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Des accidents nucléaires partout

France : Gravelines : Pannes sur des circuits de refroidissement, 4ème incident en trois mois




14 décembre 2020


C’est le quatrième évènement significatif déclaré en trois mois par la centrale nucléaire de Gravelines (Nord). Appareil de mesure de la réactivité du réacteur 6 débranché, contamination d’un travailleur, confinement des substances radioactives in-opérationnel.... sans compter les arrêts imprévus pour problèmes matériels et les anomalies génériques [1]. On apprend début décembre 2020 que des problèmes sont survenus en octobre et en novembre sur deux circuits de refroidissement du réacteur 1. Ces circuits SEC et RRI sont essentiels, tant à l’arrêt qu’en fonctionnement, puisqu’ils permettent d’évacuer la puissance thermique du réacteur, de refroidir la piscine où est mis le combustible usé - extrêmement chaud et radioactif après usage - et de refroidir plusieurs autres équipements comme les pompes qui font circuler l’eau du circuit primaire qui refroidit le combustible dans la cuve du réacteur.


Fin octobre 2020, les problèmes apparaissent lorsqu’il s’agit de changer la configuration de ces circuits de refroidissement : des vannes des circuits RRI et SEC se bloquent, impossible de les manœuvrer [2]. Ces circuits sont dits redondants : ils sont doublés, deux voies indépendantes existent, remplissant la même fonction. Par précaution. Cela permet de passer de l’une à l’autre en cas de problème ou dysfonctionnement. Le basculement se fait normalement automatiquement. Sauf qu’il n’est plus possible de basculer d’une voie à l’autre puisque les vannes sont bloquées. Depuis quand ? EDF ne le dit pas.

C’est donc tout le principe de redondance et de précaution associée qui tombe à l’eau. Une demande de réparation des vannes est faite, mais le communiqué d’EDF n’est pas très clair quant à la réalisation effective des travaux de maintenance demandés. Mi novembre, le même problème au moment de faire la même opération pour changer la configuration des circuits, les mêmes vannes bloquent. Cette fois, le diagnostic pointe un problème sur un capteur de pression sur une des voies. Il s’avérera ultérieurement que le problème au niveau du capteur était lui-même généré par la mauvaise position d’une autre vanne, en amont du circuit. Difficultés de diagnostic manifestes chez EDF. Est-ce que ce problème était déjà présent avant mais n’a pas été identifié correctement ? Est-ce que les interventions sur les vannes ont été faites sans vérifier ensuite que le problème était résolu ? Les tests de bon fonctionnement sont-ils assez fréquents, les vérifications techniques sont-elles effectuées correctement ? Comment un capteur de circuit de refroidissement aussi essentiel peut-il rester hors service durant des semaines et bloquer les systèmes essentiels sans qu’EDF ne s’en rende compte ?

Ce nouvel incident déclaré par EDF comme significatif pour la sûreté pointe une nouvelle fois la difficulté de l’exploitant à gérer son installation, ce qui aboutit à la multiplication et au cumul de problèmes sur ce site nucléaire. Sous le coup d’une mise en demeure par l’Autorité de sûreté (ASN) car ses stations de pompages d’eau froide seraient balayées par une explosion, sujet aux inondations, de très importants travaux sont en cours sur les différents réacteurs de la centrale qui prépare les 4ème visites décennales, ces grandes vérifications et remises en état des équipements, assorties de nouvelles modifications matérielles censées garantir plus de sûreté dans le fonctionnement de l’installation. Sauf si l’exploitant n’arrive pas à suivre et si toutes ces activités deviennent elles-mêmes sources de problèmes. Quoiqu’il en soit, la qualité des diagnostics des équipements, même s’ils sont fondamentaux pour la sûreté, semblent laisser à désirer. Et les interventions de maintenance semblent se faire avec un train de retard. Une lenteur et une difficulté manifeste de gestion inacceptables de la part d’un exploitant nucléaire, étant donné les risques générés par ses activités.

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un ESS de niveau 1 – détection tardive d’une anomalie sur un capteur d’un circuit de refroidissement

Publié le 14/12/2020

Chaque unité de production d’une centrale nucléaire dispose de circuits redondants. C’est le cas pour le circuit SEC/RRI, qui assure le refroidissement des matériels auxiliaires situés en zone nucléaire, en fonctionnement ou à l’arrêt. En cas de dysfonctionnement d’un des circuits (voie A), le second (voie B) prend le relai de manière automatique pour assurer la fonction. Ce basculement d’un circuit vers l’autre est effectué régulièrement pour s’assurer en permanence que les deux fonctionnent.

Le 28 octobre 2020, les équipes procèdent au basculement de la voie A vers la voie B du circuit SEC/RRI de l’unité de production n°1, en fonctionnement. Lors de cette manœuvre d’exploitation, des difficultés sont rencontrées durant la fermeture de deux vannes. Une demande d’intervention sur le matériel est émise, n’ayant été mise en œuvre avant le prochain basculement de voie.

Le 18 novembre 2020, les équipes procèdent à la même opération d’exploitation, et rencontrent à nouveau des difficultés à la fermeture des deux mêmes vannes. Le diagnostic réalisé fait alors état d’une anomalie d’un capteur de pression situé sur la voie B du circuit.

Le 19 novembre 2020, la voie A du circuit est remise en service. Les investigations indiquent que le dysfonctionnement du capteur est lié à la fermeture partielle d’une vanne située en amont. Cette vanne est alors remise en conformité et le capteur requalifié, assurant ainsi la disponibilité des systèmes de basculement automatique entre les deux voies de ce circuit de refroidissement.

Cet évènement n’a pas eu de conséquence sur la sûreté, ni sur le personnel, ni sur l’environnement. La détection tardive de cette anomalie a conduit la direction de la centrale nucléaire de Gravelines à déclarer le 10 décembre 2020 un évènement significatif sûreté classé au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-gravelines/actualites/declaration-d-un-ess-de-niveau-1-detection-tardive-d-une-anomalie-sur-un-capteur-d-un-circuit-de-refroidissement


Ce que dit l’ASN :

Indisponibilité partielle du circuit de refroidissement intermédiaire (RRI) du réacteur 1

Publié le 16/12/2020

Centrale nucléaire de Gravelines - Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 12 décembre 2020, l’exploitant de la centrale nucléaire de Gravelines a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire un événement significatif pour la sûreté relatif à l’indisponibilité partielle du circuit de refroidissement intermédiaire du réacteur 1.

Le circuit de refroidissement intermédiaire (RRI) permet de refroidir, en fonctionnement normal, comme en situation accidentelle, les systèmes auxiliaires et de sauvegarde du réacteur. Le circuit RRI comprend, pour chaque réacteur, deux pompes et deux échangeurs disposés en parallèle, constituant deux voies (voies A et B). En fonctionnement normal, seule une voie est en service mais les deux doivent être disponibles. Des changements de voie sont réalisés régulièrement lorsque le réacteur est en fonctionnement. En cas d’apparition d’un problème sur une voie, le circuit RRI bascule automatiquement sur l’autre voie.

Le 28 octobre 2020, dans le cadre du redémarrage du réacteur après arrêt pour maintenance et rechargement en combustible, l’équipe de conduite éprouve des difficultés pour effectuer la permutation de la voie A vers la voie B du circuit RRI. Après plusieurs tentatives, le basculement est réalisé. Le 18 novembre 2020, l’équipe de conduite rencontre les mêmes difficultés. Le 19 novembre 2020, EDF identifie que la vanne d’isolement, presque fermée, d’un capteur de pression de la voie B du circuit RRI est à l’origine des difficultés rencontrées. Dès la détection de l’écart, la vanne est réouverte et le bon fonctionnement du capteur est vérifié.

Après analyse, l’exploitant estime qu’en cas de perte de la voie B du circuit RRI, le basculement automatique sur la voie A n’aurait pas pu se faire. Dans cette configuration du circuit RRI, la voie A devait donc être considérée comme indisponible. Or, entre le 28 octobre 2020 et le 18 novembre 2020, la voie B du circuit RRI a été utilisée à trois reprises. Cette situation n’est pas conforme aux règles générales d’exploitation du réacteur, qui imposent un repli du réacteur sous 24 heures dans le cas où une voie du circuit RRI est indisponible.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur l’environnement ou les travailleurs. Il est classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité) en raison de sa détection tardive.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Indisponibilite-partielle-du-circuit-de-refroidissement-intermediaire-RRI-du-reacteur-1


[1Pour une revue des incidents déclarés par la centrale de Gravelines, voir ici

[2Circuit d’eau brute secourue (SEC) : ce circuit sert à refroidir un autre circuit, appelé circuit de refroidissement intermédiaire, qui assure le refroidissement des matériels importants pour la sûreté du réacteur. C’est un circuit dit « de sauvegarde » constitué de deux lignes redondantes, comportant chacune deux pompes et deux échangeurs. Il fonctionne en permanence, même lorsque le réacteur est à l’arrêt, afin d’assurer, entre autres, le refroidissement de la piscine de stockage du combustible. Ce circuit permet l’évacuation, via le circuit de refroidissement intermédiaire, de la puissance résiduelle du combustible dans certaines situations post-accidentelles (accident de perte de réfrigérant primaire, rupture de tuyauterie vapeur) et lors de la mise et du maintien en arrêt à froid du réacteur. Le circuit SEC contribue également, en fonctionnement normal et en cas de mise à l’arrêt du réacteur, au refroidissement d’un certain nombre d’autres équipements tels que les pompes primaires ou la piscine de stockage du combustible. Source : https://www.asn.fr/Lexique/S/SEC

Le circuit de refroidissement intermédiaire (RRI) permet de refroidir, en fonctionnement normal comme en situation accidentelle, l’ensemble des matériels et fluides des systèmes auxiliaires et de sauvegarde du réacteur. En particulier, le RRI refroidit les différentes parties mécaniques de pompes qui assurent la circulation de l’eau de refroidissement dans !e circuit primaire, notamment par une circulation l’eau dans un serpentin traversant ces pompes. Le circuit RRI est situé en grande partie à l’extérieur de l’enceinte de confinement ; le serpentin des pompes primaires se trouve à l’intérieur. En cas de dégradation du serpentin, l’eau du circuit primaire pourrait y pénétrer sous forte pression. Source : https://www.asn.fr/Lexique/R/RRI


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Installation(s) concernée(s)

Gravelines

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164