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Des accidents nucléaires partout

France : Gravelines : Des pompes de sécurité trop lentes à démarrer ? EDF laisse traîner




17 décembre 2020


Cinquième évènement significatif déclaré en trois mois par le site nucléaire de Gravelines (Nord). EDF a laissé un système essentiel non conforme sur deux réacteurs nucléaires durant toute une semaine. Les règles imposent pourtant un repli des réacteurs sous trois jour en cas de dysfonctionnement de ce circuit. Lenteur de réaction, méconnaissance des règles, difficultés de diagnostics et erreurs d’analyses, des problèmes qui se répètent sur le site nucléaire.


Le dernier incident remonte à peu : le 10 décembre 2020, EDF déclarait un évènement significatif pour la sûreté à Gravelines, suite à des pannes sur des circuits de refroidissement du réacteur 1. Les faits pointaient une piètre qualité de diagnostics des matériels (quand bien même les équipements sont-ils importants pour la sûreté), des réparations qui se font avec lenteur et une qualité d’exécution qui laisse de quoi s’interroger. Des constats qui ressortent également du nouvel incident déclaré par la centrale nucléaire dans la foulée, le 15 décembre 2020.

Cette fois, il s’agit d’un problème sur le circuit d’injection de sécurité des réacteurs 1 et 2. Ce circuit permet, en cas d’accident causant une brèche importante au niveau du circuit primaire du réacteur, d’introduire de l’eau borée sous pression dans celui-ci. Le but de cette manœuvre est d’étouffer la réaction nucléaire et d’assurer le refroidissement du cœur. Il est si important au plan de la sûreté qu’en cas de dysfonctionnement, le repli du réacteur doit être engagé dans les trois jours (diminuer la température et la pression du circuit primaire pour réduire la puissance de la réaction nucléaire).

Le 13 novembre 2020, un problème est constaté sur une pompe du circuit d’injection de sécurité des réacteurs 1 et 2 : elle démarre trop lentement, les règles imposent un temps plus court. EDF ne déclare pas le circuit indisponible, n’engage pas le repli des réacteurs et prévoit une intervention de maintenance... treize jours plus tard. Le 26 novembre, une partie de la pompe est changée, un essai est fait le lendemain et conclue au bon fonctionnement de celle-ci. Mais une seconde analyse, faite on ne sait pas quand, viendra contredire la conformité du circuit d’injection de sécurité : le temps de démarrage reste trop long et supérieur au maximum autorisé par les consignes d’exploitation.

Il faut encore attendre quelques jours pour que, le 2 décembre 2020, EDF déclare la pompe du circuit d’injection de sécurité des réacteurs 1 et 2 indisponible. Soi 20 jours après le constat de non conformité. Ce ne sera finalement que le 4 décembre que la conformité du circuit sera rétablie, un nouvel essai démontrant que le temps de démarrage est dans les plages autorisées.

Comment se fait-il que l’intervention de maintenance ait été planifiée treize jours après le constat de non conformité, malgré les délais imposés par les règles d’exploitation et malgré les enjeux de sûreté associés ? Pourquoi EDF n’a pas déclaré la pompe comme indisponible dès le 13 novembre alors que le test prouvait qu’elle ne fonctionnait pas correctement ? Comment est-il possible qu’une analyse conclue à la conformité du temps de démarrage après réparation et qu’une seconde analyse vienne contredire ce résultat ? Non seulement EDF a laissé la pompe du circuit d’injection de sécurité de deux réacteurs nucléaire plusieurs jours telle quelle alors qu’il était avéré qu’elle ne fonctionnait pas correctement, non seulement l’exploitant n’a pas engagé le repli des réacteurs dans les 3 jours comme il aurait dû, mais qui plus est il a manifestement bien du mal à faire des analyses fiables sur l’état de ses équipements, même les plus importants. Lenteur de réaction de l’exploitant nucléaire, violation des règles de fonctionnement, défaut de qualité des diagnostics matériels, erreurs d’analyses et d’interprétations de résultats d’essais... Les faits déclarés depuis la fin de l’été 2020 montraient déjà des problèmes d’organisation, de radioprotection et de sûreté sur le site industriel. La situation, rendue encore plus complexe étant donné le cumul d’opérations industrielles de grandes ampleurs sur le site, ne s’améliore manifestement pas. Même s’il n’y a pas eu d’impact sur la sûreté selon EDF (puisque le circuit d’injection de sécurité n’a pas été sollicité), les erreurs et manquements de l’exploitant nucléaire génèrent un accroissement des risques pour les travailleurs, les riverains et l’environnement.

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un ESS de niveau 1 – Indisponibilité d’une pompe du circuit d’injection de sécurité des unités de production n°1 et 2 de la centrale nucléaire de Gravelines

Publié le 17/12/2020

Le 13 novembre 2020, dans le cadre d’un essai périodique destiné à s’assurer du bon fonctionnement d’une des pompes du circuit d’injection de sécurité [1], il est constaté que le temps de démarrage de la pompe est supérieur aux consignes d’exploitation. Une intervention de maintenance est alors planifiée.

Le 26 novembre 2020, les équipes de maintenance remplacent une partie du système de relayage électromécanique de la pompe. Le lendemain, la pompe est considérée comme disponible et conforme. Toutefois, une seconde analyse, démontre que le temps de démarrage de la pompe reste supérieur aux consignes d’exploitation.

Le 2 décembre 2020, la pompe est déclarée indisponible et une nouvelle intervention de maintenance sur le système de relayage électromécanique est engagée. Le 4 décembre 2020, un nouvel essai périodique confirme que le temps de démarrage de la pompe est à nouveau conforme aux consignes d’exploitation.

En cas d’indisponibilité d’une des pompes du circuit d’injection de sécurité, les spécifications techniques d’exploitation indiquent un repli de l’unité de production sous 3 jours. Cependant, les analyses indiquant que la pompe était indisponible durant 7 jours, l’application tardive des consignes constitue un écart. Cet événement n’a eu aucun impact sur la sûreté. La direction de la centrale de Gravelines a déclaré cet événement, le 15 décembre 2020 à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), comme événement significatif sûreté de niveau 1 sur l’échelle INES, qui en compte 7.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-gravelines/actualites/declaration-d-un-ess-de-niveau-1-indisponibilite-d-une-pompe-du-circuit-d-injection-de-securite-des-unites-de-production-ndeg1-et-2-de


Ce que dit l’ASN :

Indisponibilité de la pompe d’injection de secours aux joints des pompes primaires des réacteurs 1 et 2

Publié le 22/12/2020

Centrale nucléaire de Gravelines - Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 15 décembre 2020, l’exploitant de la centrale nucléaire de Gravelines a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire un événement significatif pour la sûreté relatif à l’indisponibilité de la pompe d’injection de secours aux joints des pompes primaires commune aux réacteurs 1 et 2.

Le rôle des pompes primaires est d’assurer la circulation de l’eau dans le circuit primaire et donc de refroidir le cœur. Au niveau des joints de ces pompes, de l’eau sous haute pression est injectée afin d’assurer l’étanchéité du circuit primaire en évitant toute remontée d’eau de ce circuit. En fonctionnement normal, cette injection est assurée par le circuit de contrôle volumétrique et chimique. En situation de perte totale des alimentations électriques, cette injection aux joints des pompes primaires est assurée par une pompe de secours spécifique.

Le 11 octobre 2020, à la suite de la réalisation d’un essai périodique, le temps de démarrage de la pompe de secours est constaté supérieur à un des critères demandés par les règles générales d’exploitation. Toutefois, le temps d’établissement du débit de la pompe étant satisfaisant, l’exploitant décide de ne pas mener d’opération de maintenance.

Le 13 novembre 2020, lors d’un nouvel essai périodique, le temps de démarrage de la pompe de secours se dégrade. Le remplacement d’une partie du système de relayage électromécanique de la pompe est programmé et réalisé le 26 novembre 2020. A l’issue cette maintenance, un nouvel essai est réalisé. Le 27 novembre 2020, l’analyse en temps différé des résultats de l’essai montre que le critère relatif au temps de démarrage de la pompe est toujours trop long.

Le 2 décembre 2020, la pompe de secours est finalement déclarée indisponible. Une nouvelle maintenance est programmée et des connecteurs sur le système de relayage électromécanique sont trouvés desserrés. Le 4 décembre 2020, après avoir effectué le resserrage des connecteurs, un nouvel essai confirme le bon fonctionnement de la pompe de secours.

La pompe de secours aurait dû être déclarée indisponible depuis le début des problèmes rencontrés sur le temps de démarrage de la pompe. Les règles générales d’exploitation du réacteur n’ont pas été respectées puisqu’elles imposent un amorçage du repli du réacteur sous trois jours en cas d’indisponibilité de la pompe de secours.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur l’environnement ou les travailleurs. Il est classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité) en raison de sa détection tardive.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Indisponibilite-de-la-pompe-d-injection-de-secours-aux-joints-des-pompes-primaires


[1Le système d’injection de sécurité (RIS) est un système de secours conçu pour assurer le refroidissement du réacteur. Il permet d’injecter de l’eau contenant du bore, sous forte pression, dans le circuit primaire évitant la reprise de la réaction en chaîne.


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Installation(s) concernée(s)

Gravelines

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