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Des accidents nucléaires partout

France : Nogent : Erreur sur les grappes de commande lors de la visite décennale du réacteur 2




11 septembre 2020


Découverte plusieurs semaines après, une erreur a été commise lors de la visite décennale du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine (Grand Est). Et non des moindre puisqu’elle concerne les grappes de commande du cœur du réacteur.


Les grappes de commande [1] sont un des seuls moyens d’arrêter la réaction nucléaire. Constituées d’une matière absorbant les neutrons, elles permettent, en étant plus ou moins enfoncées dans la cuve du réacteur, de moduler voire d’arrêter la fission du combustible. Ces grappes, le mécanisme qui permet de les manœuvrer ainsi que les automates qui gèrent leurs mouvements sont des équipements importants pour la sûreté et sont, à ce titre, régulièrement testés.

C’est lors d’un essai, réalisé le 31 août 2020, que le problème de grappe de commande du réacteur 2 de la centrale de Nogent a été mis à jour. Une alarme se déclenche, l’essai est stoppé. Après investigation, EDF se rend compte qu’une erreur de paramétrage des automates qui commandent ces grappes a été commise lors de la visite décennale (VD) du réacteur, ce grand programme de contrôles et de maintenance, obligatoire tous les 10 ans et censé améliorer la sûreté de l’installation nucléaire.

Cette VD, qui a duré près de 6 mois, s’est terminée le 6 août 2020. Le réacteur a été redémarré sans que l’erreur commise sur le paramétrage des automates des grappes de commande ne soit détecté. De quoi remettre en question non seulement la qualité des interventions de maintenance réalisées durant cette VD, mais aussi les contrôles techniques des interventions et les vérifications des équipements. Alors même que l’exploitant se vantait dans son annonce de redémarrage du réacteur d’avoir " veillé notamment à la qualité de la réalisation des travaux". Au lieu d’améliorer la sûreté, cette VD a, au contraire, généré des problèmes et diminué la sûreté de fonctionnement de l’installation nucléaire. L’évènement a été déclaré comme significatif pour la sûreté, du fait de sa détection tardive et du non respect des règles régissant le fonctionnement de l’usine nucléaire d’EDF (règles qui imposent lorsqu’un problème survient au niveau des grappes de commande d’arrêter le réacteur si une situation normale n’est pas rétablie dans les 8 heures).

La centrale de Nogent devrait pourtant être particulièrement vigilante quant aux grappes de commande de ses réacteurs nucléaires. En effet, celles-ci se sont déjà bloquées en raison de l’usure d’une pièce (les manchettes thermiques) sur le réacteur 1 en 2018. D’autres réacteurs de 1 300 MWe (dont Belleville 2et Saint-Alban 2) ont aussi été concernés par ces blocages des grappes qui ne pouvaient donc plus servir à contrôler la réaction nucléaire. Le risque de blocage concernait en réalité tous les réacteurs nucléaires de cette puissance, soit 20 au total répartis sur tout le territoire français [2]. Et EDF a mis plus d’un an et demi à tous les vérifier après les premiers blocages constatés. Un délai qui ne semble pas du tout adapté aux enjeux, étant donné l’importance de cet équipement.

Ce n’est que le 1er septembre 2020 qu’un paramétrage correct a été effectué sur les grappes de commande du réacteur nucléaire. Quatre semaines de production, sans que l’exploitant ne sache qu’un des 2 moyens de stopper la réaction nucléaire ne fonctionnait pas correctement. Et cet évènement significatif pour la sûreté n’est hélas pas le seul survenu lors de la VD du réacteur 2 de Nogent. Au moment où l’exploitant nucléaire annonce des économies de plusieurs millions qu’il fera notamment sur la maintenance de ses installations, ces faits posent question : jusqu’où EDF rognera sur les coûts et l’entretien de ses installations ? Quelles seront les conséquences d’une industrie nucléaire low-cost et qui, in fine, en payera le prix ?

Ce que dit EDF :

Indisponibilité partielle d’un système d’un système de protection sur l’unité de production n°2

Publié le 11/09/2020

Le 28 août 2020, les techniciens de la centrale de Nogent sur Seine réalisent un essai périodique* sur les grappes de commande du réacteur de l’unité de production n°2.

Lors de l’essai, les techniciens détectent une anomalie et interrompent la réalisation de l’essai afin d’en déterminer les causes. Les analyses réalisées par les experts ont permis d’identifier l’origine de cet événement : lors de la visite décennale, un paramètre erroné a été implanté au niveau d’un logiciel de calcul entraînant l’indisponibilité partielle de certaines fonctions de protection.

Le 31 août, les équipes de la centrale procèdent à l’implantation du paramètre adéquat afin de rétablir la disponibilité des systèmes de protection du réacteur. L’essai a ensuite été réalisé de manière satisfaisante.

Cet événement a été déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire le 7 septembre 2020 au niveau 1 de l’échelle INES, en raison du délai de détection du paramètre erroné. La préfecture de l’Aube, l’Autorité de Sûreté Nucléaire et la CLI ont été informées.

*Cet essai périodique consiste à vérifier la position des grappes lors de leur mouvement.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-nogent-sur-seine/actualites/indisponibilite-partielle-d-un-systeme-d-un-systeme-de-protection-sur-l-unite-de-production-ndeg2


Ce que dit l’ASN :

Non-respect des spécifications techniques d’exploitation du réacteur 2 de Nogent-sur-Seine

Publié le 15/09/2020

Centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine - Réacteurs de 1300 MWe - EDF

Le 7 septembre 2020, l’exploitant de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif au non-respect du délai de repli du réacteur 2.

Les grappes de commande sont situées dans le cœur du réacteur et sont constituées de matériaux permettant d’interrompre en quelques secondes la réaction neutronique en chaîne. Le bon fonctionnement des grappes et des automatismes qui commandent leur chute fait l’objet d’essais réguliers.

Le 28 août 2020, lors d’un essai consistant à vérifier la disponibilité à la chute des grappes de commande, l’exploitant a constaté l’apparition d’une alarme non attendue.

Le 31 août 2020, il a identifié qu’un paramètre était erroné dans les automatismes de commande de ces grappes. Les spécifications techniques d’exploitation du réacteur demandent, dans une telle situation, de procéder à la réparation sous huit heures des équipements concernés ou, à défaut, d’engager le repli du réacteur. La mauvaise implantation du paramètre ayant eu lieu lors de la visite décennale du réacteur, qui s’est terminée le 6 août 2020, ce délai n’a pas été respecté.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les personnes et l’environnement. Toutefois il a dégradé la fonction de sûreté liée à la maîtrise de la réactivité. Au regard de sa détection tardive, qui a entraîné un non-respect des spécifications techniques d’exploitation du réacteur, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

Le fonctionnement satisfaisant de ces équipements a pu être retrouvé le 1er septembre, après implantation des paramètres corrects.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Non-respect-des-specifications-techniques-d-exploitation-du-reacteur-2-de-Nogent-sur-Seine


[1Pour contrôler la réaction nucléaire dans le cœur du réacteur, l’exploitant dispose de deux moyens principaux : - ajuster la concentration de bore dans l’eau du circuit primaire, le bore ayant la propriété d’absorber les neutrons produits par la réaction nucléaire, - introduire les grappes de commande dans le cœur ou les en retirer, ces grappes de commande contiennent des matériaux absorbant les neutrons. II convient, en marche normale du réacteur, de maintenir certaines grappes à un niveau suffisant, fixé par les spécifications techniques, d’une part pour que leur chute puisse étouffer efficacement la réaction nucléaire en cas d’arrêt d’urgence, d’autre part pour assurer une bonne répartition du flux de neutrons. https://www.asn.fr/Lexique/G/Grappes-de-commande

[2Le palier 1300 MWe comprend les centrales de Belleville-sur-Loire (Cher), Cattenom (Lorraine), Flamanville (Basse-Normandie), Golfech (Tarn-et- Garonne), Nogent-sur-Seine (Aube), Paluel (Seine-Maritime), Penly (Seine-Maritime) et Saint-Alban (Isère)


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Installation(s) concernée(s)

Nogent

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91