26 juin 2023
Crédit photo : André Paris
Après un an et huit mois d’arrêt, le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Penly (Normandie) s’apprête à redémarrer. Mais un problème est survenu sur le circuit qui le refroidit : la pompe ne marche pas et fuit. À cause d’une erreur de montage commise il y a plus d’un an. Et aussi parce que EDF n’a testé son fonctionnement que quand il était trop tard.
Trop tard pour respecter les règles d’exploitation qui imposent de réduire la puissance du réacteur nucléaire lorsque ce circuit ne fonctionne pas. Ce circuit (dit ASG), qui apporte de l’eau aux générateurs de vapeur [1] , permet de refroidir les réacteurs nucléaires durant certaines phases de leurs arrêts et redémarrages. Il est donc "requis" comme on dit dans le jargon de l’industrie lorsque ces phases sont enclenchées. Problème : EDF n’a pas vérifié avant qu’il soit requis si il fonctionnait correctement. Trop pressé de redémarrer ?
Au tout début de l’arrêt du réacteur [2] , en novembre 2021, la pompe en question a été démontée puis remontée. Elle a ensuite été testée ("requalification intrinsèque du matériel") et selon EDF, tout allait bien. Elle n’attendait qu’une "requalification fonctionnelle" (c’est à dire la tester pour la déclarer apte à fonctionner) qui devait être faite au redémarrage. Ce test a bien été fait, mais trop tard. Et le test s’est avéré négatif : fuite d’huile et variation de vitesse l’empêchaient de fonctionner correctement. Or elle était requise depuis déjà deux jours. Le temps d’ouvrir, de chercher et d’identifier la panne (erreur lors du remontage de la pompe en octobre 2021) et de réparer, elle n’a de nouveau été opérationnelle que le 20 juin 2023, cinq jours après que EDF ait fait entrer son réacteur dans un état où il était exigé que cette pompe fonctionne correctement.
Alors certes, et heureusement, le circuit ASG est doublé, il y a une autre pompe qui a pu assurer la circulation d’eau pour refroidir le réacteur. Mais le problème n’est pas là. Le problème c’est que en presque deux années d’arrêt, le réacteur n’ait pas correctement entretenu ni vérifié ni préparé. Le problème c’est que la pompe ait été requalifiée intrinsèquement malgré qu’elle ait été mal remontée. Le problème c’est que la requalification fonctionnelle n’a été faite qu’une fois que la pompe était déjà nécessaire. Le problème c’est que EDF ne soit pas capable de respecter les règles de sûreté [3] . Comme quoi, ce n’est pas la durée des arrêts de réacteur qui génère des pannes et les accidents. C’est le manque de compétences et de rigueur de l’exploitant.
Déclaration d’un ESS de niveau 1 relatif à la détection tardive de l’indisponibilité d’une pompe
Publié le 26/06/2023
Le circuit d’alimentation de secours des générateurs de vapeur (ASG) est utilisé en cas d’indisponibilité ou de défaillance de l’alimentation normale en eau afin d’assurer le refroidissement du réacteur. Il est également utilisé lors des phases de démarrage et de mise à l’arrêt du réacteur. Ce circuit est équipé de plusieurs systèmes de pompes redondantes.
Le 2 octobre 2021, l’unité de production n°1 est mise à l’arrêt pour maintenance programmée dans le cadre de sa visite décennale. Au cours du mois de novembre 2021, une opération de maintenance est réalisée sur une pompe du circuit d’alimentation de secours des générateurs de vapeur (ASG). La requalification intrinsèque du matériel qui est faite ne met en évidence aucune anomalie. La pompe est déclarée disponible en attendant sa requalification fonctionnelle qui doit être réalisée lors du redémarrage du réacteur.
Le 15 juin 2023, le réacteur passe dans la configuration à Arrêt Normal sur Générateurs de Vapeur, la disponibilité de la pompe du circuit ASG est requise par les spécifications techniques d’exploitation (STE).
Le 17 juin 2023, un essai de requalification fonctionnelle de la pompe est réalisé. Les équipes de la centrale constatent un défaut sur la variation de vitesse ainsi qu’une fuite d’huile au niveau de la pompe. Des activités de contrôle sont menées et permettent de mettre en évidence qu’un geste inapproprié de maintenance a été réalisé lors du remontage de la pompe durant sa requalification intrinsèque. La réparation de la pompe est engagée avec un délai 3 jours, autorisé par les spécifications techniques d’exploitation (STE).
Le 20 juin 2023, l’essai de requalification fonctionnelle est de nouveau réalisé. L’ensemble des paramètres est conforme. La pompe est déclarée disponible. Bien que la pompe ait été réparée dans le délai de 3 jours autorisé par les spécifications techniques d’exploitations, celle-ci est considérée indisponible depuis le 15 juin. Les STE demandent la disponibilité de la pompe dans l’état Arrêt Normal sur Générateurs de Vapeur, ce qui n’a pas été le cas du 15 juin au 20 juin, soit une durée supérieure à 3 jours.
Cet évènement n’a pas eu de conséquence réelle sur la sûreté de l’installation, du fait des matériels redondants disponibles lors de l’indisponibilité de la pompe. Cependant, du fait de la détection tardive de l’indisponibilité matérielle, la direction de la centrale de Penly a déclaré, le 22 juin 2023, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), un évènement significatif sûreté au niveau 1 sur l’échelle INES qui en compte 7.
Détection tardive de l’indisponibilité d’une turbopompe du circuit d’alimentation de secours des générateurs de vapeur du réacteur 1
Publié le 28/06/2023
Centrale nucléaire de Penly Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 22 juin 2023, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif relatif à la détection tardive de l’indisponibilité d’une turbopompe du circuit d’alimentation de secours des générateurs de vapeur du réacteur 1 de la centrale nucléaire de Penly.
Le circuit d’alimentation de secours des générateurs de vapeur (ASG) est utilisé en cas de défaillance de leur alimentation normale en eau afin d’assurer le refroidissement du réacteur. Il est également utilisé lors des phases de mise à l’arrêt et de démarrage du réacteur. Le circuit ASG comprend deux voies redondantes (voies A et B), chacune équipée d’une motopompe entraînée par un moteur électrique et, en redondance, d’une turbopompe entraînée par une turbine à vapeur.
Le 17 juin 2023, le réacteur 1 était en cours de redémarrage à l’issue de sa 3ème visite décennale. Lors d’un essai de requalification réalisé à la suite d’une intervention sur la turbopompe de la voie A du système ASG, l’exploitant a détecté un défaut sur la variation de vitesse ainsi qu’une fuite d’huile. Ce constat a conduit EDF à déclarer la turbopompe indisponible, et à engager des investigations qui ont mis en évidence une anomalie de maintenance lors de l’intervention qui s’est déroulée en novembre 2021 au cours de la 3ème visite décennale.
Le matériel a été remis en conformité et requalifié le 20 juin 2023.
La turbopompe était indisponible depuis le 15 juin 2023, date à partir de laquelle elle était requise par les spécifications techniques d’exploitation (STE [4]) dans le cadre du redémarrage du réacteur 1. EDF n’a donc pas respecté les STE qui imposent le repli du réacteur sous trois jours.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, sur l’environnement ou sur les travailleurs. Toutefois, compte tenu de la non-qualité de maintenance et de la détection tardive de l’indisponibilité de la turbopompe du circuit l’alimentation de secours des générateurs de vapeur requise par les spécifications techniques d’exploitation, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle internationale des événements nucléaires (INES).
La seconde voie du système ASG était cependant disponible, ainsi que la motopompe de la voie A. L’exploitant doit désormais transmettre à l’ASN le retour d’expérience approfondi de cet évènement. L’ASN sera vigilante quant à l’analyse des causes techniques et organisationnelles à l’origine de cette anomalie de maintenance.
[1] Un générateur de vapeur (GV) est un échangeur thermique entre l’eau du circuit primaire, portée à haute température (320 °C) et à pression élevée (155 bars) dans le cœur du réacteur, et l’eau du circuit secondaire qui se transforme en vapeur et alimente la turbine. Chaque générateur de vapeur comporte plusieurs milliers de tubes en forme de U, qui permettent les échanges de chaleur entre l’eau du circuit primaire et l’eau des circuits secondaires pour la production de la vapeur alimentant la turbine https://www.asn.fr/Lexique/G/Generateur-de-vapeur
[2] Le réacteur 1 de Penly a été mis à l’arrêt le 2 octobre 2021 pour sa 3ème visite décennale, un grand programme de vérifications et de modifications des équipements. Cet arrêt qui est classiquement de quelques mois a été prolongé en raison defissures dues à de la corrosion sous contrainte.
[3] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire
[4] Les STE sont un recueil de règles, approuvées par l’ASN, qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite associées.
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