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Des accidents nucléaires partout

France : Golfech : Portes ouvertes et alarme

Prises de risques avec la maîtrise de la réaction nucléaire




3 février 2023


Le 31 janvier 2023, alors que le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Golfech (Occitanie) fonctionne, une alarme indiquant une baisse de température dans un local s’allume en salle de commande. Elle ne sera prise en compte qu’une heure plus tard par l’équipe qui pilote le réacteur nucléaire.


Cette alarme signale pourtant un risque de cristallisation du bore et d’entrave du fonctionnement du circuit primaire, 2 éléments cruciaux puisque le bore [1] est ce qui permet de contrôler et d’arrêter la réaction nucléaire et le circuit primaire véhicule le bore tout en refroidissant le combustible contenu dans la cuve [2]. On ne sait ni pourquoi les portes du local étaient grandes ouvertes, ni pourquoi l’alarme n’a pas été prise en compte plus tôt.
Parce que les règles censées régir le fonctionnement du réacteur imposent une baisse de puissance dans l’heure en cas de température inférieure au minimum requis, ce qui n’a pas été appliqué par EDF, les faits ont été déclarés comme significatifs [3] pour la sûreté [4] . Mais outre la mise en péril du contrôle de la réaction nucléaire et la violation des règles d’exploitation, l’incident questionne directement la qualité de la surveillance et de la conduite de l’installation.

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un ESS de niveau 1 relatif au non-respect des spécifications techniques d’exploitation

Publié le 03/02/2023

Evénement sûreté

Le 31 janvier 2023, à 16h50, l’opérateur en salle de commande de l’unité de production n°2 en fonctionnement identifie une alarme indiquant une baisse de température dans un des locaux, dans lequel passe une tuyauterie contenant de l’eau borée [5]. Cette alarme est apparue à 15h49. L’opérateur demande à un agent de terrain de se rendre dans le local afin d’identifier la cause de la baisse de température. L’agent l’informe que lors de sa ronde il a trouvé les portes du local ouvertes et les avait déjà refermées. A 16h55 la température atteint la température attendue et l’alarme s’acquitte.

Dans cette configuration et comme le prescrivent les spécifications techniques d’exploitation (STE) [6], la température attendue du local doit être retrouvée sous une heure. Ce délai n’a donc pas été respecté.

Cet événement n’a pas eu de conséquences réelles sur la sûreté des installations. Toutefois, en raison de sa détection tardive, la direction de la centrale nucléaire de Golfech a déclaré, le 2 février 2023, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), un événement significatif relatif à la sûreté au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-golfech/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-golfech/declaration-dun-ess-de-niveau-1-relatif-au-non-respect-des-specifications-techniques-dexploitation-0


Ce que dit l’ASN :

Prise en compte tardive d’une alarme indiquant une température trop basse dans un local du circuit d’appoint en bore du circuit primaire

Publié le 07/02/2023

Centrale nucléaire de Golfech Réacteurs de 1300 MWe - EDF

Le 2 février 2023, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif à la prise en compte tardive d’une alarme indiquant une température trop basse dans un local du circuit d’appoint en bore du circuit primaire, qui n’a pas permis de respecter la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation.

Sur les réacteurs à eau sous pression exploités par EDF, le circuit primaire principal est un circuit contenant de l’eau sous pression qui s’échauffe au contact des éléments de combustible. Le bore est un élément chimique ayant la propriété d’absorber les neutrons produits par la réaction nucléaire. Il est mélangé à l’eau du circuit primaire, grâce au circuit d’appoint en bore, et permet ainsi de contrôler et le cas échéant d’arrêter la réaction nucléaire. A basse température, le bore peut cependant cristalliser et perturber le fonctionnement des circuits.

Les règles générales d’exploitation sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite associées. Elles définissent notamment la température minimale requise dans les locaux où se situent les équipements du circuit d’appoint en bore, afin d’éviter la cristallisation de ce dernier.

Le 31 janvier 2023, le réacteur 2 était en exploitation. La température d’un local contenant de l’instrumentation du circuit d’appoint en bore est devenue inférieure à la température requise par les règles générales d’exploitation, ce qui a déclenché une alarme en salle de commande.

Cette alarme a été prise en compte un peu plus d’une heure après son apparition. Des agents de conduite envoyés sur le terrain ont alors constaté que deux portes du local étaient ouvertes. Du fait de la prise en compte tardive de cette alarme, la température du local est restée inférieure à la température requise par les règles générales d’exploitation durant une heure et six minutes. La conduite à tenir prescrite par les règles générales d’exploitation, qui en une telle situation est d’amorcer le repli du réacteur sous une heure, n’a donc pas été respectée.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, l’événement a affecté la fonction de sûreté liée à la maîtrise de la réactivité du réacteur. En raison de la détection tardive de cette alarme, qui n’a pas permis à l’exploitant de respecter la conduite des règles générales d’exploitation associée, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

Les portes du local ont été immédiatement refermées, ce qui a permis de rapidement retrouver une température du local conforme aux règles générales d’exploitation.

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/prise-en-compte-tardive-d-une-alarme-indiquant-une-temperature-trop-basse


[1Le bore, présent dans l’eau du circuit primaire sous forme d’acide borique dissous, permet de modérer, par sa capacité à absorber les neutrons, la réaction en chaîne. La concentration en bore est ajustée pendant le cycle en fonction de l’épuisement progressif du combustible en matériau fissile. https://www.asn.fr/lexique/b/Bore

[2Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire

[3Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif

[4La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire

[5Le bore a la propriété d’absorber les neutrons produits par la réaction nucléaire, et permet de contrôler et, le cas échéant, d’arrêter la réaction nucléaire. Il est maintenu à une température ambiante pour éviter le risque de cristallisation.

[6Les spécifications techniques d’exploitation (STE) sont un recueil de règles d’exploitation approuvées par l’Autorité de sûreté nucléaire, qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement d’une centrale nucléaire et les prescriptions de conduite du réacteur associées.


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Installation(s) concernée(s)

Golfech

Nombre d'événements enregistrés dans notre base de données sur cette installation
75