7 novembre 2023
Le site nucléaire de Gravelines (Hauts-de-France) a déversé dans l’environnement entre 4 et 5 fois plus d’hydrocarbures que ce qui lui est permis. Mais ne l’a détecté que deux semaines après. Bien trop tard pour agir. Quant aux origines de cette pollution, EDF n’en dit pas un mot.
Crédit photo : André Paris
Combo gagnant pour le site nucléaire de Gravelines. Après avoir mis des déchets radioactifs dans un camion poubelle collectant des ordures ménagères, la centrale EDF a annoncé en novembre 2023 avoir détecté une pollution dans ses eaux de pluie. Des eaux qui sont directement déversées dans la nature.
Sans que l’on ne sache comment ni pourquoi - et sans un mot d’explication de l’industriel - des hydrocarbures se sont retrouvés mêlés aux eaux de pluie, dans des proportions dépassant très largement ce que le site a le droit de déverser dans l’environnement. La concentration de ces substances chimiques était de 4 à 5 fois supérieure au maximal autorisé (23 et 22 mg/l au lieu de 5 mg/l maximum).
Car comme tous les sites industriels, la centrale nucléaire de Gravelines a obtenu des autorisations pour rejeter produits chimiques et substances radioactives dans l’environnement. Ces autorisations, délivrées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), fixes des limites et des modalités de rejet spécifiques pour chaque type de substance. EDF est censé mettre en place une surveillance de l’environnement qui lui permette de détecter tout dépassement des limites qui lui sont fixées. Cette surveillance est aussi censée lui permettre d’agir pour stopper le rejet dans l’environnement le cas échéant.
En effet, à Gravelines, des prélèvements sont effectués dans l’eau du canal où EDF déverse ses "résidus d’exploitation" (ses effluents liquides, des déchets résultants de son activité industrielle). Ce canal rejoint directement la mer qui jouxte le site nucléaire. Les eaux de pluies qui ruissellent sur les bâtiments, les parkings, les aires d’entreposages et les routes du site nucléaire sont collectées via des caniveaux et conduites par un réseau de canalisations jusqu’à ce canal de rejet.
Le 6 et le 9 octobre 2023, EDF y fait des prélèvements. Ils sont envoyés dans un laboratoire extérieur pour analyses. Le résultat de ces analyses n’est revenu que le 20 octobre. C’est seulement à ce moment là que EDF a pu constater le dépassement des teneurs maximales autorisées pour les hydrocarbures. Bien trop tard pour stopper les rejets avant qu’ils n’atteignent le canal, ce qui aurait permis d’éviter une énième pollution du milieu aquatique.
Le communiqué de l’exploitant nucléaire ne précise pas de quel type de substance il s’agit précisément, pas plus qu’il ne mentionne sa possible provenance.
Déversement d’essence sur la voirie ? Débordement d’un réservoir ? Fuite sur un équipement ? Quoiqu’il en soit, EDF n’a pu que faire le constat, après-coup, d’une pollution du milieu naturel qui aurait pu être moindre - voire même évitée - si sa surveillance environnementale était mieux organisée. Avec des résultats rendus au plus près des prélèvements, avec un contrôle des installations par des rondes régulières et scrupuleuses, des moyens qui permettaient de détecter les incidents au moment de leur survenu, et non pas ses semaines après.
À se demander si EDF se donne les moyens d’exercer une véritable surveillance environnementale, une qui ne consisterait pas juste à dresser des constats, mais qui lui permettrait d’agir. Car le but de cette surveillance, outre de s’assurer du respect ou non de ses autorisations de rejets, est quand même de limiter les pollutions et de préserver autant que faire se peut l’environnement.
L.B.
Les évènements significatifs déclarés à l’Autorité de sûreté nucléaire en septembre-octobre 2023
Publié le 07/11/2023
Le 6 octobre 2023, puis le 9 octobre 2023, un prélèvement automatique d’eau est effectué lors de rejets d’eau pluviale dans l’environnement (canal de rejet).
Les analyses sont réalisées par un laboratoire extérieur, nécessitant plusieurs jours pour obtenir les résultats. Les rapports d’analyses sont réceptionnés par les techniciens du service Environnement de la centrale le 20 octobre 2023. Ils constatent une concentration en hydrocarbure de 23 mg/L pour le prélèvement du 6 octobre et de 22 mg/L pour celui du 9 octobre, pour un autorisé maximal de 5 mg/l. Ce dépassement ponctuel de la valeur limite de la concentration en hydrocarbure, qui n’a pas eu de conséquence sur l’environnement, a été déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire le 25 octobre 2023 en événement relevant du domaine environnement.