9 juin 2023
Crédit photo : Adobe Stock
À l’usine tenue par CIS Bio sur le site nucléaire de Saclay (île-de-France), la radioprotection des travailleurs a du plomb dans l’aile, et c’est le moins qu’on puisse dire. Le personnel peut aller et venir en zone nucléaire sans porter de dosimètre, sans avoir les autorisations nécessaires et sans être contrôlé.
À croire que l’exploitant ne tire aucune leçon de ses erreurs, même récentes, car déjà en 2023 des faits similaires avaient été déclarés à l’Autorité de sûreté (ASN).
Courant mai, un technicien a pu aller 5 fois en zone nucléaire, dont les accès sont normalement contrôlés, sans que son dosimètre opérationnel (qui enregistre en direct la dose de rayonnement qu’il reçoit et déclenche une alarme en cas de dépassement), ne soit activé. Pourquoi cette désactivation ? Parce que sa formation n’était plus valable, et ce depuis plusieurs années. Malgré cela, l’accès en zone ne lui a pas été empêché, c’est à dire que les contrôles n’ont pas détecté qu’il n’avait ni dosimètre opérationnel, ni habilitation.
Contrôles des entrées-sorties en zone réglementée, port de dispositifs de mesures et d’alarme, formation réactualisée... autant dire que CIS Bio s’est assit sur la radioprotection de son personnel. C’est pourtant à l’employeur que revient la pleine responsabilité de protéger ses salarié·es des risques induits par leurs activités professionnelles. Protéger les intervenants des rayonnements ionisants et limiter leur exposition au maximum, s’assurer qu’ils connaissent les risques et les règles de prévention, leur fournir les équipements, définir des procédures, les faire connaître et s’assurer de leur application, c’est - ce devrait - être le cœur d’activité de tous ceux qui sont aux commandes d’une installation nucléaire.
Le cumul de dysfonctionnement survenu à l’usine de Saclay montre que CIS Bio est loin, très loin, de se préoccuper de la radioprotection de son personnel comme il le devrait. Point positif (si l’on peut dire) : cet incident aura eu le mérite de faire réaliser à l’industriel un bilan des échéances de validité de formation du personnel de l’usine. Point plus que négatif : manifestement, ce n’était pas quelque chose de pris en compte ni d’automatisé. Pourtant, cette usine existe depuis...1964. Et CIS BIO en est aux commandes depuis...33 ans. Mais l’industriel n’a jamais brillé par ses qualités d’exploitant nucléaire. Au contraire même comme le démontrent les très nombreuses procédures lancées à son encontre par l’Autorité de sûreté [1] , l’appréciation 2022 très négative [2] et les multiples incidents survenus dans cette usine (voir à droite de cet article pour un panorama des plus récents).
L.B.
Défaut d’activation de dosimétrie opérationnelle
Publié le 09/06/2023
Usine de production de radioéléments artificiels Fabrication ou transformation de substances radioactives - Cis-Bio
CIS bio international, exploitant de l’installation nucléaire de base (INB) n° 29 à Saclay, a déclaré le 1er juin 2023 à l’ASN un événement significatif pour la radioprotection relatif au défaut d’activation d’un dosimètre opérationnel pour un technicien de maintenance.
La société CIS bio international exerce, dans son installation nucléaire de base de Saclay, des activités de recherche et développement, de production et de distribution de produits radiopharmaceutiques et d’appareils à usage médical pour le diagnostic et la thérapie. Afin de protéger les travailleurs des risques liés aux rayonnements ionisants, la réglementation prévoit que les installations nucléaires soient découpées en différentes zones, classées selon les conditions d’exposition radiologique, et impose des règles d’accès particulières à chacune de ces zones. Ainsi l’accès aux zones dites contrôlées nécessite le port d’un dosimètre à lecture différée et d’un dosimètre opérationnel.
Le 16 mai 2023, au cours d’une opération en zone contrôlée réalisée en zone arrière (ZAR) de l’enceinte 22C, un technicien de maintenance portait bien un dosimètre à lecture différée et un dosimètre opérationnel, mais ce dernier n’était pas activé. Ce défaut d’activation provient du dépassement de la date de validité de la formation en radioprotection du technicien concerné. Le 17 mai 2023, Cis bio international a identifié plusieurs dysfonctionnements concernant cet événement, notamment l’intervention du technicien à cinq reprises en zone arrière sans dosimètre opérationnel activé entre le 10 et le 16 mai 2023, l’absence de recyclage de sa formation en radioprotection depuis plusieurs années, et une mauvaise gestion des entrées/sortie en ZAR.
L’analyse du dosimètre à lecture différée a été demandée le 23 mai 2023 par CIS bio international au prestataire fournisseur du dosimètre ; aucune anomalie de dose n’a été détectée.
Cet événement n’a donc pas eu de conséquence sur les personnes et l’environnement. Toutefois, l’analyse de cet événement transmise par CIS bio international met en évidence un cumul de plusieurs anomalies dans son déroulé ainsi que l’absence de prise en compte du retour d’expérience d’un événement similaire survenu sur le site en 2023. Aussi, cet événement est classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
Le personnel concerné a été interdit d’accès en zone radiologique dans l’attente des résultats de l’analyse de son dosimètre à lecture différée et du recyclage de sa formation en radioprotection, qui a été réalisé le 30 mai 2023. Une revue des échéances de validité des formations en radioprotection est en cours pour l’ensemble du personnel. L’ASN sera attentive à l’identification des défaillances ayant conduit à cet événement et aux actions curatives qui seront mises en place.
[1] _ Avril 2018 : l’ASN met en demeure l’installation nucléaire de CIS Bio International de respecter certaines prescriptions fixées lors du précédent réexamen périodique et d’achever son étude sur la gestion des déchets ;
Avril 2016 : l’ASN met en demeure CIS Bio International de se conformer aux règles applicables pour la maîtrise des risques liés à l’incendie ;
Février 2016 : l’ASN met en demeure la société CIS bio international de réaliser certains travaux ;
Mars 2015 : l’ASN engage une nouvelle procédure de consignation d’une somme d’argent ;
Décembre 2014 : l’ASN engage une deuxième procédure de consignation d’une somme d’argent pour réalisation de travaux ;
Octobre 2014 :l’ASN engage un processus de consignation d’une somme d’argent vis-à-vis de la société CIS bio international, exploitant de l’Usine de production de radioéléments artificiels située sur le site de Saclay ;
Mai 2014 : l’ASN met en demeure la société CIS bio international de respecter les prescriptions relatives à la maîtrise du risque d’incendie ;
...
[2] L’ASN a constaté en 2022 que CIS bio international rencontrait des difficultés à mener certaines activités dans des délais maîtrisés et dans des conditions de réalisation conformes aux référentiels de sûreté. Ce constat concerne aussi bien des projets en cours, l’exploitation courante des installations, le traitement de réponses à des lettres de suite d’inspections ou l’examen approfondi d’événements significatifs survenus sur l’installation.
Les inspections de l’ASN ont permis de constater, en 2022 comme l’année passée, que la gestion des contrôles périodiques des ESP doit être améliorée rapidement. Ce sujet a fait l’objet de demandes d’actions correctives prioritaires de la part de l’ASN.
Le suivi des formations relatives à l’organisation de crise reste aussi un axe d’amélioration. Des écarts ont également été constatés par l’ASN concernant la radioprotection des travailleurs, par exemple la signalisation du risque radiologique, ainsi que la gestion des effluents liquides, notamment les eaux d’extinction incendie (...) Le nombre d’événements significatifs est en augmentation en 2022. Même si ces événements relèvent de thématiques différentes, les défaillances organisationnelles ou humaines sont prépondérantes. Aussi, le respect des règles de conduite et de fonctionnement, la gestion des alarmes, la réalisation des maintenances et la prise en compte du REX restent fragiles. La transmission des comptes-rendus d’événements est majoritairement réalisée hors délai (...). https://www.asn.fr/tout-sur-l-asn/l-asn-en-region/ile-de-france/usine-de-production-de-radioelements-artificiels