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Des accidents nucléaires partout

France : Générique : Corrosion et fissures : 15 réacteurs arrêtés, au moins 7 touchés

EDF déclare (enfin) un incident significatif pour la sûreté mais limité




21 septembre 2022


Fin septembre 2022, près d’un an après la découverte de corrosion sous contrainte (CSC [1]) et de fissuration de tuyaux au cœur du réacteur 1 de Civaux  [2] , EDF poursuit ses contrôles. Quinze réacteurs sont arrêtés, au moins 7 sont touchés ou présentent des signes indicateurs de CSC. L’exploitant nucléaire a déclaré les faits comme significatifs pour la sûreté, mais seulement pour 4 d’entre eux : Civaux 1 (Nouvelle Aquitaine), Chooz 1 (Grand Est), Penly 1 (Normandie) et Cattenom 3 (Grand Est).


Dans une note d’information datée du 21 septembre 2022, EDF fait le point sur l’état d’avancement des contrôles et des réparations [3]. Malgré les termes employés il ne faut pas s’y tromper : il ne s’agit pas de réparer les tuyaux touchés puisqu’ils ne sont pas encore identifiés. Seuls quelques uns des 56 réacteurs d’EDF ont été examiné et les contrôles sont loin d’être terminés (sauf à Tricastin 3, Bugey 4 et Cattenom 4).

Il a fallu découper des morceaux de tuyauteries pour les observer à la loupe et les analyser afin de déterminer si elles présentaient des signes de corrosion sous contrainte. Au prix de fortes doses de rayonnements pour les travailleur.ses chargé.es de ces opérations. Car pour le moment, EDF n’a pas de méthode de contrôle et de détection fiable de cette corrosion, elle est en cours d’élaboration. Puisque les circuits ne pouvaient pas être atteint de CSC selon les modèles utilisés par l’industriel, pourquoi aller vérifier ?

EDF est aussi en train de plancher sur les facteurs à l’origine de ce phénomène de CSC qui n’était pas censé pouvoir arriver. Des méthodes de soudage semblent en cause sur certains réacteurs : à Chinon 3 et Flamanville 2, la CSC a été initiée par un défaut de soudure précise le communiqué d’EDF. Mais la géométrie des tuyauteries semble être le facteur privilégié. Mise à part la piètre qualité dans la réalisation de certaines opérations (soudage), c’est donc à la conception même des réacteurs que l’erreur a été commise. Un bel exemple du manque de maîtrise industrielle et de méconnaissance de certains phénomènes. EDF aurait-il bâclé ses produits lorsqu’ils les a conçu et construit pour les mettre au plus vite sur le marché de la production d’électricité ? Précipitation et manque d’humilité n’ont jamais été gages de qualité.

Puisqu’il s’agit d’un problème de forme des tuyauteries, la CSC peut donc être généralisée sur plusieurs circuits au sein d’un même réacteur, et sur plusieurs réacteurs de même modèle (voir notre article de mai 2022). Les circuits d’injection de sécurité (RIS [4]) et de refroidissement à l’arrêt (RRA [5]) des 4 réacteurs de type N4 de Civaux et Chooz (les plus récents et les plus puissants) sont particulièrement sujets à la formation de CSC et aux fissurations. Les circuits RIS des centrales de Belleville, Cattenom, Golfech, Nogent et Penly aussi (12 réacteurs de 1300 MWe de type P’4).
D’après EDF, les tuyauteries des circuits RIS des autres types de réacteurs (les plus anciens, les 900 MWe et les 1300 MWe de type P4 de Paluel, Flamanville et Saint-Alban) le sont moins [6].

Pour l’heure, 15 réacteurs sont arrêtés pour contrôles et réparations des tuyauteries découpées, à des stades plus ou moins avancés. À Flamanville 1, Cattenom 1, Golfech 1, Penly 2 et Cattenom 3, les contrôles sont en cours. Les tuyaux sont en train d’être découpés ou réparés sur une dizaine d’autres réacteurs (Chinon 3, Bugey 4, Tricastin 3, Cattenom 4, Flamanville 2, Penly 1, Civaux 1, Civaux 2, Chooz 1, Chooz 2). Sur ces 15 réacteurs actuellement en cours d’examen, au moins 7 sont touchés ou montrent des indications de corrosion : Chinon 3, Flamanville 2, Penly 1, Civaux 1, Civaux 2, Chooz 1 et Cattenom 3. EDF annonce avoir (enfin !) déclaré un évènement significatif [7] pour la sûreté [8] générique mais uniquement pour 4 de ces réacteurs : Penly 1, Civaux 1, Chooz 1 et Cattenom 3.

La déclaration d’incident - et son périmètre - sera mise à jour au fil des découvertes. Un fil qui sera déroulé au (très) long cours car l’intégralité du parc nucléaire devra être vérifiée. Et puisque les circuits possiblement concernés sont multiples et sont constitués de plusieurs voies, puisque la méthode de contrôle n’est pas encore au point, puisque le phénomène de CSC est mal connu, puisqu’il y a 56 réacteurs au total à examiner et qu’il n’est pas possible de tous les arrêter en même temps sous peine de coupure de courant, les arrêts seront très longs a prévenu EDF : 25 semaines.
De quoi tendre encore plus la situation d’approvisionnement en électricité, déjà particulièrement tendue par la coupure des fournitures de gaz russe et l’approche de l’hiver. Parce que le gouvernement a décidé de mettre tous ses œufs dans le panier de l’électricité nucléaire, et parce que l’industrie ne maîtrise pas si bien qu’elle le pensait tous les phénomènes à l’œuvre dans ses centrales, l’électricité est aujourd’hui plus chère que jamais. Erreurs industrielles et politiques que chacun.e devra payer cet hiver, et au prix fort. Sauf peut être pour EDF, le gouvernement et une poignée de privilégié.es, qui n’auront certainement pas de difficultés, eux, à payer leur factures d’électricité.

Ce que dit EDF :

Phénomène de corrosion sous contrainte (CSC) détecté sur des portions de tuyauteries de circuits auxiliaires du circuit primaire principal de plusieurs réacteurs nucléaires

Mise à jour du 21 septembre 2022

Point d’avancement des contrôles et des réparations

EDF poursuit le traitement du phénomène de CSC sur le parc sur les arrêts de réacteurs actuellement en cours. A date, 10 réacteurs à l’arrêt pour maintenance font l’objet de réparations, liées aux expertises réalisées, qui ont nécessité le prélèvement de tronçons de tuyauteries et 5 réacteurs font l’objet de contrôles.

Les opérations de réparation sont en cours sur les réacteurs suivants :

 Chinon 3, à l’arrêt pour expertises CSC : une seule indication de CSC a été localisée sur une soudure, dont la spécificité est d’être initiée par un défaut de soudure. Le défaut ne revêt pas de caractère générique. Des découpes ont été réalisées à des fins d’expertise sur deux circuits, les réparations sont terminées sur un circuit et sont en cours sur le second.

 Bugey 4, à l’arrêt pour expertises CSC et arrêt simple rechargement : aucune indication de CSC n’a été localisée. Les réparations sont en cours.

 Tricastin 3, à l’arrêt pour visite décennale : aucune indication de CSC n’a été localisée. Les réparations sont terminées.

 Cattenom 4, à l’arrêt pour visite partielle : aucune indication de CSC n’a été localisée. Les réparations sont en cours.

 Flamanville 2, à l’arrêt pour rechargement : une indication a été localisée sur une soudure, dont la spécificité est d’être initiée par un défaut de soudure. Les réparations sont en cours. Le défaut ne présente pas de caractère générique.

 Penly 1, à l’arrêt pour visite décennale : des indications de CSC ont été confirmées sur des portions de tuyauteries. Les réparations sont en cours.

 Civaux 1 et Civaux 2, à l’arrêt pour visite décennale et expertises CSC : des indications de CSC ont été confirmées sur des portions de tuyauteries de ces réacteurs. Les réparations sont en cours.

 Chooz 1 et 2, à l’arrêt pour visite partielle et expertises CSC : des indications de CSC ont été confirmées sur des portions de tuyauteries du réacteur n°1. Les réparations sont en cours. Les travaux de dépose des lignes sont en cours sur le réacteur n°2.

Des contrôles et expertises sont menés sur d’autres réacteurs :

 Flamanville 1, à l’arrêt pour rechargement et remplacement des générateurs de vapeur.

 Cattenom 1, à l’arrêt pour visite partielle.

 Golfech 1, à l’arrêt pour visite décennale.

 Penly 2, à l’arrêt pour visite partielle.

 Cattenom 3, à l’arrêt pour contrôles CSC. Des indications de CSC ont été identifiées.

Un événement significatif de sûreté (ESS) générique de niveau 1 a été déclaré auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire pour les réacteurs suivants : Civaux 1, Chooz 1, Penly 1 et Cattenom 3.

EDF poursuit son programme de contrôles et de traitement de la CSC conformément à la stratégie présentée à l’Autorité de sûreté nucléaire en juillet 2022. Les résultats des contrôles à venir pourront, le cas échéant, conduire à une actualisation de l’ESS et de cette note d’information.

Télécharger la note d’information EDF :

https://www.edf.fr/sites/groupe/files/2022-09/EDF_Mise%20a%20jour%20Note%20Info%20CSC_21%20septembre2022.pdf

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-chooz/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-chooz/note-dinformation-sur-le-phenomene-de-csc-mise-a-jour-du-21-septembre-2022


[1La Corrosions sous contrainte (CSC) résulte de la rencontre de plusieurs facteurs : le type de matériau utilisé (le métal des tuyauteries), le milieu agressif (les produits chimiques qui y circulent), des pressions physiques exercées sur ce métal (thermiques et mécaniques). Voir notre article sur les débuts de l’affaire

[2Les circuits concernés sont des circuits auxiliaires au circuit primaire principal, qui est est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles.Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible.

[3Durant l’été 2022, EDF a présenté à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sa stratégie de contrôles et de réparations. L’ASN a été jugé qu’elle était appropriée en l’état des connaissances actuelles, mais qu’elle devra être révisée au fur et à mesure des analyses réalisées. Par ailleurs l’ASN a pointé le trop long délai avant contrôles pour la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire, qu’EDF avait prévu initialement pour 2024

[4Le circuit d’injection de sécurité (RIS) permet, en cas d’accident causant une brèche importante au niveau du circuit primaire du réacteur, d’introduire de l’eau borée sous pression dans celui-ci afin d’étouffer la réaction nucléaire et d’assurer le refroidissement du cœur.

[5Le circuit de refroidissement du réacteur à l’arrêt (RRA) assure l’évacuation de la puissance résiduelle dégagée par le combustible, quand il est encore dans la cuve, pendant les périodes d’arrêt.

[7Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif

[8La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire


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