Alternatives
La première éolienne au monde dont les propriétaires sont des enfants
Un projet citoyen exceptionnel, mariant intérêt financier et finalités éducatives.
« Où squi za sont aveu stéolienne-là ? ». à Mesnil-Eglise, petit village belge blotti en pleine campagne, les habitants sinterrogent. Il y a 6 mois, une première éolienne sest élevée sur les épaules du village voisin, Finnevaux. Déjà une petite révolution. Et voici que la société « Vents dHouyet » en annonce une seconde pour mai 2005, sur la crête du Grand Sart. Mieux : il paraît que les propriétaires seront des enfants. À en perdre son patois.
« Il y a vingt ans, javais déjà fait des mesures ici, à une époque où le renouvelable navait pas droit de cité, nous raconte Bernard Delville. Aujourdhui beaucoup de choses ont changé : les machines sont performantes, le contexte est plus propice et la revente délectricité verte facilitée ». Un vent si favorable que cet utopiste pragmatique reçoit lan dernier une aide confortable de la Région wallonne et de lEurope pour installer une éolienne à deux pas de son village et dont la production suffit à alimenter léquivalent de 250 familles toute lannée. Mais lhomme ne sarrête pas là. Outre le plus pour lenvironnement, les 100 000 annuels tirés de la revente délectricité verte permettent désormais à la société spécialement créée, « Vents dHouyet », de consacrer dimportants moyens à la sensibilisation. « LAcadémie du Vent, qui faisait partie du volet éducatif de notre subvention, est désormais alimentée sur fonds propres et sensibilise dans les écoles, les fêtes locales, etc. Le reste de largent est investi dans une seconde éolienne, qui sera financée en grande partie par une coopérative denfants ».
Un bas de laine en forme déolienne
Le principe est simple : avec des participations à la construction de 100 euros par part, l’enfant-coopérateur, souvent parrainé par sa famille, se verra rétribuer une partie des revenus tirés de lénergie éolienne produite. Il devient ainsi un véritable actionnaire de lénergie alternative.
« Dans un premier temps, comme la part de fonds propres est faible, avec 500 parts denfants (10% de lensemble de linvestissement), on va dabord rembourser la banque, explique M. Delville. Après 2 ans, en principe, un petit revenu de 2% sera alloué aux coopérateurs. Ce revenu passera à 6% dès le remboursement de la Banque, au plus tard dans 11 ans. Plus il y aura dactionnaires, plus vite lemprunt sera remboursé. »
Le regard de Bernard Delville porte loin, tiré par son enthousiasme sans borne. Derrière cette deuxième éolienne, se profile déjà une troisième : « La démonstration est intéressante pour montrer aux communes quelles devraient exploiter leurs ressources renouvelables ».
La formule semble en effet séduire. Parents, parrains et grands-parents viennent de partout, du sud Luxembourg à Bruxelles. Un Belge a même pris des parts pour des enfants de Dakar.
« Et tous demandent quon leur explique lenjeu des énergies renouvelables. Cest très important, car le conseil dadministration de la coopérative est très attentif à la pérennité du projet, estimant quau-delà de lenjeu financier, le rôle éducatif de linitiative est prioritaire ».
Académiciens en air
Pour faire ce lien nécessaire entre les collines venteuses de Mesnil-Eglise et les classes de toute la Wallonie, Vents dHouyet sest offert un maillon de choix : lAcadémie du vent. Ici, dans lantique école communale de Sart-Eustache, Isabelle Van Damme et Thérèse Gobert sont venues animer les élèves de « Madame Laurence ». Sur le grand tableau vert, linstitutrice inscrit « Leffet de serre » sous la date du jour.
« Quest-ce qui pollue ? », demande Isabelle à la petite dizaine denfants de tous âges, réunis en une classe unique. « Les pelures de pommes de terre », répond le petit Bastien. « Les usines », enchaîne Christophe, laîné de la classe. Lanimatrice, par un jeu incessant de questions-réponses, amène alors son auditoire vers les notions deffet de serre, les différents types dénergies fossiles et renouvelables. Avant de parcourir une journée entière, du lever au coucher, en recommandant des petits choix quotidiens - de lampoule économique au vélo - et en expliquant le gain pour lenvironnement, donc pour nous.
Les aventures dAlert Sassoufl
Thérèse prend le relais. Elle ouvre les bras, se penche, transforme lestrade en scène du Théâtre National, et pousse sa voix pour conter « les aventures rocambolesques dAlert Sassoufl ». « Lorsquil vit pour la première fois le nouveau-né qui était son fils, Archibald Sassoufl se pinça. Non, ce gamin sortait de lordinaire ». Lactrice dun jour emmène les enfants ébahis, silencieux, dans son voyage imaginaire. Celui dun gosse si léger quil senvole partout. Jusquà rencontrer, en plein vol, une éolienne comme celle de Finnevaux. Là, le conte sarrête. Ou plutôt prend la pause : « Le reste de laventure se retrouvera dans le journal de lassociation, auquel la classe sera désormais abonnée ».
Alert Sassoufl rencontrant une éolienne, la perche est tendue à Isabelle pour expliquer avec force images tous les usages du vent, pour se déplacer, produire de lénergie mécanique (moulin) ou de lélectricité (éolienne). « Savez-vous pourquoi il y a plus déoliennes à la mer ? », demande lanimatrice. Convaincu, un petit bout de 6 ans lance « Parce quil y a plus dhôtels ». Il na pas entièrement tort, puisquon y consomme beaucoup dénergie. La grande Laura, assise dans le fond de la classe, intervient :
« Sil ny a plus dusine pour lélectricité, il y aura plus déoliennes ? ». « Oui, répond Isabelle, cest lun des objectifs : supprimer des centrales et les remplacer par de lénergie éolienne, solaire, hydrau-lique ». « Mais alors, les gens devront mettre des éoliennes chez eux », rétorque très justement lélève, soulevant ainsi lenjeu, à Mesnil - Eglise, comme ailleurs.
Source : Billy-Globe - Le site belge du Développement durable