les nombreuses dérogations accordées à l’été 2022 l’ont été sans consultation publique préalable, EDF étant chargée d’évaluer a posteriori les impacts sur la faune et la flore.

28°C

C’est la température atteinte par la Garonne en juillet 2022 au niveau de la centrale nucléaire de Golfech, température de l’eau à laquelle de nombreuses espèces survivent difficilement.

À partir de 25°C, la plupart des poissons sont déjà dans une situation d’inconfort. Malgré cela, EDF a reçu sur cette même période, une dérogation pour pouvoir rejeter de l’eau réchauffée au-delà des seuils autorisés !

Cet échauffement est bien sûr problématique en été, touchant particulièrement, les juvéniles, plus fragiles, et la faune moins mobile comme les mollusques, invertébrés ou les crustacés, ainsi que les plantes aquatiques qui ne peuvent échapper à ces rejets thermiques. Mais il a également un impact hors période estivale sur la migration et la reproduction des poissons (la plupart des espèces privilégiant des températures inférieures à 18-20°C) et sur la survie des alevins. Enfin, il favorise la prolifération d’espèces invasives et des algues, accentuant le phénomène d’eutrophisation.

Les impacts de ces rejets peuvent être mal appréhendés, les eaux chaudes ne se mélangent pas immédiatement avec les eaux froides. Par ailleurs, les mesures par moyenne journalière peuvent masquer des variations importantes avec des pics délétères pour la faune et la flore.

UNE INDUSTRIE VULNÉRABLE AU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

Avec l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses et canicules, la question du stress hydrique doit être anticipée. L’étude de référence Explore 2070 prévoit une baisse importante du débit de nos fleuves et rivières (de -10 à – 40% en moyenne annuelle à l’horizon 2050-2070) et une forte diminution des débits d’étiage.

Avec de faibles débits, les températures critiques seront atteintes plus rapidement, imposant un arbitrage de plus en plus fréquent entre production d’électricité et protection de la biodiversité. Les conflits d’usage entre besoins énergétiques et agricoles seront exacerbés. Le maintien d’un débit suffisant pour faire fonctionner les installations nucléaires constituera (et constitue déjà, dans le cas de la Vienne) un enjeu, posant la question de la disponibilité des réacteurs sur toute une partie de l’année.

La perturbation du cycle de l’eau risque également d’accroître la fréquence et l’intensité de certains phénomènes pouvant présenter des risques pour la sûreté nucléaire. Les sécheresses risquent d’alterner avec des épisodes de fortes pluies et le réchauffement de la Méditerranée est susceptible d’accroître l’intensité des épisodes cévenols et donc des inondations (avec des conséquences possibles sur le bassin versant de la Loire). Or, les arbres, véhicules, débris divers charriés par les eaux sont susceptibles d’obturer les prises d’eau, compromettant le refroidissement des installations. Les atteintes à différents équipements, dont ceux relevant de l’alimentation électrique, peuvent entraîner des défaillances.

Enfin, la montée du niveau de la mer menace les sites situés sur les littoraux. Pourtant, les sites de Penly et Gravelines, construits dans des polders, ont été retenus pour accueillir de nouveaux réacteurs. Celui de Gravelines risque d’être entouré d’eau d’ici à la fin du siècle.

André Paris

Indépendamment des risques et de la production de déchets entraînés par le recours au nucléaire, les enjeux liés à la ressource en eau dans un contexte de changement climatique imposent la remise en question des projets de prolongation massive du parc et de construction de nouveaux réacteurs.

Nous demandons aux parlementaires, aux “parlements de l’eau“ (comités de bassin …), et à l’ensemble des élu·es :

 de s’opposer à ces projets, qui ne sont ni réalistes ni souhaitables ;
 d’exiger une réelle intégration des enjeux liés à l’eau, la biodiversité et l’évolution du climat dans les travaux de prospective énergétique ;
 de soutenir une transition rapide vers un système énergétique sobre et 100 % renouvelable.

À court terme, nous demandons :

 Une réelle prise en compte de l’impact du nucléaire sur la ressource en eau et la biodiversité ;

 La réalisation d’études indépendantes notamment d’une exposition chronique aux faibles doses de tritium ;

 La fin du greenwashing sur le nucléaire ;

 Une information claire et honnête des citoyen.nes.