20 juillet 2023
Le confinement de la radioactivité est une des règles de base en matière de nucléaire. Mais manifestement pas connue de tous. À Paluel (Normandie), le bâtiment où est entreposé le combustible nucléaire ne fermait plus. Ce qui n’a pas empêché EDF de recharger son réacteur pour le redémarrer.
Mi juillet 2023, le réacteur 3 de Paluel doit être rechargé. Une partie de son combustible est entreposé dans la piscine d’un bâtiment dédié. Il faut donc le transférer depuis ce bâtiment dans la cuve du réacteur. Ces opérations, comme chaque manipulation de combustible nucléaire, comportent un risque de dispersion de radioactivité. Elles doivent donc être faites dans des espaces hermétiquement fermés pour assurer un confinement de la radioactivité en cas de besoin et éviter tout rejet à l’extérieur du bâtiment. Qui plus est, la ventilation du bâtiment combustible doit fonctionner en permanence pour maintenir une température supportable pour les personnes et les équipements, mais aussi pour filtrer l’air.
Alors que ces opérations de transfert de combustible sont en cours, samedi 15 juillet à 23 heures la poignée de la porte d’accès au bâtiment - pour une raison qu’on ignore - se casse. Impossible de fermer la porte d’accès. Mais personne ne songe au problème que cela pose pour le confinement et le bon fonctionnement de la ventilation du bâtiment. Les manipulations de combustible continueront toute la nuit. Ce n’est que le lendemain matin qu’il sera identifié que la situation va à l’encontre des règles de sûreté. Celles-ci imposent de stopper toute manipulation de combustible dans l’heure en cas de de problème sur le système de ventilation du bâtiment. Comme quoi, même le B.A-BA ne va pas toujours de soi. Les faits, significatifs [1] pour la sûreté [2] , ont été déclarés par EDF le 18 juillet 2023.
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) précise que EDF va analyser l’incident pour en identifier les causes. Le manque de connaissances élémentaires en matière de nucléaire semble dores et déjà tout désigné. Si l’exploitant ne forme pas correctement ses opérateurs aux risques inhérents à leurs activités, comment espérer qu’ils comprennent et appliquent les règles censées éviter les accidents ?
Quant à l’Autorité, elle affirme qu’elle sera "vigilante quant à l’analyse des causes humaines et organisationnelle" et aux actions mises en œuvre pour éviter qu’un tel incident ne se reproduise. De la part d’un gendarme, c’est bien le minimum qu’il puisse faire.
L.B.
Déclaration d’un événement significatif de sûreté de niveau 1
Publié le 20/07/2023
Le 15 juillet 2023, les équipes de la centrale réalisent le rechargement du combustible du réacteur de l’unité de production n°3, à l’arrêt pour visite partielle [3] . Les opérations sont en cours à 23 heures lorsqu’un dysfonctionnement sur la poignée de la porte d’accès au bâtiment de stockage du combustible [4] empêche son ouverture depuis l’intérieur du bâtiment. La porte est laissée entrouverte et les manutentions de combustible se poursuivent.
L’anomalie est constatée lors de la relève des équipes, le 16 juillet à 6h20. Le rechargement du combustible est immédiatement stoppé et la porte refermée. Une réparation de la poignée est réalisée, ce qui permet à la porte d’être à nouveau fonctionnelle.
L’ouverture de la porte pendant la phase de manutention du combustible pour une durée supérieure à une heure constitue un non-respect d’une prescription des règles générales d’exploitation [5].
Cet événement n’a pas eu de conséquence réelle sur la sûreté des installations. Toutefois, en raison de sa détection tardive, cet événement a été déclaré par la direction de la centrale nucléaire de Paluel, le 18 juillet 2023, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), comme événement significatif relatif à la sûreté au niveau 1 de l’échelle INES, qui en compte 7.
Détection tardive de l’indisponibilité du système de ventilation lors de manutentions combustibles
Publié le 24/07/2023
Centrale nucléaire de Paluel Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 18 juillet 2023, l’exploitant de la centrale nucléaire de Paluel a déclaré à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) un évènement significatif pour la sûreté concernant un non-respect des règles générales d’exploitation du réacteur 3, relatif à la détection tardive de l’indisponibilité du système de ventilation du bâtiment combustible.
Le bâtiment d’entreposage des combustibles des centrales nucléaires est équipé d’un circuit de ventilation et de filtration de l’air (DVK). Ce circuit permet de maintenir la température ambiante dans les limites acceptables pour le personnel et les matériels. En cas d’accident de manutention des assemblages de combustible, ce circuit assure également le confinement du bâtiment pour éviter tout rejet accidentel à l’extérieur de la centrale.
Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles requièrent en particulier que pour assurer le bon fonctionnement de la ventilation du bâtiment d’entreposage des combustibles, les accès au bâtiment doivent être fermés.
Le réacteur 3 est en arrêt depuis le 28 avril 2023 pour recharger une partie de son combustible et effectuer des opérations de maintenance. Le 15 juillet 2023 à 23h00, alors que des opérations de manutention de combustible étaient en cours, un dysfonctionnement de la poignée de la porte d’accès au bâtiment de stockage du combustible a empêché sa bonne manœuvre. La porte a alors été laissée entrouverte et les manutentions de combustible se sont poursuivies. Cet écart a été détecté le 16 juillet à 6h30 et les manutentions de combustible, alors en cours, ont été immédiatement interrompues.
L’absence de confinement pendant la phase de manutention du combustible pour une durée supérieure à une heure constitue un non-respect des règles générales d’exploitation.
En l’absence d’accident de manutention de combustible, cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, en raison de la détection tardive par l’exploitant du non-respect des RGE, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
EDF a procédé à la remise en conformité de l’installation en réparant la poignée et a engagé une analyse approfondie de cet événement. L’ASN sera vigilante quant à l’analyse des causes humaines et organisationnelles ayant entraîné cette anomalie, et aux actions prises pour en éviter le renouvellement.
[1] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements
[2] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire
[3] Une visite partielle est un arrêt programmé de l’unité de production qui prévoit le rechargement du combustible et des activités de maintenance et de contrôle.
[4] Accolé au bâtiment réacteur, le bâtiment combustible assure, grâce à une piscine, le stockage des assemblages du combustible nucléaire avant leur chargement dans le réacteur (combustibles neufs) ou après leur déchargement du réacteur (combustibles usés).
[5] Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles approuvées par l’Autorité de sûreté nucléaire qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite associées.