16 février 2023
Au cœur d’un réacteur, il y a un système qui contrôle le volume et la composition chimique de l’eau du principal circuit de refroidissement, le circuit RCV [1] . Le circuit RCV permet aussi d’injecter de l’eau sous pression pour maintenir ce refroidissement en cas de besoin. Mais encore faut-il que le circuit soit étanche, évidemment. Ce qui n’était pas le cas du circuit RCV du réacteur 4 de la centrale du Tricastin (Auvergne Rhône Alpes).
Le 20 janvier 2023, une baisse de pression dans le circuit RCV est détectée. On ne sait pas quelle était l’ampleur de la baisse, ni quelles interventions ont été faites avant sur le circuit, le communiqué d’EDF ne donne aucune explication. Si ce n’est qu’après avoir constaté cette baisse, EDF a lancé des investigations. Deux semaines plus tard, le diagnostic tombe : une des pompes du circuit RCV est "inétanche". Autrement dit elle fuit. Il y a donc une perte de pression du circuit RCV via cette pompe. Pourquoi cette fuite ? À quand remonte la dernière intervention ? La dernière vérification ? Aucune information de l’industriel responsable de l’installation nucléaire.
Le circuit RCV est un des équipements les plus importants pour un réacteur nucléaire. Il permet non seulement de maintenir le niveau d’eau qu’il faut dans le circuit primaire [1] et d’en ajuster la concentration en bore - cette substance qui permet de contrôler et même d’étouffer la puissance de la réaction nucléaire - mais aussi de continuer un refroidissement du cœur du réacteur en cas de fuite du circuit primaire. Comment ? En y injectant sous pression de l’eau. Mais encore faut-il qu’il n’y ait pas de fuite dans le circuit RCV.
On comprend donc mal qu’une inétanchéité ait pu survenir sur un tel circuit (non qualité de maintenance ?), qu’elle n’ait pas été détectée avant (manque de contrôles et de test des équipements ?) et qu’EDF ait mis 2 semaines à identifier le problème (difficultés de diagnostic matériel ? Manque de moyens humains ?). Par cette fuite non détectée, EDF a tout simplement mis hors service la fonction du circuit RCV en cas d’accident. Et avec elle, c’est le refroidissement du réacteur nucléaire que l’exploitant nucléaire a mis en jeu. Les faits ont été déclarés le 14 février 2023 à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) comme significatifs [2] pour la sûreté [3] .
L.B.
Déclaration d’un événement significatif sûreté niveau 1 relatif à un non-respect des spécifications techniques d’exploitation
Publié le 16/02/2023
Evénement sûreté
Dans une centrale nucléaire, le pilotage d’un réacteur s’inscrit dans un cadre de prescriptions à respecter, parmi lesquelles les spécifications techniques d’exploitation (STE).
Le 20 janvier 2023, l’unité de production n°4 est en fonctionnement. Les équipes identifient une baisse de pression du circuit de contrôle volumétrique et chimique (RCV). Ce circuit permet de contrôler le volume et la qualité chimique de l’eau du circuit primaire ainsi que sa concentration en bore pour réguler la réaction en chaîne. Ce circuit permet également en situation accidentelle d’injecter de l’eau à haute pression pour refroidir le réacteur. Des investigations sont menées pour identifier l’origine de la baisse de pression identifiée.
Le 1er février 2023, les équipes confirment que la baisse de pression est due à un clapet inétanche de l’une des trois pompes du circuit RCV. Dans l’hypothèse d’une situation accidentelle, l’inétanchéité du clapet ne permettait pas au système d’injection haute pression d’assurer pleinement ses fonctions, ce qui représente un non-respect des spécifications techniques d’exploitation. Le service de conduite adapte alors la configuration du circuit pour retrouver cette fonction. Le 12 février 2023, le clapet est réparé et la pression du circuit RCV est à l’attendu.
Cet évènement n’a pas eu de conséquence réelle sur la sûreté des installations. Toutefois, en raison du non-respect des spécifications techniques d’exploitation et de sa détection tardive, la direction de la centrale du Tricastin l’a déclaré, le 14 février 2023, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) comme évènement significatif sûreté au niveau 1 sur l’échelle INES qui en compte 7.
Indisponibilité des deux voies d’injection de sécurité haute pression
Publié le 03/04/2023
Centrale nucléaire du Tricastin Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 13 février 2023, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif à l’indisponibilité des deux voies du système d’injection de sécurité (RIS) à haute pression du réacteur 4 de la centrale nucléaire du Tricastin, pendant une durée supérieure au délai d’indisponibilité autorisé par les spécifications techniques d’exploitation.
Le circuit d’injection de sécurité (RIS) permet, en cas d’accident causant une brèche au niveau du circuit primaire du réacteur, d’introduire de l’eau borée sous pression dans celui-ci afin d’étouffer la réaction nucléaire et d’assurer le refroidissement du cœur.
Le 20 janvier 2023, alors que le réacteur 4 était en production, une des trois pompes de charge du système de contrôle volumétrique et chimique (RCV) du réacteur, également utilisées pour le système RIS, a été mise en service pour augmenter la quantité d’eau borée dans le circuit primaire. Lors de cette action, l’alarme de basse pression de la ligne de charge est apparue en salle de commande de manière fugitive.
Les contrôles réalisés sur l’origine cette alarme ont montré, le 1er février 2023, qu’une des vannes d’isolement d’une pompe n’était pas étanche, et laissait passer l’eau borée à travers la pompe lorsque celle-ci n’est pas en fonctionnement. La pompe a alors été isolée par la fermeture des vannes situées en amont et en aval. Une intervention sur la vanne inétanche effectuée le 12 février 2023 a permis de retrouver une situation conforme.
Les analyses engagées par l’exploitant après la découverte de l’inétanchéité de la vanne ont montré que celle-ci rendait indisponible l’injection de sécurité haute pression du réacteur car toute l’eau borée injectée nécessaire n’aurait pas atteint le circuit primaire, du fait d’une pression insuffisante. Cette indisponibilité a duré du 20 janvier 2023 au 1er février, jusqu’à ce que la pompe soit isolée. Or, les spécifications techniques d’exploitation (STE) n’autorisent cette indisponibilité que pendant une heure, délai au-delà duquel le repli du réacteur doit être engagé. La détection tardive de l’évènement a donc amené à ne pas respecter la conduite à tenir.
Aucun incident nécessitant l’injection de sécurité n’ayant eu lieu, cet événement n’a pas eu de conséquence sur l’installation, le personnel ou l’environnement. L’injection de sécurité à basse pression est restée disponible.
Toutefois, compte tenu de l’indisponibilité des deux voies du circuit d’injection de sécurité haute pression, et ceci pendant une durée supérieure à celle prévue par les STE, l’évènement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.
[1] RCV : Système de contrôle Chimique et Volumétrique du circuit primaire principal . Le système de contrôle volumétrique et chimique a notamment pour fonction de maintenir dans le circuit primaire la quantité d’eau nécessaire au refroidissement du cœur. https://www.asn.fr/Lexique/R/RCV
[2] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire
[3] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements
[4] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire