20 septembre 2023
Entreposés sur le site nucléaire Orano de Pierrelatte (Drôme) depuis des années, des fûts de déchets posent un sérieux problème : un premier examen de leur contenu révèle qu’ils sont trop chargés en uranium, et pas qu’un peu.
L’usine en question, qui servait à transformer de l’uranium en hexafluorure (UF6) [1] pour qu’il puisse être ensuite enrichi et servir de combustible aux centrales nucléaires, est arrêtée définitivement depuis très longtemps. Orano doit maintenant la démanteler. Et s’occuper de tous les fûts de déchets nucléaires qui y ont été produits et accumulés au fil du temps. Mais voilà, sans que l’on sache pourquoi, le descriptif du contenu des fûts s’est perdu. Orano, exploitant de l’usine et producteur de ces déchets, ne sait plus ce qu’il a mis dans ces fûts. Or pour savoir comment traiter ces déchets et où ils doivent aller, il faut bien savoir ce qu’ils contiennent précisément : quelles substances chimiques et radioactives et en quelles quantités.
En 2023 (pour une usine arrêtée en 2008), 10% environ des fûts ont été examinés. Et ô surprise, Orano y a découvert de l’uranium en quantité bien trop importante. Et pas qu’un peu, puisque c’est 2 à 2 fois et demi la concentration maximale autorisée. Au lieu de moins de 1% d’uranium 235, ces fûts en contiennent entre 1 et 2,5%. Le risque lorsque trop de matière fissile est rassemblée au même endroit est qu’une réaction nucléaire en chaîne démarre toute seule, spontanément. C’est le risque de criticité [2].
Les communiqués officiels ne disent pas quelle quantité de fûts de déchets il y a au total dans cet atelier. On sait juste que le contenu de 10% d’entre eux a été analysé et que les résultats montrent que le contenu de certains (3 fûts d’après Orano) dépasse largement la masse d’uranium autorisée. Il est donc fort probable que parmi les 90% restant à examiner, d’autres fûts révéleront aussi des contenus hors-normes.
Voilà Orano bien embêté avec ses propres déchets. Non seulement leur conditionnement n’a pas respecté les règles de criticité, mais en plus l’exploitant doit maintenant explorer un à un chacun de ces fûts de déchets car il ne sait plus ce qu’il a mis dedans. Double faute de l’industriel, double peine pour les travailleurs qui devront se charger d’ouvrir ces fûts et de les analyser puis de les reconditionner.
Est-ce pour lisser un peu tout ça que Orano a mis tout son art de la communication dans sa déclaration d’incident publiée le 20 septembre 2023 ? Pas une fois le mot "radioactivité" ou même "nucléaire" n’est mentionné. Il n’y est pas non plus mention de la sûreté [3] , alors que les faits sont justement déclarés comme significatifs [4] pour la sûreté puisqu’ils ont altéré les précautions prises pour prévenir et réduire les risques d’accidents. L’exploitant nucléaire a bafoué durant des années le principe de base à respecter dans l’industrie atomique : la maîtrise du risque de criticité. Et il n’a même pas été capable d’archiver le contenu des fûts de déchets qu’il a produit. Piètre industriel et gestionnaire médiocre. Le démantèlement des usines Orano promet encore de belles surprises à venir.
L.B.
Non-conformité de 3 fûts de déchets sur une aire d’entreposage
20/09/2023
Le 15 septembre, lors d’une opération de contrôle interne de fûts de déchets industriels, avant transfert vers une filière agréée, un écart a été identifié sur 3 fûts. Ces fûts contiennent des résines de filtration utilisées dans un des ateliers de conversion de l’uranium arrêté en 2008.
Les analyses réalisées confirment la présence de déchets uranifères à une isotopie supérieure à 1 %, ce qui constitue une non-conformité vis-à-vis des règles d’exploitation de cette aire d’entreposage, limitées à 1 %. Dès détection, les équipes d’exploitation ont mis en place des dispositions complémentaires, jusqu’à la remise en conformité de l’entreposage.
L’exploitant a proposé à l’Autorité de sûreté de classer cette non-conformité, sans conséquence sur le personnel et l’environnement, au niveau 1 de l’échelle internationale des événements nucléaires (INES) graduée jusqu’à 7.
Non-respect d’une règle de maîtrise de la criticité sur une aire d’entreposage
Publié le 25/09/2023
Usines Orano Chimie Enrichissement de fluoration de l’uranium Transformation de substances radioactives - Comurhex
La société Orano Chimie Enrichissement a déclaré le 20 septembre 2023 à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif relatif au non-respect d’une règle relative à la maîtrise du risque de criticité dans son usine de conversion de l’uranium « COMURHEX » qui est en cours de démantèlement.
L’événement concerne l’aire d’entreposage n°79, où sont entreposés des déchets et notamment des fûts de boues et de résines de filtration utilisées dans un des ateliers de conversion de l’uranium arrêté en 2008. Les règles générales d’exploitation limitent à 1% la teneur en uranium 235 des déchets nucléaires entreposés sur cette aire.
En vue de leur traitement à venir, Orano CE a engagé en 2023 des analyses sur les contenus de ces fûts de déchets. Les premiers résultats de ces analyses ont montré la présence de déchets uranifères avec une teneur en uranium 235 comprise entre 1 % et 2,5%, ce qui constitue une non-conformité vis-à-vis des règles générale d’exploitation de l’INB. Cet écart a été découvert en analysant un premier lot de fûts, représentant environ un dixième du total ; il est donc probable que d’autres fûts de déchets soient requalifiés de 1% à 2,5% en teneur en uranium 235. A ce stade, la perte de l’information de la teneur en uranium 235 de chaque fût n’est pas encore expliquée.
Les équipes d’exploitation ont mis en place des dispositions complémentaires définies par les ingénieurs criticiens de l’établissement en vue de gérer le risque de criticité de la zone d’entreposage en prenant en compte une teneur en uranium 235 de 2,5%.
En raison du non-respect d’une règle générale d’exploitation relative à la prévention du risque de criticité, l’incident a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
[1] Hexafluorure d’uranium : L’uranium contenu dans les combustibles nucléaires doit être enrichi en 235U fissile. Avant d’être enrichi, l’uranium est tout d’abord converti en un gaz appelé "hexafluorure d’uranium" ou UF6. https://www.asn.fr/lexique/H/Hexafluorure-d-uranium
[2] Le risque de criticité est défini comme le risque de démarrage d’une réaction nucléaire en chaîne lorsqu’une masse de matière fissile trop importante est rassemblée au même endroit. Un milieu contenant un matériau nucléaire fissile devient critique lorsque le taux de production de neutrons (par les fissions de ce matériau) est exactement égal au taux de disparitions des neutrons (absorptions et fuites à l’extérieur). https://www.asn.fr/lexique/C/criticite
[3] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire
[4] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements