13 janvier 2023
Le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Paluel (Normandie) a fonctionné plusieurs semaines sans que son exploitant ne sache qu’un de ses groupes électrogènes était hors-service. L’équipement, qui doit fournir de l’électricité en cas de besoin, doit pourtant être toujours prêt à prendre le relai lors que le réacteur est en fonctionnement, et il est testé régulièrement.
C’est justement lors d’un essai réalisé début janvier 2023 qu’EDF s’est aperçu que le moteur diesel ne démarrait pas. Le dernier contrôle de la source électrique de secours remonte à début novembre 2022, et le moteur avait déjà eu des difficultés à démarrer. Une réparation a bien été faite, mais manifestement, le diagnostic n’était pas correct. EDF ne peut pas écarter que le groupe électrogène était hors-service depuis cette date. Deux mois durant lesquels le réacteur 2 a produit de l’électricité tout en étant privé d’un de ses sources électrique de secours alors que les règles imposent de baisser la puissance du réacteur sous 3 jours. La pleine disponibilité de ces équipements est obligatoire en phase de production, car pour que le refroidissement du combustible nucléaire puisse être assuré et que les systèmes (surveillance, alarme, pilotage etc.) fonctionnent, il faut qu’ils soient alimentés en l’électricité. Les contrôles de bon fonctionnement des équipements importants sont-ils suffisamment fréquents ?
Outre la fréquence des vérifications faites par l’exploitant (et donc la surveillance de l’installation et la connaissance de son état réel), cette "détection tardive d’un défaut matériel" (comme la nomme EDF) questionne aussi la qualité des interventions, y compris de celles réalisées sur les équipements importants pour la sûreté [1].
Le réacteur 2 a redémarré le 12 octobre 2022, après presque 6 mois de visite partielle durant laquelle EDF a réalisé pas moins de 14 500 activités de maintenance et de contrôles. Lors de cet arrêt, une intervention de maintenance a été réalisée sur la turbine du turbo-alternateur de secours (LLS) qui assure l’alimentation électrique des équipements minimaux de conduite, de l’éclairage d’ultime secours et de la pompe d’injection au niveau des joints des groupes motopompes primaires (pour éviter une fuite du circuit primaire et donc continuer à refroidir le combustible dans la cuve).
Le 13 septembre, en préparant le redémarrage de son réacteur, EDF s’est rendu compte que le turbo-alternateur de secours ne marchait pas. En cause : l’intervention de maintenance réalisée lors de l’arrêt. L’équipement aurait dû être totalement opérationnel depuis le 28 août, date à laquelle l’état du réacteur nucléaire nécessitait la disponibilité de toutes ses sources électriques de secours.
Là encore, la détection tardive d’EDF a fait enfreindre les règles que l’exploitant est censé respecter : le repli du réacteur (abaisser sa puissance) aurait dû être engagé sous sept jours entre le 28 août 2022 et le 10 septembre 2022, et sous une heure à trois reprises entre le 10 et le 13 septembre 2022. Certes il y a plusieurs sources de secours, mais elles doivent plusieurs à pouvoir fonctionner. Parce qu’un "défaut matériel fortuit" est toujours possible sur l’une ou l’autre. Et parce qu’un réacteur nucléaire ne doit jamais être possiblement privé d’électricité. EDF ne sachant pas qu’une de ses sources électriques de secours était HS, il n’a pas détecté qu’il fallait stopper le redémarrage et a, au contraire, continué à faire monter la puissance.
Après la turbine du turbo-alternateur de secours du réacteur 2, un des 2 groupes électrogènes à moteur diesel. L’essai sur ce diesel a eu lieu le 9 novembre, moins d’un mois après le redémarrage du réacteur. Un relai avait été remplacé sur le moteur suite à ses difficultés à démarrer. Le problème de régulateur lui n’a pas été identifié. Les 2 pièces étaient-elles défectueuses ou EDF s’est-il trompé de diagnostic ? Et si les diagnostics techniques posent problèmes, est-ce que 2 mois entre chaque vérification est une périodicité adaptée ?
Quoiqu’il en soit, les équipements de secours de Paluel 2, malgré toute l’importance de leur fonction, manquent d’attention. Et les interventions faites sur ces équipements ne sont pas suffisamment soignées.
L.B.
Déclaration d’un événement significatif sûreté de niveau 1
Publié le 13/01/2023
Evénement sûreté
Une centrale nucléaire doit toujours être alimentée en électricité afin d’assurer les fonctions élémentaires de sûreté. Ainsi, chaque réacteur est notamment équipé de deux groupes électrogènes à moteur diesel.
Le 4 janvier 2023, lors d’un essai périodique réalisé sur l’un des deux diesels de l’unité de production n°2, les équipes constatent que celui-ci ne démarre pas.
Des investigations sont alors menées. Elles mettent en évidence la défaillance du signal d’un composant électronique.
Le 7 janvier 2023, celui-ci est remplacé puis requalifié et de nouveaux essais périodiques concluants sont réalisés sur le diesel. L’analyse des résultats n’a pas permis d’écarter la présence du défaut sur le régulateur depuis un essai réalisé le 9 novembre 2022. Le diesel est déclaré indisponible a posteriori depuis cette date.
Cet événement n’a pas eu de conséquence réelle sur la sûreté des installations car le second diesel est toujours resté disponible. Toutefois, en raison de la détection tardive du défaut matériel, il a été déclaré le mercredi 11 janvier par la Direction de la centrale nucléaire de Paluel à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7.
Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation
Publié le 19/01/2023
Centrale nucléaire de Paluel Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 10 janvier 2023, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif relatif au non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Paluel concernant la durée d’indisponibilité d’une source d’alimentation électrique de secours.
Les règles générales d’exploitation sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles prescrivent notamment les délais maximums de réparation en cas d’indisponibilité des systèmes requis pour assurer la sûreté des réacteurs.
Chaque réacteur est équipé de deux groupes électrogènes de secours à moteur diesel qui peuvent assurer, de façon redondante, l’alimentation électrique de certains systèmes de sûreté en cas de défaillance des alimentations électriques externes du site.
Le 9 novembre 2022, lors d’un essai périodique, l’un des groupes électrogènes de secours du réacteur 2 n’a pas démarré à plusieurs reprises, ce qui a conduit l’exploitant à le déclarer indisponible. Les contrôles menés ont conduit l’exploitant à remplacer un relais de contrôle-commande. Plusieurs essais de démarrages réussis ont permis de considérer le groupe électrogène comme disponible.
Le 4 janvier 2023, lors d’un essai périodique sur le même groupe électrogène, l’exploitant n’est pas parvenu à le démarrer à deux reprises. Celui-ci a donc été considéré comme indisponible. L’exploitant a mené des investigations qui ont permis d’identifier l’apparition de défauts intempestifs sur un régulateur électronique. Des expertises complémentaires des enregistrements du régulateur électronique ont mis en exergue que ces défauts apparaissaient de manière aléatoire depuis le 9 novembre 2022.
La règle relative à l’indisponibilité d’un groupe électrogène de secours, qui impose le repli du réacteur sous trois jours, n’a donc pas été respectée.
Cet évènement n’a pas eu de conséquence pour les personnes et l’environnement. Néanmoins, en raison de la détection tardive par l’exploitant du non-respect des RGE, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle internationale des événements nucléaires (INES).
L’exploitant a retrouvé la disponibilité du groupe électrogène le 7 janvier 2023 après remplacement du régulateur électronique.
L’analyse de cet évènement devra s’attacher à comprendre l’origine de ce défaut et définir des actions correctives visant à éviter le renouvellement de cet écart.
[1] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire